Drancis Frake a écrit : ↑10 sept. 2018, 21:57
De l'utilité ou pas de s'intéresser au dénivelé.
Bonsoir
De part ma sensibilité je n'apprécie guère et n'éprouve aucuns plaisirs dans les conflits avec mes semblables et encore moins les jugements hâtifs souvent désagréables à entendre ou à lire.
« Imagine que deux jours avant la course on t'annonce que le parcours de l'Embrunman est devenu tout plat. Renonces-tu ? » Ça c'est de l'argumentation à la Zemmour : c'est de la profondeur d'une cuvette de chiotte. On te place dans le doute en espérant te faire boire la tasse ou te noyer, ce qui est encore mieux. En fait cela n’enrichit pas le débat mais conduit plutôt à une joute verbale bien peu constructive. En tout cas, ce qui est certain, sauf cataclysme, l'Embrunman ne sera pas plat de si tôt , et je ne perdrais pas 400 euros.
J'ai donc tenu à préciser mon point de vue concernant le dénivelé en usant d'arguments.
Avec le développement et la démocratisation des outils de mesure, tels le GPS et l'altimètre, le dénivelé est une donnée qui, a priori, semble être devenue indispensable pour la préparation du triathlète ou de celui qui se définit comme tel.
Personnellement je ne suis pas de ces personnes qui se précipitent sur les nouveautés pour être à la mode ou pour ressembler à la majorité des gens qui m'entourent. Au nom de l'innovation on veut absolument nous vendre des produits qui, quand on creuse un peu le sujet, ne nous apportent strictement rien. J'aime faire des choix en fonction de mes besoins et non que l'on me créer ses besoins (ce à quoi il est malheureusement parfois difficile d'échapper)
Je fais partie de ces personnes qui n'ont pas d'Iphone, ni de GPS dans leur véhicule, et je m'en passe merveilleusement bien. Ça choque parfois des personnes qui sont alors complètement déboussolées car je perturbe complètement leur conception de la normalité, c'est comme dire à un gastronome que l'on n'aime pas le foie gras, dire à une personne totalement excitée à l'approche de Noël que l'on s'en fout totalement et à un amateur de foot que la coupe du monde ne nous intéresse absolument pas. Ces personnes pour se rassurer vous disent alors, pleine de sollicitude : « Que ta vie doit-être triste et ennuyeuse ! »
Je vous rassure tout va bien.
Pour en revenir au dénivelé, il apparaît maintenant systématiquement dans le moindre compte rendu, dans le moindre descriptif, souvent un peu (beaucoup) gonflé. J'ai pu lire dernièrement que le dénivelé du parcours du marathon de l'Embrunman est de... 2500m ! Pourquoi pas 5000m ? Non, il est d'environ 400m, tout comme le parcours cycliste ne serait que de 3800m et non de 5000m comme j'ai également pu le lire. C'est clair, les nombres ça impressionne surtout quand ils sont gros et quelque part en étaler permet de se faire mousser, ce que je déteste particulièrement. Il semblerait que cela ne soit pas une spécificité des triathlètes marseillais. Comme quoi, il faut vraiment se méfier des préjugés !
Pour terminer mon introduction je vais vous relater une histoire vécue :
En 1999 je participais à mon premier Embrunman, qui était par la même occasion mon premier triathlon aux distances Ironman. Je pratiquais le triathlon depuis 2 ans et à cette époque j'étais dans un petit club.d'apparence plutôt sympathique. L'année précédente j'avais participé au triathlon de Nice dont je n'avais pas du tout apprécié l'ambiance. Pour tout dire, je ne savais pas m'entraîner, j'improvisais totalement en fonction de quelques infos glanées dans les magazines et des rares échanges entre membres du club qui n'en savaient guère plus que moi. Internet n'était pas autant développé qu'aujourd'hui et il n'y avait pas pléthore de littératures sur le sujet. Ma préparation a consisté à faire beaucoup d'endurance. A vélo, et j'en rigole encore, ne sachant où j'allais physiologiquement et physiquement je faisais des sorties de 180km sur le... petit plateau. Ce n'est qu'en 2000 que j'ai acquis mon home trainer. En course à pied je n'ai pas le souvenir d'avoir fait des séances construites avec intelligence et je traînais déjà à l'époque une tendinite au tendon d'Achille gauche. En natation, mon crawl était artistique car je ne le maîtrisais absolument pas (j'ai fait un peu de progrès depuis mais ma carrure de limace n'a jamais été un atout. Ma pratique du Yoga depuis 2 ans, et surtout l’œil averti de ma prof ont aidé à un peu dénoué une ceinture scapulaire « trop serrée de plusieurs crans ».)
