Paris-Brest-Paris 2019

Annonces, infos, résultats et lives sur toutes les courses! Vos comptes rendus de courses sont aussi les bienvenus!
Stephtri
Messages : 476
Inscription : 31 août 2006 19:10
Localisation : Bretagne - Finistère

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par Stephtri »

pour info il ne pleut pas sur la Bretagne, mais le vent est bien présent
le secteur le plus dur est celui de Loudéac / Brest
Et comme tous les 4 ans je vais voir les gars quand je pars au boulot à 6h45 (le mardi et mercredi) et quand je rentre à midi et le soir , certains dorment à même le bas coté, j'ai déjà proposé un arrêt chez moi pour douche et repas (voir sieste ) si besoin mais les gars ne veulent pas quitter la route (je ne suis qu'à 1km5 secteur Landerneau)
Je devais être mécano à Brest mais je ne peux pas prendre 2 jours de congés en plus :cry:
jbtri
Messages : 110
Inscription : 30 sept. 2015 22:23

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par jbtri »

shika a écrit : 29 juin 2019 14:55
Jerome.A a écrit : 28 juin 2019 11:22 Tu nous feras un bon CR pour nous raconteur tout ca alors :)
+1 hâte de lire le CR.
CR : Plus jamais ça !
geraud
Messages : 9854
Inscription : 02 sept. 2009 08:24
Localisation : Rhone

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par geraud »

jbtri a écrit : 22 août 2019 09:24
shika a écrit : 29 juin 2019 14:55
Jerome.A a écrit : 28 juin 2019 11:22 Tu nous feras un bon CR pour nous raconteur tout ca alors :)
+1 hâte de lire le CR.
CR : Plus jamais ça !
:mrgreen: c'est aussi ce que je me disais il y a 4 ans, et s'il n'y avait pas eu ce b...l avec les inscriptions cette année, j'y serais retourné.

Bon courage à toi pour la récupération (perso, les muscles des mains étaient tellement secoués qu'un mois après l'arrivée, je n'avais pas encore assez de force entre le pouce et l'index pour faire sortir le dentifrice du tube :mrgreen: )

On se voit dans 4 ans au départ, alors :wink:
L'étranger
Messages : 275
Inscription : 22 juin 2007 12:03

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par L'étranger »

J'ai assisté au départ et à quelques arrivées...rien de particulier au départ au niveau ambiance, j'ai trouvé, contrairement à un départ IM par exemple... Puis je me suis pris au jeu et suivi la course sur le net. J'ai lu, entre autre, que Fiona Kolbinger, qui a gagné au scratch la Transcontinentale (4000 km) il y a 15 jours, a fait Paris-Brest-Paris...sauf qu'avant le départ, elle venait de relier Brest à Rambouillet en 4 jours à vélo !!
J'ai vu quelques arrivées et ai discuté un peu. On se rend compte de la dureté de l'épreuve...des zombies pour certains ! Franchement, RESPECT, c'est un truc de fous, de warriors...mais c'est une "chouette" aventure, je trouve, vue de l'extérieur ! :sm6:
Bonne récup
geraud
Messages : 9854
Inscription : 02 sept. 2009 08:24
Localisation : Rhone

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par geraud »

L'étranger a écrit : 22 août 2019 09:54 J'ai assisté au départ et à quelques arrivées...rien de particulier au départ au niveau ambiance, j'ai trouvé, contrairement à un départ IM par exemple... Puis je me suis pris au jeu et suivi la course sur le net. J'ai lu, entre autre, que Fiona Kolbinger, qui a gagné au scratch la Transcontinentale (4000 km) il y a 15 jours, a fait Paris-Brest-Paris...sauf qu'avant le départ, elle venait de relier Brest à Rambouillet en 4 jours à vélo !!
J'ai vu quelques arrivées et ai discuté un peu. On se rend compte de la dureté de l'épreuve...des zombies pour certains ! Franchement, RESPECT, c'est un truc de fous, de warriors...mais c'est une "chouette" aventure, je trouve, vue de l'extérieur ! :sm6:
Bonne récup
Je suis d'accord avec toi. J'avais trouvé le départ plutôt quelconque, et l'arrivée bien plus encore (genre arrivée sur un parking en prenant l'accès de service par derrière, mais l'arrivée avait changé cette année)

