Les allures (partie1)
par Rodolphe Debureau
Article paru dans
Triathlète magazine Numéro 198 - Octobre
2003
édité pour
onlinetri.com |
Il semble régner chez les triathlètes
une grande confusion à propos des allures
de travail et des repères physiologiques
qui permettent de les fixer et de les repérer.
Il est temps de faire le point afin de dissiper
tout doute. Certains ne jurent que par les hauts
volumes, d'autres privilégient
les séances intensives, pour progresser.
Toutes les allures de travail apportent leurs
lots d'adaptations, mais le rapport individuel
intensité/volume optimal sera sans doute
le plus difficile à trouver pour le triathlète
et son entraîneur. Mais avant toute chose,
il convient de savoir à quoi correspond
chaque allure.
LES ALLURES D'ENTRAINEMENT
Le tableau 1 récapitule 9 allures différentes
pour chaque discipline. Bien sur, il n'est pas
aisé sur le terrain de manipuler ces
9 allures. Plus le triathlète aura un
niveau d'expertise élevé,
plus il sera intéressant d'utiliser
toutes celles ci. Pour un triathlète
de niveau moindre, en retenir 3-4 sera déjà
très bien.
TABLEAU 1 (format PDF).
Notion de temps et de distance limite :
Il paraît évident que certaines
vitesses de déplacement sont beaucoup
plus difficiles à tenir que d'autres.
Tout est question d'intensité et
de coût énergétique pour
chaque allure. Il y a un monde entre l'allure
de footing que l'on prend spontanément
si l'on sait que l'on va courir
longtemps et celle que l'on adopterait
pour faire un chrono sur 400m.
Pour chaque allure, il existe donc un temps
limite et à fortiori une distance limite.
Vous pouvez ainsi créer votre profil
d'endurance dans chaque discipline, sur
papier millimétré, en prenant
comme repère la vitesse pour l'axe
des abscisses (x) et la distance pour l'axe
des ordonnées (y).
Avec plusieurs points (exemple : vitesse sur
3000m, 10km, semi-marathon, &en cap et
sur 100m, 400m, 1500m et 3000m en natation),
vous obtenez ainsi une droite plus ou moins
parallèle avec l'axe des abscisses
suivant votre profil, à savoir si vous
êtes un athlète puissant ou très
endurant.
Allure d'endurance : l'effort
est quasiment illimité. L'organisme
consomme un mélange de graisses et de
sucre. Il y a présence d'acide
lactique mais il est tout de suite pris en charge
par des processus de réoxydation, donc
pas il ne s'accumule pas.
Vitesse au seuil anaérobie :
l'utilisation des graisses est maintenant
suspendu (QR voisin de 1) et seul le glucose
et le glycogène sont maintenant utilisés,
ce qui explique pourquoi l'effort ne peut
se prolonger très longtemps (en principe
45' à 1h15 suivant le niveau).
Une fois franchie cette fameuse vitesse, l'acide
lactique s'accumule, car les processus
de resynthèse sont débordés.
Vitesse Maximale Aérobie (VMA) :
c'est la vitesse minimale qui sollicite
la VO2max. (Il faut toutefois noter, sans créer
de confusions, que toute vitesse comprise entre
la vitesse au seuil anaérobie et la VMA
conduit par dérive à VO2max.)
Vitesse Maximale Absolue : vitesse
atteinte à la fin d'un sprint de
60m, par exemple, qui dépendra de la
puissance de l'athlète et de sa
coordination.
LES PRINCIPALES ADAPTATIONS RECHERCHEES
PAR L'ENTRAINEMENT
1 Augmentation du nombre et de l'activité
des enzymes aérobies
2 Epargne du glycogène au profit
de l'utilisation des acides gras
3 Augmentation du nombre et de la taille
des mitochondries
4 Augmentation du volume sanguin et
du nombre de capillaires
5 Augmentation du volume sanguin projeté
à chaque contraction (volume d'éjection
systolique VES)
6 Amélioration de la tolérance
aux lactates et de sa réoxydation
7 Amélioration de la force des
fibres musculaires
COMMENT MESURER L'INTENSITE ?
Plusieurs choix s'offrent aujourd'hui
aux triathlètes.
1) la vitesse de déplacement
C'est au premier abord le repère
qui semble le plus simple à utiliser.
Le plus utilisé en natation, au moins
quand on nage en milieu fermé, l'horloge
mural renseigne précisément sur
le temps mis pour parcourir une certaine distance.
Utile en course à pied, pour les séances
sur piste ou sur circuit étalonné,
elle est beaucoup moins parlante en cyclisme(hors
home trainer), car soumise à beaucoup
de paramètres extérieurs (vent,
déclivité, revêtement, &).
A noter que les montres GPS spécialement
destinées aux sportifs d'endurance
commencent à faire leur entrée
sur le marché.
2) la pénibilité de l'effort
Peut être le meilleur paramètre
d effort et très simple à
utiliser, l'échelle de Borg s'étalonne
de 6 à 20.
6 correspond à un effort d'intensité
très très faible et 20 à
un effort maximal. Vous pouvez, bien sur, créer
une échelle qui vous est propre. Le principe
de base de Borg, faisait correspondre les pulsations
sur l'échelle (pour une catégorie
d'individu jeune et sportif) les pulsations
obtenues pendant l'exercice.
RPE ( 'rating of perceived exertion'')
de 6 correspondrait à une FC de 60 bpm
RPE de 15 correspondrait à une FC de
150 bpm
RPE de 20 correspondrait à une FC de
200 bpm
3) la fréquence cardiaque
L'apparition des premiers cardiofréquencemètres
au début des années 80 allaient
marquer un profond changement dans la structuration
de l'entraînement des athlètes
d'endurance. Leur bonne utilisation impose
à l'athlète de connaître
quelques valeurs physiologiques.
