Les réactions
Marie-Georges Buffet (ex-Ministre de la Jeunesse et des Sports, en poste en 1999) :
«J'avoue être un peu gênée de l'utilisation par l'Equipe ce matin de ces contrôles a posteriori qui n'en étaient pas puisqu'il s'agissait de recherche pour affiner encore la définition de l'EPO, parce qu'on dit ou on ne dit pas tout et, selon le document, d'autres flacons sont concernés. Or, on publie un seul nom. (...) Ou ce sont des contrôles et on cite les noms ou c'est de la recherche et il faut faire attention à ne pas léser un individu plutôt qu'un autre. D'après ce que j'ai vu d'autres flacons sont concernés et il n'y a qu'un nom qui sorte. (sur le contexte de l'année 1999) Le Dr Françoise Lasne (du laboratoire de Châtenay-Malabry) était en plein travail de recherches sur l'EPO mais celles-ci ne seront reconnues par l'UCI qu'en 2001. A l'époque, on sait que le peloton connaît l'EPO, mais nous n'avons pas le test. C'est ce qui nous a poussés à consacrer des moyens importants à la lutte antidopage pour gagner la course de vitesse. (...)La France, suivie ensuite par l'Italie, était seule, avant de porter le débat au plan européen. Avec la mise en place de l'AMA, nous avons franchi une étape supplémentaire.»
Daniel Baal (ancien président de la Fédération française de cyclisme):
«Le mythe n'a plus de raison d'être à partir du moment où le mensonge est clairement mis en évidence aujourd'hui. Quand on n'arrête pas de dire qu'il faudra que les journalistes fassent la preuve qu'on est dopé et que la preuve est faite, il faut en revenir à l'évidence. Je sais qu'un certain nombre ne supportaient pas que l'on doute de Lance Armstrong, même des dirigeants du cyclisme qui disaient qu'Armstrong est forcément propre, et d'ailleurs ils y mettaient leur main à couper ou leur tête sur le billot, voilà qu'aujourd'hui une réponse est donnée, qui me semble scientifique, tout à fait rationnelle et très difficile à contester.»
Jan Ullrich (vainqueur du Tour de France en 1997):
«J'étais en train de prendre mon petit-déjeuner à l'hôtel quand le porte-parole de l'équipe nous a révélé la teneur de l'article de L'Equipe. Dans la salle, il y avait aussi l'équipe Gerolsteiner tout aussi surprise que nous. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre mardi matin. Pendant l'étape, on a en a discuté entre nous dans le peloton, mais pour le moment, il nous manque toutes les informations nécessaires et exactes, c'est pourquoi je ne veux pas tirer de conclusions trop hâtives. Mais il est clair que je serais très déçu si les informations contenues dans cet article étaient confirmées».
Jean-François Bernard (ancien coureur, consultant de L'Equipe 24/24 pour le Tour de France 2005, joint par téléphone par L'Equipe TV)
«Comme tout le monde, j'ai été choqué mais il y a toujours eu des doutes au sujet d'Armstrong. C'est dommage que cela ne relève que du Tour 1999. Il serait intéressant de savoir ce qui s'est passé après. Si cela s'est produit en 1999, pourquoi pas les années suivantes. (...) Cela peut être une arme, mais en ce qui concerne Armstrong, il ne faut pas s'attendre à des sanctions, étant donné qu'il a arrêté sa carrière. Maintenant il faut savoir comment les coureurs contrôlés positifs récemment vont être sanctionnés. (A la question : Lance Armstrong est-il toujours un grand champion ?) C'est une bonne question. On ne gagne pas un Tour de France uniquement en se dopant. Comme on dit, on n'améliore jamais un âne. Armstrong était un cheval de course au départ. Il avait des dispositions.»