Après, je trouve que quand tu prends un peu de recul, cela peut aussi faire peur. Bon, la vaste majorité ont une vie raisonnable à coté, et le PBP constitue LE gros moment, une fois tous les 4 ans. Mais je n'avais pas vu les infos dont tu parles pour Fiona Kolbinger, mais Transcontinentale + Brest-Rambouillet + PBP... à ce stade là, ça devient une sacrée dépendance. Surtout que vu ses moyennes, on ne peut pas dire qu'elle le fasse en touriste; donc quand tu es dans la recherche d'une performance, tu ne profites même pas des paysages que tu traverses.
C'est souvent le risque dans l'ultra, de tomber dans une forme d'addiction (et comme par définition, cela demande de très gros volumes, la vie sociale peut en pâtir), mais sinon, c'est vrai que c'est une expérience à vivre au moins une fois.
L'étranger
Messages : 275
Inscription : 22 juin 2007 12:03

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par L'étranger »

C'est vrai qu'il y a tous les profils sur ce genre d'épreuves...et c'est bien !
En tout cas, du 1er au dernier, ils m'ont vendu des émotions et du rêve ! :sm3:

Sinon un petit article sur Fiona Kolbinger.

https://www.lemonde.fr/sport/article/20 ... _3242.html
jbtri
Messages : 110
Inscription : 30 sept. 2015 22:23

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par jbtri »

geraud a écrit : 22 août 2019 09:30
jbtri a écrit : 22 août 2019 09:24
shika a écrit : 29 juin 2019 14:55

+1 hâte de lire le CR.
CR : Plus jamais ça !
:mrgreen: c'est aussi ce que je me disais il y a 4 ans, et s'il n'y avait pas eu ce b...l avec les inscriptions cette année, j'y serais retourné.

Bon courage à toi pour la récupération (perso, les muscles des mains étaient tellement secoués qu'un mois après l'arrivée, je n'avais pas encore assez de force entre le pouce et l'index pour faire sortir le dentifrice du tube :mrgreen: )

On se voit dans 4 ans au départ, alors :wink:

Je viens de déjeuner : je ne peux pas tenir une petite cuillère.
Hier soir quand la nuit est tombée, j’ai mis trente minutes à me changer, je n’avais pas assez de force dans les doigts pour fermer mes fermetures éclairs.

Je récupère et je fais un CR ce WE.
jbtri
Messages : 110
Inscription : 30 sept. 2015 22:23

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par jbtri »

Voici un CR malheureusement complètement subjectif car il y aura autant de CR que de préparation, environnement familial, contraintes professionnelles, forme physique...

L’année dernière, je retrouve un ami d’enfance que je n’avais pas vu depuis 20 ans. On roule ensemble, nous avons le même niveau et il me propose de faire PBP avec lui. Pourquoi pas. Au printemps, il me dit qu’il a des problèmes de cervicales et qu’il laisse tomber. Je décide de le faire tout seul. Première connerie.

Je travaille en décalé, j’ai très peu de WE de libres, seulement trois semaines de vacances l’été. Ça a concocté un cocktail familial explosif quand il a fallu sacrifier le peu de WE de printemps où je ne travaillais pas pour passer les brevets, puis expliquer à ma femme que je vais la laisser seule à Dinard avec les enfants la dernière semaine de vacances. Elle est furieuse, je culpabilise et je m’entraîne très peu depuis le brevet de 600km mi-juin. Je ne fais que des petites sorties de 1h30, très rarement 2h30.
Je sais que je n’aurai pas les km dans les jambes. Deuxième connerie.