Les deux meilleures façons de calculer
ses zones cardiaques d'entraînement
sont :
1) La Formule de Karvonen, qui prend en compte
la fréquence cardiaque maximale (réelle)
et la fréquence cardiaque de repos.
Exemple de calcul, si l'on veut travailler
à 85% de sa Fcmax.
Fréquence cardiaque de Réserve
= Fcmax-FC repos
FC d'entraînement = FC Réserve
x 80% + FC repos
2) Les zones d'entraînement basées
sur le seuil anaérobie (SA) souvent différent
dans les 3 disciplines.
ALLURES |
RECUP |
END |
TEMPO |
SEUIL
ANAEROBIE |
VO2
MAX |
TRAVAIL
LACTIQUE |
VELO |
65-81%
SA |
82-88% |
89-93% |
94-100% |
103-105% |
106%
et +
|
CAP |
65-84%
SA |
84-91% |
92-95% |
96-100% |
103-105% |
106%
et + |
4) la puissance
Bien qu'encore assez coûteux, les
appareils de mesure de puissance de cyclisme
(SRM, Powertap, Polar, &), pourraient voir
leurs prix dégringoler dans les années
à venir et devenir accessible au plus
grand nombre. Basés sur la micro déformation
des manivelles, ces appareils renseignent instantanément
sur la puissance (Force x Vitesse) développée
et ne subissent donc pas l'inertie du
système cardiovasculaire.
5) les lactates
En dehors des laboratoires hospitaliers, il
est possible d'utiliser des analyseurs
portables type Accusport afin de déterminer
individuellement les concentrations lactiques
suivant les intensités d'effort
et ainsi repérer les points d'inflexion.
6) la ventilation et l'essouflement
Une oreille attentive pourra repérer
tout changement de rythme respiratoire, surtout
à l'approche du seuil anaérobie,
ou la ventilation est beaucoup plus saccadée
(le recueil des gaz en labo ou grâce au
K4 renseignera sur l'utilisation précise
des substrats utilisés grâce au
QR (Quotient Respiratoire VCO2/VO2)
L'idéal étant de coupler
au moins deux paramètres. Exemple : au
cours d'un footing, si vous avez fait
une grosse sortie vélo le matin par exemple,
vos jambes pourront être affreuses, alors
que la fréquence cardiaque pourra très
bien être très correcte, malgré
une pénibilité d'effort
assez élevée.
DE GRANDES VARIATIONS SUIVANT LES TESTS
Le tableau 3 dresse le bilan de 16 triathlètes
de niveau varié (niveau débutant
à international), ayant réalisé
deux ou trois tests VMA sur une période
réduite (3 semaines), un test au seuil
anaérobie, et une moyenne de leurs performances
pédestres sur triathlon distance olympique
(DO).
TABLEAU 3 (format PDF).
Test VAM EVAL : test triangulaire augmentation
de 0,5km/h toutes les minutes (départ
à 8km/h)
VO2max par extrapolation => VO2max en ml/mn/kg=VMA
(en km/h)x3,5
Test 2000m : test rectangulaire en visant la
plus grande régularité et le meilleur
temps possible.
Test CHU : test triangulaire augmentation
de 2km/h toutes les trois minutes (départ
à 9 ou 11km/h)
VO2max directe par recueil des gaz
Ces 3 tests visent normalement à déterminer
la même chose, à savoir la VMA.
On se rend compte à la lecture de ce
tableau qu'il y a de grandes variations
suivant les tests. Quelle valeur choisir alors
?
Si c'est pour vous comparer aux autres
athlètes, alors choisissez la valeur
la plus élevée ! Pour vos séances
de piste, privilégiez la plus faible.
Certains tests, type Vam-Eval tendent à
surestimer un peu la VMA.
Le deuxième point remarquable par rapport
au tableau concerne la vitesse au seuil anaérobie
(SA) [estimé uniquement par des tests
rectangulaires sur des compétitions FFA
(10km=103%SA, 15km=100%SA, 21,1km=98%SA)] exprimé
en pourcentage de la VMA.
Ce rapport varie grandement suivant les athlètes,
et prouve ainsi qu'une grande place dans
l'entraînement doit être accordée
à cette allure pour pouvoir l'optimiser
au mieux.
Le dernier point intéressant à
noter, est le fait que sur un triathlon distance
olympique, où évolue la plupart
d'entre vous, l'athlète courra
au mieux au seuil anaérobie, à
la pose du vélo, même à
très haut niveau.
La question qui vient alors à l'esprit
est de se demander s'il est intéressant
d'effectuer un gros travail sur des allures
supérieures au seuil, mais c'est
un autre débat !
LES ALLURES PRIORITAIRES A TRAVAILLER
J'en retiendrais pour ma part 3.
1) Le travail d'endurance fondamentale,
qui permet de réaliser de gros volumes
de travail, de maintenir un haut niveau d'exigence
technique, de travailler la lipolyse et la capacité
aérobie, &
2) Le travail au seuil anaérobie
qui permet d'évoluer de plus en
plus vite tout en restant dans des registres
strictement aérobies, de travailler l'économie
gestuelle à allure spécifique
et de mémoriser une allure proche de
celle de l'allure de course (pour ceux
qui font du courte distance). L'entrainabilité
de ce système ne subit aucune limite
d'ordre génétique.
3) Le travail de vitesse gestuelle
pour améliorer la technique, la coordination,
le système neuromusculaire, ne pas être
bridé, et parce qu'il est beaucoup
plus long de développer la vitesse que
l'endurance.
Bon entraînement à tous
rodolphe@onlinetri.com
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