Malgré cela je ne me posais pas beaucoup de questions et abordais l'épreuve sans trop de stress. Mais ce n'était pas du tout le cas des 3 membres du club que j'accompagnais. Un sujet revenait régulièrement dans les discussions : Le dénivelé ! (donné pour 3600m à l'époque) C'était une véritable obsession. Personnellement cela ne me parlait absolument pas, je n'en faisait pas cas déjà à l'époque.
Finalement je termine premier du club, alors que sur le papier c'était loin d'être une évidence. L'un de mes coéquipier avait un très bon niveau à vélo et si mes souvenirs sont bons je lui colle pas loin d'1h00 sur les 188 km. J'ai compris par la suite que le « mental » n'était pas son point fort C'était ma première expérience en montagne, tout au plus ma première année de triathlon, en 1997, j'avais été faire un peu de vélo dans le Morvan.
Cette expérience m'a fait me dire que le dénivelé a surtout un impact psychologique bien plus que pratique. Cette insistance à en parler et à le mettre en avant très souvent n'est pas pour moi la meilleure manière d'aborder psychologiquement un triathlon. Mes coéquipiers m'ont vraiment lassé et assommé pour leur approche négative de la course. Par la suite j'ai fait du triathlon hors club et je m'en suis que mieux porté, bien plus serein et détendu. Attention ne pensez pas que je n'ai pas d'appréhension, je serais de mauvaise foi si je prétendais le contraire.
Pour l'aspect pratique du dénivelé je vais exposer mon point de vue à l'aide d'exemples.
Les données de départ, sauf indications complémentaires, sont pour la partie cyclisme (je m'exprimerais également sur la course à pied):
Distance du parcours pour la partie cyclisme = 180 km
Dénivelé = 3000m
Altitude = inférieure à 1500m* (sauf si précisé)
*Pourquoi 1500m ?
Je cite :
L'altitude faible (de 500m à 2000m) : aucun effet n'est ressenti au repos, mais la performance physique peut-être diminuée, en particulier au delà de 1500m. L'acclimatation permet de corriger ces altérations
L'altitude modérée (de 2000m à 3000m) : les effets sont ressentis au repos chez les sujets non acclimatés. La capacité maximale aérobie est altérée. Les performances ne sont pas toutes corrigées par l'acclimatation.
Source : « Physiologie du sport et de l'exercice, auteurs : W. Larry Kenney, Jack H. Wilmore, David L. Costill, édition Deboeck, 6ième édition, page 324 »
1er parcours :
Il est constitué d'une suite ininterrompue de montées et de descentes à faible pourcentage (moins de 5%) et de faible longueur (moins d'un kilomètre)
L’enchaînement de ces montées et descentes est très compliqué à gérer, l'intensité de l'effort au-delà du seuil aérobie en montée va généré une augmentation progressive du taux de lactate (et donc de pyruvate) que le peu longueur de la descente va rendre bien plus difficile à éliminer. Pour rappel, le cycle de Krebs utilise le pyruvate produit lors d'un effort à intensité supérieure au seuil aérobie comme substrat énergétique, ce qui permet de diminuer sa concentration. Il possède également « une chaîne de transport des électrons » qui permet l'élimination des ions hydrogènes qui sont liés au lactate et au pyruvate (acide lactique et acide pyruvique), ils acidifient le milieu intracellulaires et rendent alors impossible la poursuite de l'effort. D'où l'importance de savoir gérer son effort en descente en maintenant un minimum d'activité cardiovasculaire et musculaire en deçà de son seuil aérobie(c'est un aspect de l'effort à gérer sachant qu'après le vélo on n'en a pas fini...)
2ième parcours :
Il est constitué de 3 à 4 cols façon « cols vogiens » Les pentes n'excèdent pas 6 à 7%. Chaque col est espacé par quelques portions roulantes (relativement plates) Les acensions ne nécessitent pas de flirter avec le seuil lactique, il est possible de rester en deça. La longueur des descentes permet de récupérer de l'effort en montée.
3ième parcours :
Il est constitué de 3 cols de haute montagne chacun à plus de 2000m (façon route des 3 cols : la Cayolle, des Champs et d'Allos au départ de Barcelonette)
Les pourcentages des cotes sont compris aux alentour de 6 à 7%, ils peuvent dépasser à de nombreuses reprises les 8, 10 voire 12% Les cols sont espacés de portions en vallées relativement roulante.
