Re: Mondial : pas besoin de "coups de fusil"
Publié : 04 nov. 2010, 16:00
http://www.lemonde.fr/sport/article/201 ... _3242.html
Raymond Domenech compte sur la justice pour redorer son blason
LEMONDE.FR | 04.11.10 | 15h00 • Mis à jour le 04.11.10 | 15h09
Raymond Domenech, le 18 novembre 2009, après la qualification contre l'Irlande. REUTERS/© Benoit Tessier / Reuters
Après le battage médiatique et l'immersion du politique dans le sportif avec la convocation de Jean-Pierre Escalettes et Raymond Domenech devant une commission parlementaire et la tenue d'Etats généraux du football, le fiasco des Bleus en Afrique du Sud va désormais être exposé devant la justice. Mardi, Raymond Domenech a saisi le conseil des prud'hommes afin de contester son licenciement pour faute grave, en réclamant 2,9 millions d'euros d'indemnités.
Le lendemain, le président intérimaire de la Fédération française de football (FFF), Fernand Duchaussoy, a estimé que "le montant des prétentions de M. Domenech en matière d'indemnisation est extravagant et constitue une provocation de plus de la part de l'intéressé" (lire notre article).
Une provocation ?
"La démarche de Raymond Domenech n'a rien de surprenant", explique Michel Pautot, docteur en droit et avocat au barreau de Marseille. "Il y a vingt ans, les prud'hommes ne se mêlaient jamais des affaires sportives mais ça a beaucoup changé. L'ex-sélectionneur des Bleus n'appartient plus à la Fédération : il a tout à gagner et il est logique qu'il demande une grosse somme, sachant que ce sera au tribunal de réévaluer ce qu'il mérite", précise M. Pautot.
L'ancien sélectionneur des Bleus s'est vu reprocher trois faits précis qui motivent, selon la FFF, la qualification de faute grave : le refus de serrer la main de l'entraîneur de l'Afrique du Sud Carlos Alberto Parreira, le fait de ne pas avoir averti le président Jean-Pierre Escalettes des insultes de Nicolas Anelka, et la lecture du communiqué des joueurs grévistes le 20 juin à Knysna. D'ici trois ou quatre mois, lors d'une première audience de conciliation, les prud'hommes devront établir si ces trois faits peuvent être considérés comme des fautes graves et, à ce titre, justifier un licenciement, sans aucune indemnité.
LE FOND ET LA FORME
"Sur la forme déjà, il y a un premier élément qui peut avoir son importance : la Fédération, qui a licencié son sélectionneur relativement tard, doit avoir démarré la procédure deux mois au maximum après les faits. Si les avocats de Domenech peuvent prouver que ce n'est pas le cas, c'est imparable", poursuit Michel Pautot. Reste ensuite le fond du dossier, celui d'un cas unique, qui fera donc jurisprudence : le premier entraîneur de l'équipe de France renvoyé pour faute grave. "Ces faits peuvent sans doute être considérés comme des fautes graves car ils ont mis en péril l'image de la France", affirme l'avocat marseillais. Mais l'avocat de Domenech, qui estime qu'"on ne gère pas une crise collective par le licenciement d'un homme seul", va s'évertuer à prouver le contraire.
"Les prud'hommes, ce n'est pas glamour. La loi dit qu'il faut des preuves matériellement vérifiables qu'il y a eu une faute grave, qu'il y a eu intention de nuire à l'employeur, explique Catherine Charles, avocate spécialiste de droit social au cabinet Nomos. Les avocats de Domenech vont tenter de montrer qu'il s'agit d'un licenciement politique, et pas juridique."
"Lorsque des artistes ou des sportifs se retrouvent devant les prud'hommes, c'est toujours difficile de les juger. Ne pas serrer la main de l'entraîneur adverse, est-ce une faute grave ou une manifestation de mauvaise humeur qui peut arriver dans le milieu du sport ?", précise Catherine Charles.
Le conseil des prud'hommes, composé de représentants des employeurs et des salariés, qui sont des juges non professionnels, devra faire fi du contexte médiatique et des résultats sportifs pour juger en quoi Domenech a fauté dans l'excercice de son métier d'entraîneur. Il prendra seulement en compte la lettre de licenciement et se penchera sur les exigences du contrat qui unit un sélectionneur et sa Fédération. Des faits, exclusivement des faits.
LA FFF VA-T-ELLE FLÉCHIR ?
La question de la responsabilité personnelle du très procédurier Domenech, trésorier de l'Unecatef (le syndicat des entraîneurs), dans le fiasco des Bleus va donc continuer de faire débat pendant de longs mois. L'audience de jugement pourrait être fixée fin 2011 ou début 2012. Appels éventuels, cassation... L'affaire pourrait devenir interminable.
N'est-il pas tentant pour la Fédération de finir par accorder la faute simple à son ex-sélectionneur, en échange d'indemnités légales de licenciement, nettement moins lourdes que d'éventuels dommages et intérêts ? "La FFF est sans doute prête à une longue procédure. Elle a dû penser à tout ça lorsqu'elle a décidé de le licencier pour faute grave. Mais peut-être qu'elle finira par fléchir devant la lassitude de l'opinion publique. Tout est possible. Il peut y avoir un compromis à tout moment, jusqu'au jour de l'audience", rappelle Michel Pautot.
Une fois n'est pas coutume, Raymond Domenech n'a pas grand-chose à perdre en lançant cette procédure, et beaucoup à gagner. Mais entre le procès qui oppose Nicolas Anelka au journal L'Equipe, prévu fin mai (lire notre article), et cette nouvelle affaire, le mauvais feuilleton de la campagne tricolore en Afrique du Sud n'en finit plus de rebondir, cette fois sur le terrain juridique.