Trois départs possibles : le dimanche de 16h à 17h pour un contrat de 80h, le dimanche vers 19h pour un contrat de 90h et le lundi à 5h pour un contrat de 84h.
Comme ma femme est furieuse car ça ampute nos vacances, j’ai choisi lundi 5h.
Ca ne m’oblige à aller à Rambouillet que le dimanche matin.
Car comme sur Ironman, il faut arriver la veille pour faire inspecter le vélo (éclairage, freinage, attache sacoches) et retirer les plaques et puces de cadre.
Mais comme je reprends le travail le vendredi, je dois impérativement terminer le mercredi pour avoir un minimum de récupération avant de retourner bosser.
Je dois donc coute que coute terminer en 66-67h... Ca m’oblige à tenir une moyenne. Troisième connerie.

Comme je l’ai expliqué dans un post précédent, je n’aurais pas dû avoir de dossard et je comptais le faire en OFF en coupant la course en trois étapes de 400km.
Je vais me nourrir comme sur Ironman pendant trois jours.
Gatosport le matin, boisson iso sur le vélo et 1/3 de Powerbar tous les 3/4 d’heure.
Le soir un plat de pâtes une banane et une bouteille de VichyStYorre.
Je vais donc faire trois étapes coupées par des pauses de 7 heures chaque nuit.
Je vais rouler principalement de jour, quasiment pas de nuit et je n’investis donc pas dans une lampe de qualité ou un moyeu dynamo. Une mini lampe fixe pour être vu et une frontale de décathlon pour voir devrait suffire. Quatrième connerie.

Et la cerise sur le gâteau, deux semaines avant le départ, j’ai d’énormes poussées de fièvre qui ne passent pas. Le sixième jour je me décide à voir un médecin : infection pulmonaire, sept jour d’antibiotiques. Je tousse sans arrêt, j’ai les poumons d’un pupille asthmatique, je ne roule pas les quinze jours précédent le départ. Je m’obstine à vouloir y aller, ma femme est de plus en plus inquiète.

J’arrive donc le dimanche à 13h pour faire inspecter mon vélo.
Des centaines de voitures et de camping-cars sont garés dans les allées du parc de la bergerie de Rambouillet. Je fais inspecter mon vélo à 13h.
Il fait beau, 5500 cyclistes s’apprêtent à partir, l’ambiance est sympa.
J’assiste au départ des 5 premiers SAS de 16h à 17h puis je vais à l’hôtel.
Réveil programmé lundi à 3h45 et, comme pour un Ironman, il y a trop de stress et je ne dors que 2h. Pas grave, je suis resté allongé 8h, les muscles sont reposés.

Retour à la bergerie. Mauvaise nouvelle, les grilles sont fermées et nous sommes obligés de garer nos voitures en vrac dans Rambouillet.
Gros stress, j’essaye de repérer à peu près où elle se trouve pour la retrouver mercredi soir, je grimpe sur mon vélo et je tourne autour du château pour trouver un passage ouvert, j’étais convoqué à 4h15 pour le premier pointage.

