< OnlineTri :: BackOffice >

Les allures (partie2)
par Rodolphe Debureau

Article paru dans Triathlète magazine Numéro 199 - Novembre 2003
édité pour onlinetri.com

Après avoir vu dans le dernier numéro (CF Triathlète Magazine 198) les différentes allures par rapport aux principaux repères physiologiques, les moyens de les contrôler et de les quantifier et les différents résultats suivant les tests VO2max utilisés, continuons ce mois ci notre réflexion et notre analyse sur les allures.

I – LE RESPECT DES ALLURES
Il me semble important de démarrer par point. La plupart des triathlètes ne respectent pas leurs allures de travail. Neuf fois sur dix, ils les surestiment. Il faut que chaque athlète prenne conscience que c’est en travaillant par rapport à leurs propres valeurs, que la progression sera maximale. Beaucoup de triathlètes pensent que c’est en travaillant juste au-dessus de leurs allures que cela les rendra plus rapides. C’est une grosse erreur. Ceci n’engendre pas les adaptations souhaitées et crée une fatigue inutile. Idem si le triathlète se base sur des tests ou des compétitions pour calculer ses allures. Il doit s’agir de performances récentes et non pas datant de plusieurs mois (voire années), non synonyme de la meilleure forme atteinte. La forme est une chose fluctuante car soumise à de nombreux paramètres extérieurs.

II - PROGRESSER DANS UNE ALLURE
Il y a plusieurs choses principales à savoir pour progresser dans une allure.

1)La durée de la récupération après différents exercices sollicitant tel ou tel métabolisme. Le tableau suivant donne les délais de récupération pour tout travail maximal en fonction de la durée des exercices donc indirectement suivant les filières énergétiques utilisées.

Exemple de récupération après un effort exhaustif (d’après G. CAZORLA)

Durée de travail (intensité maximale) et filière énergétique
Récupération
Incomplète à 60% Possibilité reprise du travail
Complète
10 secondes (ATP-PC)
30 secondes
2 minutes
20 secondes (ATP-PC)
60 secondes
2 à 3 minutes
30 secondes à 1 minute (glycogène anaérobie)
10 minutes
50 à 60 minutes
1 à 3 minutes (glycogène anaérobie)
15 minutes
60 minutes
3 à 9 minutes (glycogène anaérobie+aérobie)
10 minutes
1 à 2 heures
1 à 2 heures (glycogène et lipide aérobie)
3 à 6 heures
24 à 48 heures

2 ) Quelle doit être la fréquence de ces séances au sein d’un cycle de travail ?
Il faut noter en préambule que pour toute qualité physique, il y a toujours 3 cas de figure.
Soit on développe cette qualité par des stimuli assez puissants, soit on l’entretient, soit cette qualité régresse par manque de sollicitations efficaces.
Ce principe de base est bien sur valable pour le développement d’une allure, et plus le niveau d’expertise sera élevé, plus les progrès seront difficiles et le desentraînement rapide. Il semble maintenant accepter qu’une séance tous les 10 jours permettent d’entretenir une qualité. Pour la développer, il faudra donc jouer sur une plus grande fréquence.

3) Quel volume de travail faut-il effectuer au cours d’une séance ?
Ce n’est pas parce que l’on s’entraine à une certaine intensité que l’on progressera forcément dans cette allure. Il faudra y effectuer un volume suffisant.

Pour un travail au seuil anaérobie, 20 à 40 minutes semblent être une bonne fourchette suivant le niveau du triathlète, soit sous la forme d’un travail continu ou d’intervalles relativement long (2x15’), ou sous la forme d’intervalles très court où l’athlète pourra effectuer un bon travail de mémorisation de l’allure (exemple 20x400m en cap départ toutes les deux minutes), sans trop s’épuiser, ponctués d’intervalles de récupération plus ou moins long.
Cela représente entre 5 et 12km pour des séries en cap, et entre 1000 et 3000m en natation.