Imanol Corcostegui
Raymond Domenech compte sur la justice pour redorer son blason
LEMONDE.FR | 04.11.10 | 15h00 • Mis à jour le 04.11.10 | 15h09
Raymond Domenech, le 18 novembre 2009, après la qualification contre l'Irlande. REUTERS/© Benoit Tessier / Reuters
Après le battage médiatique et l'immersion du politique dans le sportif avec la convocation de Jean-Pierre Escalettes et Raymond Domenech devant une commission parlementaire et la tenue d'Etats généraux du football, le fiasco des Bleus en Afrique du Sud va désormais être exposé devant la justice. Mardi, Raymond Domenech a saisi le conseil des prud'hommes afin de contester son licenciement pour faute grave, en réclamant 2,9 millions d'euros d'indemnités.
Le lendemain, le président intérimaire de la Fédération française de football (FFF), Fernand Duchaussoy, a estimé que "le montant des prétentions de M. Domenech en matière d'indemnisation est extravagant et constitue une provocation de plus de la part de l'intéressé" (lire notre article).
Une provocation ?
"La démarche de Raymond Domenech n'a rien de surprenant", explique Michel Pautot, docteur en droit et avocat au barreau de Marseille. "Il y a vingt ans, les prud'hommes ne se mêlaient jamais des affaires sportives mais ça a beaucoup changé. L'ex-sélectionneur des Bleus n'appartient plus à la Fédération : il a tout à gagner et il est logique qu'il demande une grosse somme, sachant que ce sera au tribunal de réévaluer ce qu'il mérite", précise M. Pautot.
L'ancien sélectionneur des Bleus s'est vu reprocher trois faits précis qui motivent, selon la FFF, la qualification de faute grave : le refus de serrer la main de l'entraîneur de l'Afrique du Sud Carlos Alberto Parreira, le fait de ne pas avoir averti le président Jean-Pierre Escalettes des insultes de Nicolas Anelka, et la lecture du communiqué des joueurs grévistes le 20 juin à Knysna. D'ici trois ou quatre mois, lors d'une première audience de conciliation, les prud'hommes devront établir si ces trois faits peuvent être considérés comme des fautes graves et, à ce titre, justifier un licenciement, sans aucune indemnité.
LE FOND ET LA FORME
"Sur la forme déjà, il y a un premier élément qui peut avoir son importance : la Fédération, qui a licencié son sélectionneur relativement tard, doit avoir démarré la procédure deux mois au maximum après les faits. Si les avocats de Domenech peuvent prouver que ce n'est pas le cas, c'est imparable", poursuit Michel Pautot. Reste ensuite le fond du dossier, celui d'un cas unique, qui fera donc jurisprudence : le premier entraîneur de l'équipe de France renvoyé pour faute grave. "Ces faits peuvent sans doute être considérés comme des fautes graves car ils ont mis en péril l'image de la France", affirme l'avocat marseillais. Mais l'avocat de Domenech, qui estime qu'"on ne gère pas une crise collective par le licenciement d'un homme seul", va s'évertuer à prouver le contraire.
"Les prud'hommes, ce n'est pas glamour. La loi dit qu'il faut des preuves matériellement vérifiables qu'il y a eu une faute grave, qu'il y a eu intention de nuire à l'employeur, explique Catherine Charles, avocate spécialiste de droit social au cabinet Nomos. Les avocats de Domenech vont tenter de montrer qu'il s'agit d'un licenciement politique, et pas juridique."
"Lorsque des artistes ou des sportifs se retrouvent devant les prud'hommes, c'est toujours difficile de les juger. Ne pas serrer la main de l'entraîneur adverse, est-ce une faute grave ou une manifestation de mauvaise humeur qui peut arriver dans le milieu du sport ?", précise Catherine Charles.
Le conseil des prud'hommes, composé de représentants des employeurs et des salariés, qui sont des juges non professionnels, devra faire fi du contexte médiatique et des résultats sportifs pour juger en quoi Domenech a fauté dans l'excercice de son métier d'entraîneur. Il prendra seulement en compte la lettre de licenciement et se penchera sur les exigences du contrat qui unit un sélectionneur et sa Fédération. Des faits, exclusivement des faits.
LA FFF VA-T-ELLE FLÉCHIR ?
La question de la responsabilité personnelle du très procédurier Domenech, trésorier de l'Unecatef (le syndicat des entraîneurs), dans le fiasco des Bleus va donc continuer de faire débat pendant de longs mois. L'audience de jugement pourrait être fixée fin 2011 ou début 2012. Appels éventuels, cassation... L'affaire pourrait devenir interminable.
N'est-il pas tentant pour la Fédération de finir par accorder la faute simple à son ex-sélectionneur, en échange d'indemnités légales de licenciement, nettement moins lourdes que d'éventuels dommages et intérêts ? "La FFF est sans doute prête à une longue procédure. Elle a dû penser à tout ça lorsqu'elle a décidé de le licencier pour faute grave. Mais peut-être qu'elle finira par fléchir devant la lassitude de l'opinion publique. Tout est possible. Il peut y avoir un compromis à tout moment, jusqu'au jour de l'audience", rappelle Michel Pautot.
Une fois n'est pas coutume, Raymond Domenech n'a pas grand-chose à perdre en lançant cette procédure, et beaucoup à gagner. Mais entre le procès qui oppose Nicolas Anelka au journal L'Equipe, prévu fin mai (lire notre article), et cette nouvelle affaire, le mauvais feuilleton de la campagne tricolore en Afrique du Sud n'en finit plus de rebondir, cette fois sur le terrain juridique.
Imanol Corcostegui