Eric Boyer (manageur sportif de l'équipe Cofidis):
«Ma première réaction est de regretter que ce soit un média qui démontre cela. Les journalistes ont fait leur métier mais je trouve en fait dommage que l'UCI (l'Union cycliste internationale) n'emploie pas, rétroactivement, les moyens qu'elle a à sa disposition. Si, véritablement, cette démonstration sert de preuve à la justice, c'est tout un système de contrôle antidopage qui se trouve fragilisé. Mais, je voudrais attendre la réaction d'Armstrong afin de savoir s'il est capable d'assumer plutôt que de charger une batterie d'avocats pour le défendre. C'est un coup de tonnerre. Peut-être le début d'une grande supercherie depuis sept ans. Voilà, on regarde le Tour de France, Armstrong, ses envolées et son arrogance. Et puis, on découvre que c'est pipeau. L'image que véhicule Armstrong va bien au-delà du sport : c'est un personnage public, international, qui a créé une Fondation contre le cancer; je ne sais plus maintenant quelle crédibilité à apporter à ce personnage. Cependant, je voudrais bien connaître les médecins pratiquant ce protocole de prise. Autour d'Armstrong, c'est aussi le système médical qui est, tout autant, mis en cause. Quels sont ses salopards?»
Raymond Poulidor (ancien champion cycliste):
«Pourquoi pas remonter jusqu'en 1903 tant qu'on y est? Armstrong a dit qu'il n'avait jamais rien pris mais, à ce moment là, les pratiques ne se voyaient pas. C'est, bien-sûr, désolant. Vis-à-vis de la loi, je ne sais pas ce que l'on peut faire. La seule chose que l'on puisse noter, c'est qu'il faisait comme les autres. En conséquence, ce que l'on peut déduire de cette affaire, c'est que les contrôles sont inefficaces».
Eric Bouvat (médecin de l'équipe AG2R et auparavant de l'équipe de France d'athlétisme):
«Est-ce que c'est vraiment vrai? Je persiste à croire qu'il existe des champions au dessus de la norme: Armstrong en fait partie comme Marie-José Pérec. Ma surprise est telle que je voudrais savoir si c'est vraiment vrai, au quel cas ce serait catastrophique pour le vélo. Mais la société actuelle est ainsi faite. Dans le sport ou ailleurs, on n'utilise pas toujours des moyens licites pour atteindre certains buts. Il y a tellement d'argent au bout. Tout est devenu tellement complexe. Les citoyens que nous sommes ne votent-ils pas, parfois, par exemple, pour certains hommes politiques ayant eu maille à partir avec la justice?».
Richard Virenque (FRA/ancien coureur):
«Ca me paraît un peu bizarre: sept ans après, de telles révélations ! C'est d'autant plus surprenant que les méthodes EPO ont été validées depuis plus de trois ans. Il est étonnant qu'il faille attendre qu'Armstrong soit parti pour sortir cela».
Jean Pitallier (président de la FFC):
«Je n'ai pas à prendre position. C'est une affaire qui remonte à 1999. Ceux qui ont mené l'enquête devaient avoir des éléments. J'en prends acte mais je regrette que cela rejaillisse encore sur le cyclisme. Néanmoins, s'il faut crever l'abcès, faisons-le. Dans cette affaire, c'est le sport en général qui est pris en considération et pas seulement le cyclisme. Mais, on doit poursuivre la lutte».
Jean-René Bernaudeau (directeur sportif de Bouygues Telecom):
«Je ne veux pas trop juger mais ce qui me paraît intéressant c'est que des échantillons congelés peuvent enlever la suspicion. A ce propos, il faut se souvenir que Felicia Ballanger, alors championne olympique, avait proposé de congeler les prélèvements pour ôter tout doute à ses performances. Aujourd'hui, on devrait faire des choses en ce sens. Je note aussi que Fabrizio Guidi a été contrôlé positif à l'EPO il y a quelques jours. On s'aperçoit donc que des gens se moquent encore de nous. Des éléments, comme mes coureurs, doivent se sentir volés. Mais, je pense à l'ensemble du cyclisme français qui n'est pas épargné en ce moment».
Xavier Louy (directeur du Tour en 87 et 88 ) :
«Je ne vais pas hurler avec les loups. Ce qui m'intéresse en effet, ce sont les victimes et non pas les coupables. De mon point de vue, il y en a deux: le Tour de France et la grande majorité de coureurs "propres". Je pense notamment aux coureurs français qui, depuis des années, sont, en quelque sorte, humiliés alors que l'on met en cause leur sérieux et leur méthode d'entraînement. Cette affaire me conforte par ailleurs dans ce qui a toujours été ma position vis à vis de l'UCI: à savoir que les organisateurs du Tour de France doivent eux-mêmes décider des équipes et des coureurs à sélectionner. Il en va de la survie du Tour de France, élément de notre patrimoine national, et aussi du patrimoine mondial de l'humanité».