Pour se calquer précisément sur les exigences de compétition, le triathlète pourra effectuer, à l’instar des nageurs, des parcours ‘’cassé’’ sur les distances de compétitions, exécutés à allure de course, donc très proche du seuil anaérobie. On s’aperçoit qu’à part en natation, très peu de triathlètes réalisent ce type de séances.

Exemple pour un triathlète préparant des triathlons Distance Olympique
Natation : 15x100m
Vélo : 4x15’
Cap : 10x1km
Les récupérations seront variable suivant la période annuelle dans laquelle on se situe, et suivant que l’on veut plus ou moins surcharger l’organisme.
10x1km récupération 30’’ n’a pas le même impact que 10x1km récupération 3’ alors qu’au premier abord le volume de travail est similaire.

Pour un travail de la Vo2max, la physiologiste Véronique Billat, recommande, pour un développement optimal, de réaliser 5 fractions de la moitié du temps de soutien limite à VMA avec une récupération égale au temps de travail, et réalisée à une intensité voisine de 60% de la VMA.
Exemple pour un athlète ayant une VMA calculée par un premier test triangulaire à 20km/h.
Il réalise ensuite un second test rectangulaire de temps de soutien à 20km/h où il tient 5’ à cette allure.
Pour augmenter efficacement sa VO2max, il doit donc réaliser la séance suivante.

>>>5x800m en 2’24’’ récupération 2’24’’ à 12km/h soit environ 500m.

Pour un travail d’allure 2 basse, d’endurance fondamentale, il faudra une durée suffisante pour développer la lipolyse et les enzymes aérobies (au-dessus de 1h15 en cap, et 2h30 en vélo). Pour les sorties longues, il n’y a pas de limite haute tant que le triathlète assimile la séance. Il faut malgré tout se dire qu’après une certaine durée, surtout en course à pied (exemple séance de 2h00 et plus), il peut y avoir inversion des processus d’adaptation et augmentation trop importante du risque de blessures.


III – LE CHOIX DES ALLURES
La semaine ne durant que 7 jours, avec trois disciplines à gérer (voire quatre pour ceux qui trouve le temps de rajouter de la musculation), il faudra donc faire un choix précis au niveau des allures à solliciter. Rien ne sert de faire une super séance, si l’athlète met trois jours à récupérer. Il faut être opérationnel dès le lendemain. Ce choix dépendra grandement du passé et du niveau de l’athlète et de la distance des triathlons préparés, et du profil de l’athlète dans chaque discipline, à savoir, suis-je plûtot un athlète puissant ou endurant ? (le rapport seuil anaérobie = % de VMA pourra être un indice intéressant.) Il faudra toujours raisonner en terme de spécificité.

IV – LES TRANSFERTS D’UNE ALLURE A L’AUTRE
La question à se poser ici, est : « est-ce qu’un travail important dans une allure peut-il avoir une influence positive ou négative sur une autre ? »
La physiologie du sport et l’empirisme peut apporter quelques solutions.
Nous savons qu’un excès de travail anaérobie (au-dessus du seuil du même nom) exerce une influence négative sur la capacité aérobie et amène rapidement au surentraînement.
Pour faire progresser le triathlète, il faut viser à optimiser au maximum les vitesses au seuil anaérobie dans les trois disciplines, afin d’évoluer toujours de plus en plus vite sans accumulation lactique. C’est peut être le paramètre de l’entraînement le plus entraînable. Plus le triathlète aura une vitesse au seuil élevée, plus il sera rapide également dans les allures inférieures (et à niveau moindre, plus rapide pour les valeurs supérieures…) Ceci explique pourquoi un triathlète Ironman ne doit pas faire uniquement des sorties longues et lentes s’il veut optimiser son entraînement.

