Andy, simple coureur
Nouveau discours, nouveau programme, nouveau sourire : Andy Schleck fait tout pour devenir un nouveau coureur, jusqu’à reprendre sa saison cette semaine, sur le Tour Down Under, loin de ses temps de passage habituels. Après une année 2012 cauchemardesque, le Luxembourgeois a changé de philosophie. Mais pas d’objectifs.
Comme une deuxième naissance
Cela fait tellement longtemps qu’on ne l’a pas vu que c’est forcément un événement. Ce mardi, Andy Schleck a mis fin a sept mois sans compétition, une pige sur le Tour de Pékin mis à part, en courant la première étape du Tour Down Under. Voir le Luxembourgeois en Australie est incongru au vu du personnage, peu habitué à reprendre si tôt la compétition et à s’infliger ce genre de voyage « pour rien », puisque l’épreuve n’est ni un objectif, ni taillée pour lui. Mais depuis sa fracture de la hanche sur le Dauphiné, l’an dernier, Schleck n’était plus un coureur cycliste. En fait, ça remonte même au Tour de France 2011, car les six premiers mois de la saison dernière avaient été catastrophiques, entre méforme, abandons et errements. D’ailleurs, il n’a pas caché dans une interview accordée récemment au quotidien luxembourgeois L’Essentiel qu’il n’était « pas possible » pour lui d’oublier cette année noire : « J’essaie de ne pas trop y penser mais cela me reste toujours en tête. [...] Outre les blessures, j’ai pris un coup avec ce qui est arrivé à Frank (contrôlé positif à un diurétique, ndlr). Et il y a eu les histoires avec Bruyneel… Je n’étais pas dégoûté, mais ça rend triste et je ne voyais plus que la malchance et la merde… »
C’est pour mieux tourner la page qu’Andy a décidé de démarrer sa saison en janvier et aux antipodes. Presque devenu philosophe, il se réjouit de regoûter à la vie de coureur et semble en redécouvrir les plaisirs. « J’ai faim de compétition, assure-t-il. J’ai besoin de retrouver le rythme de la compétition, d’atteindre des objectifs et d’animer les courses que je dispute, comme j’ai pu le faire par le passé sur Liège-Bastogne-Liège ou le Tour quand j’avais décidé d’attaquer. C’est ce qui me manque le plus : prendre une décision qui change le visage de la course. Je vois que les autres sont fatigués, et moi j’ai encore les ressources pur attaquer. C’est la meilleure des sensations. » Mais, attention : on ne va pas découvrir un Andy Schleck boulimique, prêt à sauter sur tout ce qui bouge dès le Down Under pour autant. Et la première étape l’a confirmé puisque le Luxembourgeois n’a même pas fini dans le peloton. Il dit s’être senti nerveux. Il a probablement voulu, également, ne pas prendre de risques. Il était surtout en forme perfectible et avait prévenu : « Il va me falloir du temps pour revenir à un bon niveau. Mais je suis confiant. Dans deux, trois mois, ce sera OK. »
C’est là toute la différence entre Andy Schleck et Alberto Contador, deux coureurs souvent comparés depuis leurs passes d’armes sur le Tour de France, et dont les premières parties de saison sont généralement très différentes. Depuis lundi, le Pistolero est sur le Tour de San Luis et va probablement jouer la victoire, comme ce fut le cas l’an passé. Il a parfois gagné dès janvier, comme en 2005 au Tour Down Under, ou l’an dernier en Argentine. Il n’est que rarement resté sans victoire avant le printemps – la dernière fois en date en 2008. Tout le contraire d’Andy Schleck qui a pourtant les caractéristiques pour lever les bras rapidement vu ce que propose le calendrier de début de saison. À 80 % de ses possibilités, il pourrait s’imposer en haut d’un Mont Faron sur le Tour Med, voire même d’un Mont Willunga sur le Tour Down Under… C’est cette semaine, justement. Et pourtant, compte tenu surtout de la prestation du coureur de Radio Shack lors de l’étape de lundi, personne ne l’imaginera capable de l’emporter là-haut. Car le loustic veut se donner le temps…
« Impossible de faire pire qu’en 2012 ! »
« Deux, trois mois », donc. Au cours desquels le coureur de Radio Shack s’est concocté un programme très copieux – celui, effectivement, d’un mort de faim. Après l’Australie, Andy Schleck va enchaîner le Tour Med (6-10 février), le Tour du Haut-Var (16-17 février), le GP Nobili Rubinetterie (23 février), les Strade Bianche (3 mars), Tirreno-Adriatico (6-12 mars), le Critérium international (23-24 mars) et le Tour du Pays basque (1-6 avril). S’il le respecte à la lettre, il arrivera sur la semaine ardennaise avec pas moins de trente jours de course, ce qui ne lui est jusqu’ici jamais arrivé. Son record est pour l’instant de 25, en 2009 et 2011 ; et ce n’est évidemment pas un hasard, cela correspond à ses deux meilleures campagnes : victoire sur Liège et deuxième de la Flèche en 2009, troisième de Liège en 2011. Car le Luxembourgeois n’a pas seulement décidé de redevenir un coureur : il a aussi décidé de moins se focaliser sur le Tour au profit des Ardennaises, qu’il avait traversées dans l’anonymat le plus total au printemps dernier. « J’aime les classiques. Ce sera mon premier objectif en 2013. Je suis certain que cette saison sera meilleure que 2012 parce qu’en fait, ça semble impossible de faire pire ! Mais avant de courir les classiques, je dois beaucoup courir, et c’est bien ce que je compte faire. »
Mais Andy ne serait pas Andy si le Tour de France, même mis à la porte, ne revenait pas par la fenêtre. La grand-messe de juillet est toujours son rêve absolu, car même s’il est le vainqueur officiel de l’édition 2010, il lui manque encore le goût d’une victoire achevée. « Je veux gagner le Tour sur les Champs-Élysées, explique-t-il simplement. Je n’ai que 27 ans. Je sais que je dois retrouver mon niveau de 2011. » Dès cette année ? Il ne promet rien, mais se délecte du parcours. « Il favorise les attaquants comme moi, j’espère qu’on vivra un Tour plus ouvert et plus animé [que le précédent]. Sur le papier, j’adore ce parcours. » Les intentions ont changé, mais l’ambition reste la même. La saison du Luxembourgeois sera réussie si son Tour de France est réussi. On peut le regretter, mais ça fait longtemps que l’on ne s’en étonne plus. Pour l’heure, Andy Schleck est juste redevenu un coureur cycliste. Et c’est déjà bien.
A noter qu'Andy Schleck a abandonné, suite à une crevaison l'ayant empêché de suivre le peloton.