Thomas Voeckler (coureur) :
«Les faits parlent d'eux-mêmes. C'est décevant car, même s'il s'agit de 99, cela remet en cause l'ensemble de ses victoires. Mais, pour moi, c'est un cas parmi d'autres: Frigo cet été, puis Guidi ou d'autres coureurs par le passé. Je ne me sens pas volé depuis ce matin qu'auparavant. Mais, ceux qui pratiquent le métier proprement peuvent encore se dire +ben merde+, je suis passé à côté de quelque chose à cause de gens qui ne disposent pas des mêmes armes que moi. Mais il ne faut pas trop penser à cela au risque de ne plus avancer».
Laurent Fignon (ancien vainqueur du Tour) :
«Cette histoire est trop vieille. 1999 ? J'en ai rien à foutre. Ca va servir à quoi ? Ce qui m'intéresse, c'est la prévention vis à vis des jeunes».
Bernard Thevenet (ancien vainqueur du Tour) :
«Ce qui me gène, c'est que cette affaire sorte juste au moment où Armstrong s'en va... je note aussi qu'elle intervient juste avant les élections à l'UCI. J'en vois deux effets: un coup de bâton derrière les oreilles du cyclisme et la remise en cause de la lutte antidopage. L'EPO peut être détecté depuis 2001. Pourquoi les rapprochements n'ont-ils pas été effectués depuis lors ? Il faut reconnaître que l'enquête a été menée de manière intelligente et pointue».
Cyrille Guimard (ancien directeur sportif) :
«Je pense qu'il s'agit là de la suite logique des choses. On est dans la normalité. Cela ne me surprend pas du tout dans le contexte de 99. Tout le monde savait que l'EPO n'était pas détectable et, par voie de conséquence donc, utilisé. Il en sera de même dans deux siècles. Mais, de telles pratiques ne sont pas essentiellement vraies pour le sport: sur le plan du blanchiment d'argent, c'est la même chose. Le douanier aura toujours une longueur de retard sur le contrebandier».
Jacky Durand (ancien coureur) :
«Et pourquoi sortir une telle affaire maintenant ? C'est facile de faire cela ! Ca me paraît un peu bizarre. A chaud, j'ai de gros doutes sur la véracité des accusations. C'est en dehors de mes compétences mais je suis complètement surpris».
Eddy Merckx (ancien coureur quintuple vainqueur du Tour de France, ami intime de Lance Armstrong) :
«C'est du journalisme à sensation. Armstrong m'a toujours affirmé ne jamais s'être dopé. Entre (ce qu'écrit) un journaliste et la parole de Lance, je fais confiance à Armstrong. Par ailleurs, il faudrait lui donner la chance de se défendre. Or il semble qu'une contre-analyse ne soit pas possible. Cette histoire de 1999, c'est donc chercher midi à quatorze heures. Oui, je continue à faire confiance à Lance Armstrong».
Filippo Simeoni (coureur) :
«C'est la preuve que je disais bien la vérité et que j'ai toujours été cohérent. Dans cette affaire, j'ai pris toutes mes responsabilités»
Willy Voet, (ancien soigneur de l'équipe Festina) :
«Je n'ai jamais travaillé avec Armstrong, je ne peux pas dire qu'il se dope. Mais, pour moi, il faut qu'il nous dise comment il fait pour monter l'Alpe d'Huez à 25 km/h. Moi, il ne m'a jamais impressionné. Je l'ai connu avant sa maladie (cancer des testicules). Je l'ai connu après. Donc, c'est une autre personne. Mais pourquoi on sort ça maintenant ? Il y a un mois, tout le monde était au pied du podium et applaudissait le plus grand champion du monde. Une fois on le met sur un piédestal et de l'autre côté on le démolit»
Marc Madiot (directeur sportif de la Française des Jeux):
«Mieux vaut tard que jamais. Mais dommage. Si c'était sorti un mois plus tôt, cela aurait peut-être évité qu'il gagne un 7e Tour de France. Tout le monde sait que je ne suis pas un fan d'Armstrong, mon sentiment personnel n'apportera donc rien mais ce qui m'intéresse maintenant, c'est que les jeunes, à travers cette histoire, n'aient pas envie de faire de conneries. A partir de là, je suis soucieux de voir avancer la lutte anti-dopage. Visiblement, c'est le cas. J'ai donc confiance. Elle est tenace et acharnée. Il faudrait maintenant développer les vrais contrôles inopinés. Que la loi permette d'aller pister les gens, soi-disant en altitude, chez eux».
