Juste un petit mot de bon matin pour préciser, tout de même, que je ne cautionne pas la violence, sous quelque forme que ce soit, mais comme l'a dit l'un de mes auteurs préférés, René Girard,
la violence est un monde d'incessants effets de miroir dans lequel les adversaires deviennent des doubles l'un de l'autre.
Juste redire que ces incidents auraient pu être évités si un ministre d'Etat n'avait pas jeté de l'essence sur le brasier fumant des banlieues.
Ce qui me chagrine, une fois encore - et on peut le lire ici également - c'est l'amalgame qui est fait banlieue-délinquance, arabe-voyou, jeune-fainéant, etc.
Je ne nie pas la réalité, il y a une frange dure qui ne veut pas adhérer au système, obéir aux lois de l'Etat nation, et qui, sans doute, oui, désirent se la couler douce et vivre de petits trafics puis de plus gros avant de finir inévitablement en prison... Ca, ça a toujours existé, le seul souci, c'est qu'on applique désormais une couleur et une religion à ces malfrats. Avec le dangereux effet boomerang de considérer des cas pour une généralité
Mais qui sont les plus grands voyous de ce pays ?
Je le redis, dans leur immense majorité, les jeunes des banlieues veulent s'insérer, bosser, vivre paisiblement, je suis sûr qu'ils condamnent ce qui passe en ce moment dans leurs cités, d'autant plus que ce sont eux qui vont être les premiers à souffrir et à payer l'amalgame sciemment ou maladroitement entretenu.
En 1979, j'avais donc 10 ans, je vivais à deux pas d'une banlieue, et à 11 ans, je suis allé au collège, implanté au coeur même de la cité, j'ai vu et vécu tout ce dont on parle encore aujourd'hui, violence, racket, intimidation, etc. Jamais je n'ai cédé au racisme (mes parents étaient pourtant de farouches militants FN

), jamais je n'ai mis tout le monde dans le même sac, je supposais déjà que la situation était bp plus complexe que la réalité ne voulait bien me le montrer. De ces années-là, j'ai retenu l'amitié, la franchise de mes amis, Français-Gaulois, Français-Maghrébin, Français-Sénégalais, etc, nous étions les enfants de la France, pas des blancs, des arabes et des noirs. J'ai été reçu chez eux, dans la banlieue, par des parents extraordinaires, dignes, le dos courbé, trop respectueux même à mon endroit sous prétexte que j'étais le petit Français, le pays qui les avait accueillis. J'ai mangé mes meilleurs couscous, senti les meilleures odeurs d'épices, surtout, j'ai bâti mes plus fortes convictions sur la nature humaine au contact de ces gens, convictions sur un monde pluriel, multi-racial et culturel, une immense mosaïque où chacun avait à gagner à aider l'autre.
25 ans plus tard, j'entends à la télé des choses qui me font presque pleurer de rage parce qu'une fois de plus, une fois de trop, une communauté toute entière est stigmatisée pour qqs casseurs qui se sont laissés embarquer dans les miroirs de la violence.
Quand je vois ces images, je ne peux m'empêcher de penser à mes amis d'enfance, à leurs parents, si attachés à la France, si attachés et respectueux des valeurs de la République, si respectueux d'avoir été ainsi reçus dans un pays d'asile.
Aujourd'hui, je donne des cours d'alphabétisation dans un petit quartier niché dans un ville de 15 000 hab, près de chez moi. J'y retrouve cette amitié, cet échange, ce partage que j'ai connu il y a 25 ans... Ces femmes sont si fières d'apprendre le Français, de pouvoir remplir des formulaires, lire les dépliants publicitaires, un programme TV, de passer le code de la route... pour nous, ce n'est pas grand chose, mais pour elles... Il y a leurs enfants, aussi, en accompagnement scolaire, où viennent aussi bien les mauvais que les très bons élèves, et chacun s'entraident, se stimulent, blanc, nègre, arabe... Et dans ce quartier, oui, bien sûr, 4 ou 5 fauteurs de trouble, qui dealent, piquent des autoradios. Ils finiront en prison, ils le savent, des éducateurs, leurs parents, la communauté, tout le monde a essayé de faire qq chose pour eux, ce sont des irréductibles, ils n'ont pas de couleur de peau en particulier, ni d'origine religieuse, ils se fichent de tout... ce n'est pas une génération spontanée, ce type d'individus a toujours existé, il y a 1000 ans, 100 ans ou 40 ans.
Ma grand-mère, elle, qui n'a pas connu les banlieues, avait une peur bleue des Blousons noirs, ces types qui faisaient régner la terreur, coiffés comme Elvis, vêtus d'un blouson noir, qui s'en prenaient à tout, jeunes, vieux, institutions, des petits rebelles de quartier qui aimaient faire peur, qui aimaient être craints. Et dont Philippe Bouvard a écrit un jour (dans les années 60, dans France Soir, le plus gros tirage de la PQN à l'époque) qu'ils écoutaient de la musique (le rock and roll) dont le rythme des tambours évoquait le nazisme... Voilà comment on fabrique des amalgames, merci M. Bouvard !
Je l'ai dit hier : cessons la rhétorique de la peur et de la compassion. Arrêtons de jouer sur les mots et avec les mots. Ouvrons nos bras, acceptons la différence, c'est tout.
J'ai été encore un peu long, désolé.

Et bonne journée.
