Pour info :
- Jean-Pierre Raffarin, Grand témoin de la Francophonie et ami de la Chine, arrive à Pékin aujourd’hui. Dans sa valise, un message bienveillant de Jacques Chirac et un cadeau pour le président Hu Jintao : la biographie du général de Gaulle (qui avait reconnu la Chine communiste dès 1964) par Yves Guena, dédicacée par Nicolas Sarkozy. Des offrandes symboliques, en mémoire d’une amitié franco-chinoise vieille de quarante ans, et que les événements récents sont venus ternir. Passage catastrophique de la torche à Paris, virevoltes de Sarkozy sur sa participation aux Jeux, le dalaï-lama et le dissident Hu Jia citoyens d’honneur de la Ville de Paris... tout cela agace Pékin. La France, elle, s’affole à la vue des drapeaux tricolores barrés de croix gammées brûlés devant les hypermarchés Carrefour, l’un des principaux investisseurs nationaux en Chine... Pour Paris, l’heure n’est plus aux forfanteries ni aux menaces de boycott, mais aux signaux de paix. On revient aux classiques du dialogue stratégique, qui fit le bonheur des présidents-VRP lors de leurs venues en Chine.
L’automne dernier, venu rassurer Pékin sur la continuité post-chiraquienne, Nicolas Sarkozy avait empoché 20 milliards d’euros de contrats. Mieux que Jacques Chirac, amateur de poésie ancienne chinoise. Aujourd’hui, le message du Président apparaît brouillé aux yeux de la nomenclatura chinoise. Son capital de sympathie est écorné, il faut remonter le courant. Christian Poncelet, président du Sénat, est venu, comme Raffarin, faire son kow-tow (la courbette impériale) lundi à Pékin. Sa visite était programmée, mais pas la lettre d’excuses signée de la main du président français, et assortie d’un baisemain très vieille France à Jin Jing, héroïne nationale depuis qu’un manifestant a tenté de lui arracher la torche olympique à Paris. La Chine distribue bons et mauvais points d’un air sévère. «Cela a été apprécié par le Peuple chinois», a déclaré Jiang Yu, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
La distinction accordée par Bertrand Delanoé au dalaï-lama et à Hu Jia, constitue en revanche «un défi grave» : la Chine a exprimé son «vif mécontentement».
L’heure est cependant à la détente : «La France est revenue à la raison», annonçait mardi l’organe de la propagande en anglais China Daily, alors que les émeutes devant les Carrefour semblent être terminées, sur injonction du Parti.
La tournée de la réconciliation devrait s’achever samedi avec l’arrivée de Jean-David Levitte, un autre vieil ami de la Chine. Conseiller favori du président Sarkozy, ce diplomate œuvre depuis Valéry Giscard d’Estaing à l’entente entre les peuples. Sa visite est impromptue, et déjà controversée :
«La tradition chinoise interprète l’envoi d’une ambassade comme la reconnaissance d’une relation de vassalité», assure à l’AFP Jean-Vincent Brisset, spécialiste de l’Institut de relations internationales et stratégiques.
C’est un acte de soumission, qui sera pris comme tel.»
Pas un seul expert ne semble approuver la méthode française.
«Notre diplomatie est flamboyante, et les résultats sont lamentables, dit le sinologue Jean-Luc Domenach . Paris continue le roman gaulliste, obsolète depuis trente ans ; les diplomates se gargarisent du partenariat stratégique, mais c’est sans effet.»
Cavalier seul. Un sinologue français basé en Chine explique :
«Le gouvernement arrive avec des lettres d’excuses et se met aux pieds des Chinois. Il devrait jouer la carte européenne, la seule qui intimide les Chinois, au lieu de faire cavalier seul. On est perdants sur tous les tableaux.» Il ajoute : «La Chine adore jouer sur les contradictions, la France lui offre un boulevard.» Pour Dominique Moïsi, de l’Institut français de relations internationales, «la politique française, qui a voulu se mettre en avant comme pays des droits de l’homme, subit une défaite symbolique». Chacun oppose Nicolas Sarkozy à Gordon Brown et Angela Merkel, qui ont décliné l’invitation aux JO. La chancelière allemande, qui a grandi dans l’ex-RDA, sait décrypter la propagande communiste. Elle ne se laisse pas intimider.
«Et cela n’empêche pas l’Allemagne de faire de meilleures affaires en Chine que la France», assure Jean-Luc Domenach. Selon Jean-Pierre Raffarin, Nicolas Sarkozy, qui sera président de l’Union européenne lors des JO, «attend la concertation européenne pour décider s’il se rendra à la cérémonie d’ouverture». D’ici là, qu’importe que sa politique étrangère ne soit pas portée sur la concertation.