Gilbert Duclos-Lassalle (ancien coureur français):
«Cette affaire est dommageable car elle va ternir sa carrière. Il s'agit d'une période où, c'est vrai, l'EPO traînait pas mal. Mais, j'ai pour habitude de toujours attendre les conclusions, avec les contre-expertises, pour porter un jugement définitif. Je remarque simplement maintenant que l'on a oublié que le personnage était un très grand champion, couronné mondialement à 21 ans, perfectionniste du travail et de l'entraînement».
Jean-Pierre Danguillaume (ancien coureur français):
«Y'a prescription. Qu'est-ce qu'on va s'em... avec cela. En 99, il y avait 90 pour cent du peloton qui se mettait de l'EPO. Cette affaire ne me choque donc pas».
Philippe Gaumont (coureur français):
«On se fout de la gueule des gens. Pourquoi sortir cette histoire alors que le Tour de France est terminé, que le vélo va entrer dans sa phase de saison morte, et que l'on attende que l'intéressé prenne sa retraite. L'Equipe a réussi par une relation X à sortir l'affaire sinon, elle ne serait jamais apparue au grand public. Les instances se moquent vraiment des gens. En 99, tout le monde tournait à l'EPO: ce n'est donc pas un scoop. Par contre, entre la période 2001 et 2005, là, je serais surpris car Armstrong est quelqu'un d'assez intelligent pour ne pas se faire prendre».
Fabrizio Bontempi (Lampre/directeur sportif):
«Pour moi c'est une histoire totalement absurde et je crois surtout que l'on cherche à discrediter Armstrong. Il n'est pas vraiment juste que l'on ressorte une affaire qui date désormais de 1999 et cela ne sert strictement à rien. Armstrong n'a jamais été contrôlé positif et de plus il vient de prendre sa retraite, donc où est l'intérêt d'en parler maintenant ? Nous en avons discuté en voiture avec Cunego (Damiano) et je peux assurer qu'il a la même opinion que moi comme d'ailleurs tous ceux qui sont ici ».
Christian Prudhomme, directeur adjoint du Tour de France cycliste
«Ca a d'abord été un choc, même si depuis 1999 chaque victoire d'Armstrong dans le Tour a été mêlée à une certaine suspicion. Il n'en reste pas moins que ça a été un choc. Je ne doute pas un seul instant du sérieux de l'enquête de L'Equipe, il faut néanmoins confirmer, vérifier, etc. Mais je le répète, un vrai choc. J'y vois quand même un espoir. Aujourd'hui, les gens qui trichent doivent se dire: 'dans un an, dans deux ans, dans cinq ans peut-être je me ferai pincer' (...) Ceux qui dans le sport de haut niveau -bien au-delà du vélo, dans tout le sport- trichent, doivent se poser d'autres questions et se dire que peut-être un jour ils se feront avoir. Que des gens qui trichent se fassent prendre, ça me paraît la moindre des choses. Maintenant encore une fois, sur ce cas spécifique, il va falloir évidemment tout peser très attentivement. Si demain Armstrong dit 'Je me suis dopé', il va tout perdre. Mais il faut qu'il y ait aveu, autrement on ne peut pas changer. Et cela ne dépend pas des organisateurs du Tour de France (...) mais des instances internationales, des instances nationales (...) Cela ne concerne pas les organisateurs du Tour mais les instances du sport».
Chris Carmichael, préparateur physique de Lance Armstrong
«Il y a ceux qui essayent toujours d'abattre Lance. La tentative de L'Equipe en est le dernier exemple. Lance a toujours été l'un de ceux qui a subi le plus de contrôles. J'entraîne Lance depuis quinze ans et il n'a jamais testé positif pour la simple raison qu'il n'a jamais, jamais utilisé de produits dopants.»
Avec AFP