J'ai quelques questions ou remarques :
1) Pourquoi faire une telle différence entre les années pré-2000 et les années post-2000 ? Certes en 2000 apparaît le test pour l'EPO. Mais il n'existait alors pas de passeport biologique, et le dopage sanguin restait donc possible. Tu parles pour la période 2000/2008 (2008 : introduction du passeport biologique, c'est là que se situe la coupure chronologique et pas en 2009/2010) d'un "dopage intelligent et subtil". J'ai beau me casser la tête, je ne vois pas d'incompatibilité entre "intelligent et subtil" d'un côté et "exploitation maximale des gains possibles du dopage sanguin" de l'autre ; au contraire même, quelqu'un d'intelligent et subtil, qui désire gagner, ne va pas utiliser simplement 15% du gain possible, mais bien 100%. Or on sait grâce par exemple à Vaughters que le dopage sanguin à lui seul peut faire gagner jusqu'à 12% de puissance à un coureur naturellement réceptif comme LA.
En l'absence d'un test efficace contre les transfusions autologues, et étant donnée l'excellence de son organisation de dopage, peux-tu nous expliquer pourquoi Armstrong n'aurait pas engrangé le maximum de bénéfices de cette technique dopante ?
Par ailleurs, tu n'as pas donné d'estimation pour les gains possibles dans la période antérieure à 2000. J'estime, en me fondant sur les hématocrites délirants observés, que les meilleurs dopés devaient pouvoir gagner plus de 15% de puissance (Vaughters parle lui de 18%, et quand on voit son chrono au Ventoux lors du Dauphiné de 1999 on peut penser qu'il sait de quoi il parle

). Il est donc tout à fait cohérent de penser que bien sûr, les gains ont un peu baissé après 2000, mais qu'ils sont restés très importants là où le dopage sanguin était le mieux organisé.
2) Tu considères que le Tour est devenu "clean" après l'introduction du passeport biologique en 2008 (le passeport est introduit au début de l'année 2008). Mais c'est contraire aux faits. Ce que je t'accorde, c'est que le passeport biologique a eu un effet important et mesurable sur les pratiques dopantes. Cf. par exemple le bon article suivant pour un résumé :
http://www.sportsscientists.com/2011/03 ... ht-or.html
Le diagramme suivant est assez parlant (cf l'article pour l'interprétation du schéma) :
Mais l'existence d'un effet important et mesurable n'est pas lui seul une preuve convaincante que le Tour est devenu "clean" ; en fait, ce que tu écris pour la période 2000/2008 s'applique à mon sens plus justement à la période 2008/2012 : à savoir un dopage plus mesuré, plus fondé sur des gains marginaux, que pour ma part je n'évaluerais pas à 2% mais plutôt entre 3 et 4% en puissance au maximum (source : Vaughters, cf. ci-dessous). Ces gains restent importants, mais il n'est sans doute plus absolument impossible de faire un podium en étant clean, contrairement à la période 2000/2008.
3) Je suppose que tu comprends néanmoins la différence entre "il n'est sans doute pas absolument impossible de gagner le Tour en étant clean depuis 2008" et "le Tour est clean depuis 2008" ? Le second énoncé est manifestement démenti par les faits. Depuis 2008, au moins 30% des podiums ont été impliqués dans des affaires de dopage : citons Kohl (podium 2008), Contador, Franck Schleck, Armstrong lui-même ; sans parler de Menchov qui n'a pas été juridiquement impliqué mais dont il est certain qu'il est dopé (cf. l'affaire Ferrari).
Voici la citation de Vaughters à laquelle je fais allusion plus haut, qui porte sur la période postérieure à 2008 :
So, in modern day where the bio-passport would prevent any huge jumps in Hb, say you increased from 14g/dl to 15g/dl (this all assumes that plasma volume is totally stable, which is a very big assumption and almost impossible...but anyway..)..This would bring about a total Hb increase of 6.7% [actually 7.14%], so the o2 carrying capacity increase and corresponding power increase would be about half of that, so 3.35% [3.57%].
C'est très intéressant car l'on voit qu'un directeur sportif en activité, qui n'a aucun intérêt à surestimer l'importance actuelle du dopage — c'est même exactement contraire à son intérêt — estime qu'on peut encore aujourd'hui obtenir un gain maximal de 3,35% par le dopage sanguin. Ceci bien sûr sans bénéficier comme certains du soutien de l'UCI, et sans prendre en compte d'autres méthodes éventuelles (qui existent pourtant sans aucun doute).
Tu vois que tu es vraiment très très loin du compte avec ton évaluation à 2% pour la période 2000/2008 : même pour la période 2008/2012, ce chiffre est sans doute sous-évalué, mais il n'a vraiment aucune plausibilité pour la période 2000/2008.
Ce point est d'ailleurs corroboré par l'interview de LA chez Oprah, puisqu'il reconnaît qu'il était impossible de gagner le Tour dans les années 1999/2005 en étant clean.
Peux-tu expliquer pourquoi, si le gain de puissance n'était que de 2% ? L'aveu de LA semble impliquer de façon nécessaire que le gain causé par le dopage était alors bien supérieur à 2%. En effet, un gain de 2% n'aurait pas remis radicalement en question les différences naturelles de talent, contrairement à un gain de, par exemple, 12%.
Pour conclure je vais insister sur les points d'accord tout en ne cachant pas les divergences importantes que nous avons :
1) Ok avec toi pour penser que les gains de puissance causés par le dopage n'ont cessé de baisser depuis environ 1998 ;
2) Ok avec toi pour considérer qu'il y a eu un effet important et mesurable de l'introduction du passeport biologique, et qu'il n'est donc pas absolument impossible d'être compétitif sans dopage de grande ampleur depuis 2008 ;
3) Gros désaccord sur l'évaluation du gain de puissance possible dans les années 2000/2008 ;
4) Gros désaccord sur la thèse selon laquelle "le tour est clean" depuis 2008 (mais là notre désaccord est déjà tranché en ma faveur par les faits non ?).