Je pense que nous sommes 1200 à partir ce lundi matin. En trois sas de 500 chaque quart d’heure.
Arrivé à la bourre, je suis au fond du sas de 5h, je ne vais passer la ligne de départ qu’à 5h02.
Les premiers kilomètres, il faut essayer de remonter tout le peloton rapidement pour ne pas laisser filer un groupe de mon niveau.
Ça part vite, trop vite. Sur le plat ça va, dès que ça monte, un râle sort de mes bronches. Pas très bon signe pour la suite. Je m’accroche quand même un bon quart d’heure puis la vitesse chute soudainement.
Un groupe d’une vingtaine d’autrichiens aux avant-postes ont eu la sagesse de casser et laisser partir les plus fort. Je reste donc avec les autrichiens à un rythme beaucoup plus acceptable. Notre devons être 30 coureurs dans ce groupe.
Au bout de 35km, ma lampe se détache sur un ralentisseur, j’hésite à la récupérer. Puis je m’écarte, je fais demi-tour, et dans le stress, je me casse la gueule.
Genou et coude gauche en sang. Ça commence bien.
Un peloton m’a dépassé. Je les rattrape puis je fais l’effort pour retrouver mes autrichiens.
Au km65, on rattrape le groupe précédent et un énorme peloton de 60 coureurs est en train de se former. Ça roule à fond, c’est n’importe quoi. Ça ne rate pas, une chute de trois ou quatre coureurs et surtout une jeune fille va se fracasser le visage contre un parapet. Quand j’arrive au ralenti à sa hauteur, elle est groggy, du sang sort de sa bouche et trois ou quatre personnes s’occupent déjà d’elle. (J’apprendrai plus tard que ce n’était pas trop grave).
On arrive à Mortagne-au-perche au km117 à une moyenne de 32km/h. Je ne m’attendais pas a rouler aussi vite. Mes poumons vont bien finalement.
Ça paraît nul comparé aux moyennes de triathlon, mais mon vélo n’est pas aéro (pas de prolongateurs, j’ai relevé la fourche et raccourci la potence pour être plus relevé et moins souffrir des cervicales. Par contre, le poids porte plus sur le cul) et ma sacoche pèse plus de 5 kg. Sur Ironman vallonné, je suis à 33km/h. À Nice, je fais 5h58. C’est ni bon, ni mauvais. C’est juste pour donner une idée de la perte de vitesse quand on roule avec un mulet.
Mortagne n’est pas un point de contrôle obligatoire à l’aller mais je m’y arrête pour remplir mes deux bidons et tartiner mon cuissard de crème Assos. C’est très rapide.
Je repars et assez rapidement je retrouve un bon groupe et les kilomètres défilent jusqu’à Villaines-La-Juhel.
Gros public et grosse ambiance pour le premier contrôle au km210. Coup de tampon et remplissage de bidons très rapide. Tartinage de crème Assos. Perte de temps pour se changer et passer en maillot manches courtes. Il fait déjà chaud.
J’hallucine un peu en voyant des cyclistes asiatiques dormir dans les champs et les fossés. Ils sont partis le dimanche soir et n’ont fait que 200km en 15h. Ça va être mission impossible pour eux ! (Deux jours plus tard, je comprendrai que ce sont eux qui sont dans le vrai).
Je roule une vingtaine de kilomètres seul et je me fais doubler par un bon groupe de six suisses que je rejoins. L’un d’entre eux a une pochette de cadre Ironman, on discute un peu de Zurich, Nice et Roth... On arrive rapidement à Fougères. Km300. Mauvaise surprise en me tartinant de crème Assos. Ma fesse gauche est déjà à vif.
J’ai aussi mal aux deux genoux. J’ai trop forcé et ma tendinite rotulienne revient.
Je reste ensuite seul jusqu’à Tinteniac. Ça devient plus dur, vent de face depuis le départ de Rambouillet. J’ai prévu de m’arrêter à St-Meen-Le-Grand, 40km après Tinteniac. Je suis à nouveau seul mais la forme est revenue (c’est ma route d’entraînement) et j’emmène deux hollandais.
J’arrive à St-Meen à 19h50. Belle moyenne de 28,5km/h pour 405km plus les pauses.
Je suis en avance sur mes prévisions. Mais j’ai du mal à marcher et je pense que je vais le payer le lendemain.
Ma femme m’attend à St-Meen, je mets le vélo dans la voiture et elle me ramène à la maison (30 minutes de voiture). Certains ont des camping-cars qui les suivent, d’autres vont à l’hôtel où au camping de Loudéac. J’ai décidé de tout simplement rentrer chez moi. Plat de pâtes, lessive, préparation des barres et sachets de poudre pour le lendemain, réparation du câble de dérailleur qui s’était détendu. Je me couche et programme le réveil 5h plus tard. Je mets une heure à m’endormir et je dors 4h.

