Lu sur le blog du Monde, sous la plume d'Henri Seckel
- 9 h 30. Fabian Cancellara se réveille, tout sourire à l’idée de disputer enfin l’étape des pavés, qu’il a cochée depuis neuf mois. Ce Paris-Roubaix miniature entre Seraing, en Belgique, et Cambrai, dans le Nord, ne peut pas lui échapper à lui, le triple vainqueur de la "reine des classiques".
9 h 30 et 12 secondes. En voulant se lever, Fabian Cancellara se rend compte qu’il a un peu mal au dos.
9 h 30 et 14 secondes. Fabian Cancellara se souvient qu’il a abandonné la veille.
9 h 30 et 17 secondes. Fabian Cancellara pleure.
Midi. Pas fou, Chris Froome. Le Britannique a bien vu ce qu'il était advenu des deux précédents porteurs du maillot jaune : Rohan Dennis, pris dans une cassure dimanche, et Cancellara, la tête la première dans le fossé lors du maxicrash hier. Hors de question pour le Britannique, leader au général, de prendre le moindre risque en cette journée qui s’annonce encore bien précaire. "Froomey" garde son habituelle tenue Sky noire. Le peloton s’élance sans maillot jaune.
14 h 35. Premier secteur pavé. Aucune crevaison. Aucune panique. Aucune chute. Aucun blessé. Rien. Tout se passe bien. C’est trop beau pour être vrai. Les coureurs n’en reviennent pas. Christian Prudhomme neutralise la courses dix minutes, le temps qu’ils se remettent du choc.
15h25. Après trois jours et demi aux Pays-Bas et en Belgique, le Tour entre en France. Au bout de 200 mètres, le peloton doit mettre pied à terre, bloqué pendant un quart d’heure par une manifestation de taxis en colère contre Uber Pop. Thomas Voeckler tente discrètement de négocier avec un taxi une course jusqu’à Cambrai, pour feinter tout le monde. "Ah, Cambrai ça m’arrange pas", répond le chauffeur.
16h30. Thibaut Pinot, relégué à trois minutes au général après deux étapes cauchemardesques, tente de refaire son retard en plaçant une attaque à l’entrée du deuxième secteur pavé.
16h30 et 12 secondes. Thibaut Pinot se souvient qu’il n’est pas du tout à l’aise sur les pavés.
16h30 et 14 secondes. Thibaut Pinot est repris par le peloton.
17h50. Lars Boom, vainqueur de la mémorable étape des pavés l’an passé, remet ça. Peter Sagan est le nouveau leader. Après avoir échoué à s'emparer du maillot jaune pour 5 secondes lors de la 1ère étape à Utrecht, puis pour 3 secondes lors de la 2e étape en Zélande, puis pour 6 centièmes lors de la 3e étape à Huy, Tony Martin rate cette fois la première place pour 1 millième de seconde. ASO met en place une cellule de crise psychologique pour l’Allemand, qui passe les huit heures suivantes prostré dans un coin, à répéter : "Warum ?"
Plus que 2797 km jusqu’à Paris.