Chainel : « Il était temps pour moi de partir »
Auteur de ses débuts avec AG2R La Mondiale dimanche lors du Grand Prix La Marseillaise, Steve Chainel dispute à partir de ce dimanche le Tour du Qatar. Après deux saisons à la FDJ, il a décidé de changer d’air et explique pourquoi à Velochrono.
« Dès mon arrivée, on m’a indiqué que j’étais désormais 100% routier »
Steve, comme chaque année, vous avez participé à la saison hivernale de cyclo-cross. Mais moins activement. Qu’en retenez-vous ?
Il y a effectivement eu un changement majeur par rapport aux autres années : j’ai repris le cyclo-cross beaucoup plus tard. En arrivant chez AG2R La Mondiale, en vue des Flandriennes, on m’a bien fait comprendre que j’étais désormais 100% routier. J’avoue que ça fait bizarre, sachant que j’ai toujours attaché de l’importance à cette saison hivernale, et que je n’ai jamais raté un championnat du monde sur les treize dernières années…
Qu’est-ce qui a changé dans votre approche du cyclocross ?
Je m’implique moins, je suis moins à l’écoute de certaines choses comme la météo… Changer mes habitudes a été un peu dur psychologiquement car je me suis retrouvé en déficit de forme. Je pense que j’ai fait l’erreur de courir les manches de Coupe du monde. J’aurais dû faire l’impasse sur ces courses et prendre confiance sur les cross régionaux ou nationaux, qui sont tout aussi intéressants pour la préparation. Quand on est un compétiteur comme je le suis, c’est difficielment mentalement de savoir que sur une Coupe du monde, on ne pourra pas viser au minimum le top 10.
Vous avez quand même tenu à faire le maximum sur les Championnats de France mais vous étiez diminué…
C’était mon grand objectif de l’hiver. A l’approche de la course, j’avais de bonnes sensations, mais malheureusement, j’ai chopé une gastro quelques jours avant, et je suis arrivé très affaibli au départ. Et pour ajouter à la difficulté, la météo était très compliquée. Je suis un frileux et je n’ai pas la puissance pour répondre à un Francis Mourey, par exemple, quand le terrain est boueux.
Puisque vous parlez de Francis Mourey, quelles sont ses chances pour les Championnats du monde, qui ont lieu ce samedi soir ?
Je pense qu’il peut être champion du monde. Je lis souvent les forums et je vois beaucoup de critiques le concernant. Je trouve que les gens sont durs avec lui. Il a toujours répondu présent lors des grands rendez-vous. S’il gagne ou même s’il fait un podium, ce serait aussi un beau message envoyé à la Fédération Française de Cyclisme. Cette dernière ne suit pas beaucoup notre discipline, ce qui est dommage. Je souhaite de tout coeur que Francis fasse un gros résultat. En plus, les Belges n’auront pas quarante paires de roues comme en Coupe du monde. Il n’y aura pas tout ce public acquis à leur cause. Le fait que la course se déroule aux Etats-Unis peut avantager un coureur comme Francis.
« Je n’ai jamais pu m’exprimer pleinement à la FDJ »
Parlons maintenant de la route : vous avez décidé de quitter la FDJ pour rejoindre AG2R La Mondiale. Pourquoi ?
A la FDJ, il y avait un groupe très performant pour les classiques. Entre Offredo, Ladagnous, Démare, c’était difficile de se faire une place. Je ne me suis jamais retrouvé dans la position de leader. Dans celle d’électron libre non plus, d’ailleurs. Je n’ai jamais pu m’exprimer pleinement et je n’ai jamais eu la confiance de l’équipe. Du coup, dès la fin des classiques du nord de 2012, j’ai su que c’était ma dernière saison chez la FDJ. Je suis un affectif, j’ai besoin d’avoir la sensation que l’on croit en moi. Aujourd’hui, j’ai 29 ans : j’arrive à maturité. Il était temps pour moi de partir dans une équipe où je pouvais être leader sur les Flandriennes. J’ai toujours marché sur les sept ou huit courses du nord, mais sans pouvoir jouer ma carte personnelle.