Gatosport, café et vélo dans la voiture. Je repars seul à St-Meen. Je commence à pédaler à 3h50, j’ai fait une pause de 8 heures, j’espérais ne perdre que 7 heures.
J’attaque la grande étape de 440km avec les Côtes-d’Armor et le Finistère. Gros dénivelé. J’ai fait une pause très longue et je sais que je vais rouler seul, ça va être terrible. Il fait nuit, ma frontale n’éclaire rien, je ne roule pas très vite. Loudéac, le jour se lève, j’accélère à peine et j’ai les pieds gelés. Par contre mes genoux sont nickels. Contrôle secret à St-Nicolas-du-Pelem. Je continue seul jusqu’à Carhaix. Tamponnage, bidons, tenue manches courtes. Vient l’ascension du Roc’h Trevezel. Un cycliste de Landivisiau qui fait sa petite sortie du matin m’accompagne et m’emmène sur les parties roulantes. Je double énormément, je commence à me sentir très bien. Je me faisais une montagne du Roc’h Trevezel alors qu’il est plutôt roulant. Je reprends confiance et accélère franchement vers Brest. Ça va très bien, je suis à fond. Le groupe de suisses me double vers Plougastel. Je les suis, ça fait plaisir de ne plus être seul. Après 5km en leur compagnie mon vélo fait un drôle de cliquetis. Je m’arrête, ne voit rien qui peut vibrer comme ça. Je repars, ça vibre toujours : ma roue arrière est crevée. Vidage de ma sacoche-cône de selle (12 litres) pour trouver une chambre et mes outils. Je change la chambre regonfle et quand je suis prêt à repartir, je vois un bout de métal dépasser du pneu. Je n’arrive pas à l’enlever alors je dégonfle la chambre et j’extrais un clou de 3cm. Quel con. Miracle, je n’ai pas crevé ma nouvelle chambre et je peux la regonfler. J’ai perdu 30mn, je trouve ça injuste mais ça me file la pêche.
Je repars à fond vers Brest, tamponne, remplis mes bidons et regonfle correctement mon pneu au stand mécano. C’est rapidement reparti en sens inverse.
Roc’h Trevezel par l’autre versant, je discute un peu avec un dingo marseillais qui est en fixie ! Puis Carhaix, Loudéac. La nuit tombe, ça caille. Je remets mes vêtements chauds, il me reste 50km de nuit jusqu’à St-Meen. J’arrive à 23h20. J’ai fait la journée la plus dure à fond, entièrement seul à une moyenne très honorable de 25,2km/h. C’est génial. Si je roule un peu moins vite demain, j’aurais fini à 23h en 66h.
J’arrive chez moi, lessive, pâtes, dodo. C’est curieux, je suis descendu de mon vélo il y a deux heures je suis encore à 92 puls. Et surtout, mon cœur continue à cogner très fort. Ça m’inquiète un peu. J’ai du mal à m’endormir. Une heure plus tard, c’est toujours déréglé à 92 puls. Je finis par m’endormir et quand je me réveille trois heures plus tard, je suis à 80 puls mais ça bat normalement. Je devrais tout de même être à 45-50. J’ai 51 ans et ce n’est peut-être pas malin d’enchaîner des journées de 17h à fond. Faudrait peut-être lever un peu le pied.