Pour la VO2max, celle ci n’évoluera plus beaucoup si vous entraînez régulièrement depuis plusieurs années. Même si l’on sort un peu du cadre des allures proprement dites, il faut souligner que plusieurs paramètres influencera la VMA dans chaque discipline (VMA est la vitesse atteinte à VO2max, mais la VMA peut augmenter sans augmentation de la VO2max !!!)
Les facteurs limitant de la VMA pour bon nombre de triathlètes de bon niveau sont :
Pour la natation, sans commune mesure, la technique de nage.
Pour le cyclisme, la puissance des membres inférieures.
Pour la course à pied, la technique de course et la vitesse gestuelle (Je ne parle même pas de l’habitude à courir sur tapis roulant si l’athlète réalise un test CHU…)
On s’aperçoit rapidement que les aspects cardiovasculaires ne sont pas toujours prépondérants.

Le meilleur exemple de ce transfert d’allure est peut être celui des nageurs.
Il suffit d’analyser les contenus d’entraînement des nageurs de 100 et 200m, distance lactique par excellence. Ils nagent en fait très peu sur ces allures, mais réalisent des volumes très élevés sur des vitesses de nage assez lentes comparées à celles utilisées en compétition. Ceci a pour but, entre autre, de réaliser un gros travail technique, d’augmenter au maximum la distance par mouvement, de limiter l’acidose, de mieux encaisser les séances lactiques et de limiter le risque de surentraînement.

Nous pourrions citer également l’exemple des marathoniens de haut niveau, qui courent très peu en définitive à leur allure marathon. Ceci s’explique par le fait qu’ils préfèrent travailler des paramètres physiologiques précis (seuil anaérobie et VO2max) à travers leurs séances qualitatives, plutôt que de travailler sur des allures intermédiaires inter seuil (l’allure marathon correspond à l’allure située entre le seuil aérobie et le seuil anaérobie) où les adaptations sont moindres. Leurs seules séances d’allure spécifique se situent bien souvent à la fin de leur sortie longue. On peut rajouter que les Kenyans parcourent entre 25et30% de leur kilométrage à des intensités élevées. C’est considérable, surtout quand on sait leur kilométrage hebdomadaire (200km en moyenne par semaine.)

Juger du transfert d’une séance qualitative ou quantitative d’une discipline sur une autre renvoie à la notion d’adaptation centrale et périphérique. Que vous courriez, nagiez ou rouliez, les muscles cardiaques et respiratoires seront effectivement les mêmes, mais les fibres musculaires, les capillaires, les schémas moteurs,… , sollicités différents. Cela ne veut pas dire qu’il faut multiplier à l’infini les séances qualitatives. Trois par semaine semble être un maximum pour la plupart d’entre vous et non pas deux par discipline comme on le voit trop souvent.


V – MIXER LES ALLURES ENTRE ELLES
Nous n’aborderons pas ici la planification annuelle des allures.
Sur la semaine, il faudra jouer sur les facteurs de surcompensation pour l’agencement des séances et des allures entre elles.
Plusieurs allures peuvent bien sur être travailler sur une même séance.
Pour coller au concept de spécificité, il faudra placer très régulièrement des séances en natation où les intensités fortes seront placées en début de séance pour s’apprendre à nager vite sans échauffement préalable sérieux suivi d’un travail sur des vitesses de nage plus lentes (travail technique par exemple). Un gros travail de fartleck, c’est à dire alternant différentes vitesses de nage au cours de la même série sera à envisager pour apprendre à changer rapidement de rythme et de coordination.
Pour la course à pied, un travail de vitesse gestuelle, type ligne droite pourra être associé à tout travail sur des vitesses inférieures ou égales au seuil anaérobie pour ‘’reprendre du pied.’’. Un gros travail en progressif devra être inclus (exemple séance de 1h15 avec les 15 dernières minutes au seuil anaérobie) pour s’apprendre à courir à vitesse utile sur de la préfatigue.
En cyclisme, on parlera moins facilement d’allure, le recrutement musculaire étant plus conditionné par le braquet utilisé que par la vitesse de déplacement.

Bon entraînement à tous
rodolphe@onlinetri.com

 




0.00826096534729 sec(s)
(c) 2002-2003 - Onlinetri.com - mentions légales & confidentialité