Mais AG2R La Mondiale ayant un effectif moins riche pour les classiques, n’avez-vous pas peur de vous retrouver esseulé ?
Pas forcément. J’espère que je vais réussir à féderer autour de moi, qu’il y aura deux ou trois coureurs pour me protéger pendant 150 kilomètres et qu’après ce sera à moi de faire le boulot. Je vais essayer d’apporter mon expérience de ce genre de course, ainsi qu’au niveau du matériel. Je regrette cependant que Lloyd Mondory ne puisse pas être de la partie à cause de ses pépins de santé. Mais je sais que je pourrai compter sur des gars comme Sébastien Minard. En tout cas, je suis certain qu’avec un état d’esprit collectif, on répondra présents.
« Avec Yoann Offredo, on aurait pu faire de belles choses »
Tout le monde se souvient de votre attaque sur Milan San Remo en 2011 avec Yoann Offredo. Ne regrettez-vous pas de rompre ce binôme qui était prometteur ?
J’aurais bien aimé continuer avec Yoann. Mais je n’ai pas de regrets car la FDJ a plus vu Yoann que Steve. (Il s’interrompt) C’est sûr que l’on aurait pu faire de belles choses… Cette attaque sur Milan-Sanremo, en 2011, n’en était qu’un aperçu. Par la suite, nous n’avons pas eu l’occasion de reproduire cela, à cause des blessures puis de la suspension de Yoann. Après ce fameux Milan-Sanremo, je n’ai pas eu la juste récompense, simplement une tape sur le dos. Cette course aurait pu être un tournant dans ma carrière si j’avais couru pour moi. Maintenant, j’espère que Yoyo va faire de grandes choses, et je suis sûr qu’il va avoir la gnaque. Même s’il a fait une connerie avec son logiciel Adams, un an de suspension, quand on sait que d’autres ont pu revenir plus tôt pour d’autres faits, c’est une honte.
On vous a souvent vu anticiper par le passé sur les Flandriennes, ce nouveau statut de leader va t-il changer votre manière d’aborder le final des courses ?
Non, je ne pense pas que je vais changer ma tactique. Je ne peux pas rester au contact d’un Cancellara ou d’un Boonen sur un Tour des Flandres par exemple. Compte tenu de leur puissance, ils me feraient sauter de leur roue. Au contraire, je dois anticiper sur ce genre de course, et si un groupe de costauds rentre sur moi, je chercherai à m’accrocher et ensuite à faire jouer ma pointe de vitesse. Je joue gagnant : chercher à rester au contact des favoris pour faire une placette ne m’intéresse pas.
« A propositions égales entre Sky et AG2R, j’aurais choisi AG2R »
Vous êtes très proche de John Gadret. Sa présence chez AG2R La Mondiale a-t-elle pesé dans votre choix de rejoindre cette équipe ?
Maintenant on peut le dire. A propositions égales entre Sky et AG2R La Mondiale, j’aurais choisi AG2R La Mondiale. J’avoue que j’avais très envie de rejoindre mon ami. Et pourtant, on ne va pas courir souvent ensemble cette saison. Mais le fait de se retrouver lors des stages, c’était déjà super. Je suis également très proche de Sébastien Minard : on se connait depuis 2000 par la voie du cyclocross. Pour le reste, il y a une très bonne complicité avec les autres coureurs du groupe. C’est nickel !
Quel est votre programme jusqu’aux Flandriennes ?
Tour du Qatar (qui commence dimanche, ndlr) et le Tour d’Oman pour faire du foncier. Je vais chercher à protéger nos sprinteurs, à savoir Davide Appolonio et Yauheni Hutarovich. Ensuite, je vais attaquer les courses qui me correspondent avec le Het Nieuwsblad, Kuurne-Bruxelles-Kuurne, la Montepaschi Strade Bianche. Le but, c’est d’être compétitif dès Milan-San Remo et jusqu’à Paris-Roubaix.
I don't ride a bike to add days to my life. I ride a bike to add life to my days !!!