Gatosport, pas de café et je repars à St-Meen. Je suis sur le vélo à 7h, il fait déjà jour. J’ai fait une pause de 7h40, encore un peu trop longue.
Je n’ai plus de jambes, plus de souffle, je suis cuit ce matin. J’ai l’impression d’être dans le même état que si j’avais fait un Ironman hier... et il faut recommencer.
Je mets une plombe pour atteindre Tinteniac. C’est pire pour aller à Fougères. Ça devait être l’étape la plus facile, ça va être un calvaire.
Je suis seul, je me traîne encore après Fougères. Le vent a tourné, ça va être vent de face toute la journée sans jambes.
Au km1000, ma sacoche se desserre. Je m’arrête sur le bas côté pour resserrer les sangles. Je suis debout à côté de mon vélo quand un coureur qui arrive très vite me percute (est-ce qu’il s’était endormi ?). Je suis projeté dans le fossé. Je n’ai que des égratignures de ronces et des piqûres d’orties. Quand je me relève, je vois que ma roue arrière a été arrachée et que le pneu est crevé.
Je vois aussi le cycliste se relever avec une énorme plaie sur le crâne, il ne portait pas de casque. Ca saigne pas mal. Un coureur arrêté appelle les pompiers. Le gars perd connaissance et tombe face contre le bitume : arcade éclatée. PLS, on discute avec lui pour le garder conscient en attendant l’ambulance. PBP est fini pour nous deux. J’ai ma roue arrière dans une main mon vélo dans l’autre. J’essaye de voir où ça a cassé. Je ne trouve pas. Je remets la roue, fais tourner. Ça marche. A priori, rien n’est cassé, même pas un rayon. C’est ahurissant, la roue a simplement été sortie de ses attaches. Le cadre n’a rien non plus. Les pompiers arrivent et prennent le gars en charge. J’en profite pour changer ma chambre. Je suis interrogé à propos des circonstances de l’accident (bien content d’avoir un dossard et de ne pas l’avoir fait en OFF pour les assurances). Les pompiers évacuent le gars avec minerve et civière mais sont plutôt optimistes vu le degré de conscience du gars.
Après 1h30, je repars... pour 2km, je crève à nouveau.
Soit j’ai pincé la chambre (le con), soit le pneu est mort.
Je redémonte tout, je change cette fois le pneu et la chambre (et oui, il faut avoir un pneu de rechange avec soi sur un PBP) et je repars. Encore 30 minutes de perdues, mais je suis un miraculé. Je vais pouvoir terminer.
Je me refais doubler par les suisses. Ils ont dormi les deux soirs à Loudéac et n’ont jamais roulé de nuit. Je vais à Villaines-La-Juhel avec eux. L’ambiance a Villaines est géniale. C’est le tour de France !
La route vers Mortagne est très dure. Entre les Alpes Mancelles et la région du Perche, ça ne fait que grimper et descendre. (J’apprendrais le lendemain par un ami qui en était à sa quatrième participation que le parcours de cette année était très dur).
Mon cul me brûle, mes orteils me brûlent, mes paumes sont douloureuses. C’est un enfer. Je finis par arriver à Mortagne-Au-Perche.il va faire nuit dans une heure et il reste 30km de dénivelé, les 100 derniers km seront plats. Je ne me change pas, je veux profiter du jour pour faire les descentes à fond. J’attends l’obscurité pour me changer au bord de la route. Ça va prendre 30 minutes. Mes doigts n’ont plus de force, je ne peux même plus fermer mes fermetures éclair.
J’en finis avec les dernières bosses et c’est vrai que ça devient plus roulant. Je me sens à nouveau très bien mais je ne vois pas grand chose avec ma frontale.
Deux canadiens me rattrapent et nous roulons tous les trois. Ils ont des super phares et quand ils sont derrière moi, je vois très bien. On roule à 30km/h tous les trois.
Dreux arrive vite. Il est 23h45. Je ne peux plus marcher quand je descends tamponner au contrôle. Il n’y a plus une partie de mon corps qui ne soit pas douloureuse. Pieds, genoux, cuisses, cul, lombaires, cervicales, paumes...
J’en ai marre mais je veux terminer le plus vite possible.
Je repars seul, ma frontale n’éclaire plus rien. Je m’arrête pour changer les piles mais avec mes doigts engourdis je la casse. Il est 0h15, je n’ai plus de lumière. J’hésite. Je me couche dans un fossé avec ma couverture de survie et j’attends 7h ?
Un groupe de 5 cyclistes de 60-65 ans passe près de moi. J’en reconnais un avec qui j’avais discuté le premier jour. Ça avance pas vite, je roule derrière eux. J’explique mon problème à celui que je connais. Il roulait à 32km/h dans le groupe des autrichiens le premier jour. Maintenant il se traine à 13km/h et n’est absolument plus lucide. Un zombie. Je me dis que ça va être l’horreur, on va mettre 3 heures pour faire les derniers 40km avec le risque de m’endormir...
Au bout de 10 minutes, mes deux canadiens nous doublent en trombe. J’en ai marre, je tente ma chance et je réussis à les coller. Je suis à 2 mètres derrière ce qui me permet de voir le sol devant eux. Ça peut le faire. J’explique à l’un d’eux que j’ai pété ma lampe et que je ne peux pas prendre de relais. Comme j’ai été plus que réglo avec eux sur l’étape précédente, il est sympa et me dit de rester dans sa roue. En fait, je resterai décalé d’un mètre sur sa gauche pour mieux voir le sol.
C’est très roulant. Je suis à bloc derrière eux. Pas question de casser sinon je ne vois plus rien. C’est complètement débile, je risque de me tuer. Ils roulent très fort. Je flippe : et si j’avais un saut de chaîne, et si je crève encore... Je ne peux plus voir mon compteur et je n’ai plus aucune conscience de la distance qui reste à faire. Je suis hyper concentré sur leur trajectoire. J’ai mal au cul, j’ai mal aux genoux, j’ai mal aux mains, j’en ai marre, je veux que cela cesse.
Pancarte forêt de Rambouillet. Génial on est arrivés. Et non, c’est interminable.
Aucune idée de de l’heure.. on est tous les trois à fond.
Enfin les grilles du château de Rambouillet. Génial, on est arrivés. Et non, on roule encore sur des chemins de merde dans l’enceinte de la bergerie. Ça vibre dans les mains, c’est horrible. On finit par rentrer dans la cour de la bergerie. Il y a une petite arche. Ils sont toujours à fond. On la franchit. Aucune joie. J’ai mal,partout, je pourrais en pleurer. Je descends du vélo, je ne tiens plus debout. Il est 2 heures.
390km à 23,7km/h pour le troisième jour. (Au total 1234km en 68h58 dont 48h05 de selle).
On fait tamponner tous les trois. Ils m’appelaient « the follower », je leur apprends qu’en français on ne dit pas follower mais « wheelsucker ».

