Vincent Luis, la persévérance en bandoulière
Rebondir après une déception ? Vaste question. Vincent Luis, 7ème au triathlon des Jeux Olympiques de Rio et déjà à l’entrainement pour préparer ceux de Tokyo, apporte quelques éléments de réponses. Entre obstination, travail et croyances.
Comment se remettre de la plus grande désillusion de sa vie ? Vincent Luis s’est posé la question cet été, ce 18 août plus précisément, après sa 7ème place au triathlon des Jeux Olympiques de Rio. Parce qu’il visait l’or ou le podium, “au minimum”. Sur sa ligne d’arrivée, il a donc fallu encaisser le choc et laisser derrière soi quatre années d’entrainement d’une intensité folle, à raison de 30 kilomètres de natation, 400 kilomètres de vélo, et 120 kilomètres de course à pied par semaine. Avec son entraineur, Farouk Madaci, ils avaient tout anticipé, y compris la faiblesse de Vincent Luis dans la course à pied. Comme ce dernier le dit lui-même, “le triathlon, ça se perd en natation, ça se gagne en course à pied.” Alors il avait enchaîné les cross, souvent victorieux, au cœur de l’hiver pour être prêt le jour J mais cela n’a pas marché. Pourquoi ? Lui-même ne sait pas. La faute à pas de chance, la faute à un manque de relance sur le bitume, la faute au fameux “jour sans”. Mais il ne se cherche “pas d’excuses”. “Ça a marché neuf fois sur dix et ça n’a pas marché pendant les Jeux. C’est bête que ça soit tombé ce jour là”, commente-t-il laconique. Aujourd’hui encore, avec le recul, Vincent ne saurait toujours pas expliquer les raisons de cette défaillance : “Avec mes entraineurs, on n’a pas la sensation d’avoir fait de grosses erreurs, notre ligne de conduite était bonne.”
“Il ne faut jamais se mentir à soi même. Alors je suis reparti ”
Entre temps, il a fallu gérer les doutes. “Mais pas longtemps, seulement deux ou trois jours”, dit-il. Ensuite, pendant un mois, Vincent a pris le temps de couper, est rentré chez lui. Ce qu’il n’avait pas fait pendant quatre ans. Il a construit des meubles, passé le permis moto, refait sa carte d’identité, fait quelques foots avec des potes. Quelques questions ont parfois refait surface. A quoi bon avoir sacrifié quatre années pour tout ça ? A quoi bon autant s’investir alors qu’une course ne se joue finalement à rien ? Lui qui a l’habitude de dire “j’ai du mal à accepter que quelqu’un s’entraine quand je m’entraine pas” est retourné sur les pistes et a retrouvé le moral : “On refait pas le passé. Moi ce que je veux plus que tout, c’est gagner des courses. J’ai toujours l’habitude de me dire qu’il y a pire, donc je relativise vite et je passe à autre chose. La vie continue.” Au moment de reprendre l’entrainement le 18 septembre, l’homme s’était déjà refait une santé. “Il vaut mieux dire: ‘j’ai fait’ que: ‘j’aurais pu’ et ne jamais se mentir à soi même. Alors je suis reparti. Je me disais finalement, que ce jour là, c’est moi qui avait été mauvais, pas les autres qui avaient été bons. Dans un jour normal, je devais être sur le podium. Je me suis toujours dit que le jour où je serai champion olympique, j’arrêterai. Tant que je m’en sentirais capable, je continuerai d’essayer. J’aime trop ça. Ce n’est pas déraisonné que se dire que c’est possible. Il ne faut pas lâcher.”
“Les Jeux Olympiques, ça reste une course comme une autre”
Objectif Tokyo 2022, donc. Vincent, qui, de son propre aveu, a peut-être un peu trop délaissé avant Rio les compétitions pour l’entrainement s’est fixé un second objectif, qui devrait lui permettre de progresser encore davantage dans la course à pied : se qualifier pour le 5000 mètres des Jeux Olympiques et effectuer un doublé inédit dans l’histoire du sport français. “Ce serait le rêve”, dit-il se projetant déjà. Puis, revenant sur terre: “Aujourd’hui, je cours le 5000 mètres en 13 minutes et 45 secondes, or la qualif’ est à 13 minutes et 15 secondes. Si dans deux ans, je descends à 13 minutes et 30 secondes, je continue, sinon, tant pis j’arrête”, confie-t-il. D’ici là, Vincent compte s’inscrire à quelques meetings cet hiver “pour se préparer de façon ludique, sans délaisser pour autant la natation et le vélo”, précise-t-il.
En attendant, il profite de son rare temps libre pour délivrer quelques précieux conseils à d’autres coureurs que ses partenaires d’entrainement. Le dimanche 2 octobre, en effet, il encadrait trois runneuses, - trois journalistes du magazine Glamour - dans le costume de personal Pacer lors du 10KM Paris Centre. Et il s’est plutôt amusé : “les niveaux étaient disparates entre les trois mais elles avaient décidé de faire la course ensemble, de s’attendre, donc c’était facile de les coacher, il suffisait d’en appeler à leur motivation et leur sens du collectif. Sans oublier les basiques : faîtes un double nœud !”. Avant et pendant la course, Vincent est attentif à tout, les tenues, l’échauffement, et la gestion de l’effort: “Je leur ai conseillé de partir doucement sur 5 kilomètres pour finir fort”. Surtout, Vincent découvre “l’envers du décor, les démarrages en queue de peloton derrière tout le monde (rires), les ravitaillements qu’il faut aller chercher soi-même pour les autres”. L’issue de la course sera heureuse. Le Pacer verra ses trois coureuses franchir la ligne d’arrivée et lui demander dans la foulée de “les coacher à nouveau l’année prochaine, rigole-t-il. Après tout, c’est devenu mes copines.” Une manière aussi pour lui de ne pas se couper du monde. Crucial quand on se lance dans quatre nouvelles années de sacrifice, sous-entend-il : “C’est ce qu’on apprend en avançant. Il ne faut pas trop se projeter et anticiper. Il faut profiter au jour le jour. Les Jeux Olympiques, ça reste une course comme une autre et il faut l’aborder comme ça.”
Publié le 24 October 2016
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