Car normalement il ne veut plus se coucher avant la fin, il a hate de finir (et nous avec ?)
NDLR : UFOOT avant le départ
Une semaine que je suis parti. Enfin, j'ai dépassé mes propres limites. Je n'ai jamais fait une compétition aussi longue. Maintenant, tout est bonus, plus rien à perdre. Facile à écrire.
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J8, le live
Si j'ecris ces lignes au milieu de la nui a Monterrey, c'est que ce soir les choses sont differentes des jours precedents. Cette nuit, Christian ne dort pas. Il finira dans la journee de demain, si tout se deroule correctement. Mais on entre dans la derniere ligne droite (plus que deux marathons a faire !) alors il s'agit de finir sans tarder. Mais revenons d'abord au debut de journee.
Notre arrivee sur la piste a ete marquee par une demonstration d'humour. Joszef, qui avait fini le velo la veille au soir, commencait la course pied. Il a double Christian deux fois dans le tour, d'une foulee gracieuse et aerienne. Bref, comme un coureur de 10 km. Au tour suivant, il etait meme fou de joie de realiser un record du tour : 10 min pour un peu moins de 2 km, quand tous les coureurs en tete ne sont jamais descendus sous les 15 min.
C'etait a 4h30. A 7h, il etait arrete au stand, se faisant masser. Mais quand je lui dis que ca me semblait lie a sa vitesse, il rit. Non, me repondit-il, "when I run, I run". C'est aussi ce qu'il avait fait a velo, doublant de nombreuses fois Christian, mais faisant des pauses tres nombreuses. Christian ne l'a jamais double, au point qu'il le voyait en tete de classement.
La veille au soir, Christian avait couru une heure ou deux avec son casque MP3. Mais il l'enlevait a chaque pointage puce. Bien lui en pris puisqu'une fois, la puce ne bippa pas pendant 3 tours de suite, chacun fut enregistre manuellement. Je constatai ce matin que d'autres avaient le meme reflexe d'enlever leurs ecouteurs. Ah, fiabilite bien aimee des puces de Monterrey.
Le soleil se leve et il est temps. L´humidite poisseuse de la nuit est prenante. Elle nous tombe dessus comme de la pluie. Humidite, temps a ampoules ? C'est probable quand on regarde les pieds de Dave. Il avait bien pense a se proteger avec des secondes peaux Compeed. Mais les ampoules ont gonfle sous les pansements protecteurs. Il me demande quoi faire, mais si j'ai l'experience des Compeed, je dois avouer que je ne connais pas grand chose a son cas. J'en parle a Christian ensuite, en l'accompagnant un peu sur le circuit. "Propose-lui donc mes chaussons !" Mais Dave refuse, l'idee lui parait saugrenue. Roger quant a lui a choisi de naviguer toute la journee en sabots de plastique.
Pendant ce temps sur le double... 3600 km ca use, ca use, 3600 km, ca use les machines. Une roue du velo de Greger a un beau pet. Ca n'est pas bien droit tout cela, et il faut la changer. Le velo de Kim, lui, fait un claquement a chaque tour de roue. Le bruit augmente au fur et a mesure que la journee avance. On l'entend arriver et je ne peux que me demander si la machine tiendra la deuxieme moitie de sa course !
A 9h, les jeux sont faits pour Christian : le record est inaccrochable pour lui. Il devrait realiser moins de 20 min par tour et il en fait deja 21 a l'heure qu'il est. A bien sur, il peut regretter de ne pas avoir ete meilleur en natation. Mais il n'etait pas venu pour un record et finalement, se concentrer sur l'objectif de finir est le seul costume qui lui convienne vraiment. Alors on avance.
Maintenant, Christian court avec ses guetres de contention et pense que les chaussettes de contention ne sont vraiment pas adaptees a l'ultra. "Il faudrait en changer 15 fois pendant la course, je me vois mal avec autant de paires !" Je me permets alors de lui rappeler qu'il existe certains ultras sur lesquels le gens ne changeant pas 15 fois de chaussettes, en particulier ceux qui durent moins de 7 jours.