On nous donne avec la médaille un ticket pour un repas servi sous un chapiteau.
J’y vais, on me sert un plateau préformé en plastique rempli à la louche.
C’est pas très bon mais je m’assois tant bien que mal. Je garde mes gants, mon casque, pas la force de les enlever. Je regarde dans mon portable tous les messages d’encouragements que j’ai eu depuis 69 heures. Je me rends compte que c’est la première fois que je lâche prise depuis 69 heures. J’ai été à bloc pendant 69h.

J’ai fait n’importe quoi. C’était complètement con.
Je n’étais pas assez entraîné, j’étais malade mais j’ai quand même voulu le faire.

J’ai abordé ce PBP avec des contraintes de temps, comme un triathlon.
Ça peut évidemment se faire dans ces conditions, mais à plusieurs. Pas seul.

Les plus heureux sont certainement les japonais qui ont 90h pour le faire et profitent à fond de leur 90h. Arrêts galettes-saucisses, arrêts photos, arrêts siestes...

Il me manque 10cm2 de peau sur la fesse gauche, j’ai frotté à vif pendant 934km.
J’ai 6 orteils qui sont totalement insensibles.
Mes doigts sont engourdis, je ne peux plus écrire, tenir une petite cuillère, ouvrir une bouteille d’eau.

Après un Ironman, j’ai une joie intense, je prends un shoot de six mois de prozac.
Là j’ai trop souffert pour être heureux ou fier.
Ça viendra peut-être avec le temps, mais pour l’instant, je suis complètement démoli.
L'étranger
Messages : 275
Inscription : 22 juin 2007 12:03

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par L'étranger »

pfff...quel CR...quelle aventure !!!
Toute mon admiration en tout cas.

Petite anecdote :
J'ai discuté avec un Anglais qui l'a fait en un peu plus de 80h... Il était venu de Porsmouth à vélo ! Il a fini son PBP jeudi aprèm en étant parti lundi à 5h30. Je lui propose de le ramener à son hébergement. Il me répond que s'il faisait ça, il se sentirait comme une grosse merde ! :shock: Ensuite, il m'explique qu'il repart le lendemain au Havre vers 11h. Je lui demande à quelle heure est son train...il me répond : "Non, non, je rentre à vélo." :shock:

Bonne récup !
Avatar de l’utilisateur
Mathdok
Messages : 2223
Inscription : 24 oct. 2008 12:36
Localisation : Hell

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par Mathdok »

énorme ton anglais :shock: !!!
Mon coach a mis moins de 49H (43H de selle) avec juste 15mn de sommeil ; costaud.
shika
Messages : 2894
Inscription : 20 sept. 2015 14:51