Des cols hors catégorie ne s'abordent pas comme des « cols vosgiens », il y est aisé de flirter voir d'aller au delà de son seuil lactique si' l'on n'est pas vigilant. On est souvent à plus de 2000m ce qui, comme précisé plus haut, peut poser problème.
4ième parcours :
Celui de l'Embrunman. Je le cite parce que je le connais parfaitement. En dehors du col de l'Izoard, il est agrémenté de portions particulièrement usantes comme celles imaginées dans le 1er parcours, ce qui en fait sa difficulté et aussi son attrait.
Je termine par un 5ième parcours :, il n'est pas Ironman, c'est celui du triathlon de l'Alpe d'Huez. Il équivaut au parcours des 3 cols cité plus haut, il fait 130km environ (122km pour la boucle des 3 cols à Barcelonnette)
Sa particularité est de se terminer à plus de 1800m et d'emmener les triathlètes sur un parcours de 20km à plus de 1800m d'altitude.
La description de mes parcours est succincte mais ce que j'ai souhaité montrer c'est qu'à dénivelé équivalent des parcours peuvent présenter des difficultés qui ne sont pas équivalentes et qui ne s'abordent absolument pas de la même manière : braquets différents, intensité de l'effort qui peut nous conduire à flirter avec les valeurs hautes proche du seuil lactique. Je me doute que dans une cote comme celle de Pallon sur le parcours de l'Embrunman la majorité des triathlètes ne sont pas loin de la « zone rouge », j'ai été spectateur quelques fois (et acteur aussi) et j'ai pu le constater.
Jusqu'à présent je ne me suis attardé que sur le vélo, c'est simple le vélo sur le plan musculaire, les muscles travaillent alternativement toujours dans le même sens.
En CP c'est bien différent, le dénivelé ne nous renseignant absolument pas sur la nature du terrain : caillouteux, herbeux, bitume. Les descentes sont aussi contraignantes que les montées et exigent un travail musculaire très différent : Concentrique versus excentrique. Le dénivelé, encore une fois ne nous renseigne pas.
Pourquoi est-ce que je ne m'attarde pas sur le dénivelé ? c'est simplement parce que c'est une dimension qui n'indique une globalité et rien de plus. Le concept est en fait plutôt vide, insignifiant, du moins c'est ainsi que je le perçois. Ça impressionne sur un CV comme le nombre de diplômes... quand on en a ! Les hommes ont besoin de s'impressionner et de s'en mettre plein la vue les uns les autres. Moi je suis meilleur que toi car j'en ai plus que toi et parce que je vais plus haut et plus loin que toi. Nananère ! Quelle gaminerie.
Un dernier point :
Non ! ce n'est pas parce qu'un parcours offre un fort dénivelé qu'il faut se bouffer du dénivelé systématiquement à l'entraînement.
Les fondamentaux sont la clef pour passer partout :
Endurance fondamentale, c'est à dire faire de la borne en deçà de son seuil aérobie.
Seuil lactique sous forme de fractionné en répétitions plus ou moins longues
Ceci c'est pour les triathlon aux formats Ironman et L. On peut entrer dans les détails et s'attarder sur d'autres développement PMA, VMA mais pour le triathlète qui vise d'abord à bien finir (j'insiste sur le bien) et qui n'a pas beaucoup d'heures à consacrer à l'entraînement, c'est l'essentiel
Ensuite effectuer un stage en montagne pour apprendre à gérer son effort lors d'une ascension est un plus, ou au moins apprendre à gérer son effort sur un parcours accidenté. Il est possible de faire du fractionné en cote. Tester ses braquets à vélo.
En CP un plus est de courir régulièrement sur des parcours accidentés pour que les muscles soient contraints à un travail excentrique. A voir comment s'entraînent ceux qui pratiquent le trail, mais je doute fort qu'ils s'entraînent uniquement sur ce type de parcours et que le plat est au programme au moins pour préserver les articulations.
S'il y a l'aspect physique il ne faut pas négliger l'aspect mental en apprenant à surmonter des difficultés qui se présentent sur un parcours. C'est bon pour la confiance en soi.
Voilà. Il y a certainement plein de choses à dire. Je ne prétends pas détenir la vérité et mes connaissances sont limitées mais j'ai justifié mon point de vue et c'est le principal pour moi.
Bonne soirée.
W