Il faut surveiller les pieds, ils sont dans un etat assez pitoyable. La cause, d'apres Christian ? Le lecteur MP3, qui le fait negliger d'ecouter ses parametres internes. Mais il lui permet de gratter quelques tours la nuit, quand il est trop fatigue. Christian craint la fracture de fatigue dans les metatarses. Les releveurs faiblissent. Et il a les dessous de pieds qui brulent. Pour eviter cela il lui aurait fallu s'entrainer pied nus, mais en automne a Saint-Quentin en Yvelines, il n'etait pas tres tente.
Marcher lui fait plus mal que courir, mais courir l'epuise. Il s'essaie a la technique de Martina Hausmann, entre marche et course, dans la relance permanente.
Et il conserve un regard positif : dans une epreuve si longue, chaque epreuve offre son lot de douleurs, mais ce qui est bien, c'est que l'epreuve suivante est si longue que les douleurs de la precedente ont le temps de s'estomper et de disparaitre completement pour laisser la place aux douleurs de la nouvelle. Bon, par contre, on en viendrait presque a regretter les epreuves precedentes quand on pense qu'en course a pied, chaque metre doit etre gagne de force, il n'y a pas de roue libre comme en velo, ni la glisse qui suit le demi-tour dans le bassin de la piscine.
La journee suit son court, lentement. Maintenant les coureurs font de plus en plus de tours ensemble. Le rythme ballade est de rigueur. A 18h, Christian fait sa pause chaussettes de la journee : chaussettes neuves et Nok pour donner un coup de jeune a ses pieds. Le constat s'impose : la douleur sous le pied, c'est une grosse ampoule, qui se continue dans l'espace entre les orteils. Et a l'autre pied, c'est le deuxieme doigt qui est transforme en grosse ampoule rose bonbon. Je suis trop impressionnee pour en faire un photo, ce que me reproche Wayne : il voulait en profiter aussi, dit-il d'un air hilare.
Le soir arrive, la decision est prise : Christian ne dormira pas cette nuit. Il doit faire de son mieux et pas simplement conserver sa premiere place. Il ne faudrait pas avoir des regrets ensuite. Avec la tombee du jour, la chaleur ecrasante s'estompe, mais elle est remplacee pour une moiteur tiede. Christian decide tout de meme de se remettre a courir. De temps en temps, il s'arrete. Eh oui, fini la strategie "J'avance toujours". Maintenant marcher est plus douloureux que courir.
Je fais quelques tours avec lui, ou seulement des bouts. Je me place devant et je fais le lievre. Un lievre un peu lymphatique, ma foi. Le plus difficile est d'avoir une foulee de coureuse quand nous avancons a 6 km/h. Christian n'aime pas me voir marcher devant lui plus vite qu'il ne court.
Une coequipiere de Greger, du double deca, decouvre ce soir que ce nous buvons tous, c'est des glacons fondus. Elle est horrifiee : "It's disgusting!" Je crois que le plus degoutant est qu'elle y mette les mains pour se servir et en remplir une petite poche. Eh non, ma cocotte, a la piscine, ici, c'est de l'eau du robinet que vous avez bu.
23h : une excellente nouvelle. Dominique finit le velo. 1800 km : il savoure son dernier tour et se sent d'attaque pour la course a pied. Apres une bonne nuit de sommeil. Son objectif ? Avancer, jusqu'au bout, et faire les kilometres qu'il pourra. Finies les fesses en feu. Pour les genoux, les tendons d'Achille, on verra demain si le changement de discipline atenuera les douleurs.
On entre de plus en plus dans la nuit. Moins d'athletes en piste. Il ne reste plus aucun coureur. Christian continue a avancer, a coup de cafes, de micro-pauses si necessaire, et de chansons paillardes chantees a tue-tete. Est-ce parce que Roberto est un gentleman detestant la vulgarite qu'il me conseille de faire dormir Christian "tant qu'aucun des autres coureurs n'est pas revenu en piste" ? Christian ne veut surtout pas. Il ne veut plus etre eveille au bout d'un cycle de sommeil pour partir en donner encore et encore. Maintenant, c'est tout d'une traite.
Pendant que j'ecris, Christian marche et court. La derniere chronique de ce deca-ironman devrait etre ecrite aujourd'hui.
Ouille, ouille, ouille...
LoPapy_fatigué_de_lire_ces_lignes...