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par shika »

Et ben c'est quand je lis un CR pareil que je comprends l'histoire des brevets. 200 bornes à côté c'est de la roupie de sansonnet. Respect en tous cas, bonne récup.
FAYARD
Messages : 28259
Inscription : 18 juin 2007 08:53

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par FAYARD »

shika a écrit : 24 août 2019 19:23 Et ben c'est quand je lis un CR pareil que je comprends l'histoire des brevets. 200 bornes à côté c'est de la roupie de sansonnet. Respect en tous cas, bonne récup.
Bah moi ça me donne pas du tout envie de faire un truc pareil. :sm1:
“Les réseaux sociaux vous ont tous mis trop à l’aise avec le fait de manquer de respect aux gens, sans vous faire casser la gueule”. Mike Tyson :eusa-whistle:
-Antoine-
Messages : 4880
Inscription : 05 nov. 2004 08:38
Contact :

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par -Antoine- »

Quelle volonté! Ça me donnerait limite envie un jour peut être sur un malentendu..... 😅
Après le defi 42(ans) en 2018, défi 43 de 2019 abandonné, défi 44 torpillé, no défi 45 libéré, on respire ce n’est que du loisir
https://www.facebook.com/defi42ans/
http://defi42.blogspot.com/
http://triblogantoine.blogspot.com/
Tonhydro
Messages : 103
Inscription : 14 juin 2008 16:59

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par Tonhydro »

Salut à tous,

Pas de CR long pour moi, je ne suis pas sur que cela intéresse grand monde, mais qques infos :
- J'ai terminé en 77h42',
- J'avais plus ou moins décidé de dormir qques heures par nuit, et j'ai bien fait (2h à 2h30 par nuit), même si les réveils sont douloureux,
- Cela permet en effet de mieux rouler la journée (environ 320 kms du lever du soleil au coucher),
- Perso je suis parti seul avec mon peloton de départ, mon cher papa n'ayant pas été qualifié, mais c'est là que cette épreuve prend tout son sens : on ne roule quasiment jamais seul. Quelle expérience de faire des relais avec 66 nationalités et de partager plus que du vélo ! Je peux vous faire un atlas des cultures vélos de nombre de pays,
- J'ai aussi souffert de divers bobos : gastriques, engourdissements, début de tendinites, mal au cul, et évidemment mal aux jambes une bonne partie du temps. Mais jamais au point de penser arrêter, et sans gâcher mon plaisir. J'ai encore les pieds et doigts engourdis et également des difficultés avec une main.

Et surtout quelle organisation : 2500 bénévoles, la possibilité de dormir, manger et se faire soigner 24h/24h.

Je ne suis pas sur du tout de vouloir recommencer (sauf peut-être en bande de potes), notamment car je trouve le système des 4 brevets trop contraignant, mais quelle aventure !
Jerome.A
Messages : 2860
Inscription : 20 nov. 2015 15:02

Re: Paris-Brest-Paris 2019

Message non lu par Jerome.A »

Bravo a vous, pour l histoire de rouler en bande je ne sais pas, subir une allure c#est tres difficile sur de la longue distance.
J ai quelquess sortie solo entre 200 et 350km et franchement je veux absolument gerer mon allure, mes pauses, tout ca...

En tout cas merci pour vos CR, JBTRI je pense que malheuresement des le depart ta course s'annoncait difficile, peu de soutient famimial, manque d'entrainement en condition reele (rouler de nuit), je trouve que le brevet 600 n'est pas suffisant pour se preparer a un vrai PBP, il est necessaire pour un peu se forcer a rouler de nuit mais rien que pour sentir sa position velo, adjuster quelques reglages il faut faire des WE a 25-30h de selle. et ca veut dire sacrifier bcp de WE, et soiree.

En tout cas encore Bravo, dans ton cas je me serais arrete chez moi des la premiere nuit.....
Et je suis sur que dand quelques semaiens tu auras oublie tout ce qui est negative et penseras a d'autres grande rando :)

Je prepare le terrain pour 2023 a la maison :)
By failing to prepare you are preparing to fail
Répondre