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Anticiper les blessures
par Rodolphe Debureau

Article paru dans Triathlète magazine Numéro 197 - Septembre 2003
édité pour onlinetri.com

Au premier abord, on pourrait penser que les triathlètes subissent moins de blessures, comparé aux adeptes des autres sports d'endurance. En effet, la croyance veut que les athlètes pratiquant plusieurs activités physiques de front (''cross training'') voient leur risque de blessures diminuer. Une première étude semblaient confirmer ce fait (41% de blessés chez les triathlètes et entre 50 et 65% chez de purs coureurs). En revanche, une autre étude indiquait que 90% des triathlètes était ou avait été blessé dernièrement. Ceci pouvant s'expliquer par le fait que la pratique de la natation, du cyclisme et de la course à pied, apporte chacune leur risque de blessures.
Les nageurs connaissent bien les problèmes d'épaules, les cyclistes de dos et de genoux, et les coureurs, de tendons d'Achille, de périostes, …Le triathlon peut alors être considéré comme un sport à haut risque.

S'entraîner pour participer à des triathlons expose au stress, aussi bien physique que mental, et comme la plupart des triathlètes, vous avez déjà du avoir à interrompre votre entraînement, au moins une fois dans l'année, ou dans votre carrière triathlétique pour soigner différents maux ou blessures. Beaucoup pensent que plus ils s'entraîneront dur, plus ils progresseront rapidement ( théorie du ''No pain No Gain'', sans douleur, pas de progrès). En rentrant dans ce jeu là, une forme de certaine perversité s'installe et le risque de blessures augmente.
Le triathlète que vous êtes, sera plus intéressé à prévenir les blessures, qu'à traiter les symptômes existant. Le risque de surentraînement (voir triathlète 196) et de blessures est bien souvent ce qui limite l'athlète à s'entraîner encore plus. (Mieux vaut être 1% sous entraîné qu'1% surentraîné). De précieux mois d'entraînement peuvent être ainsi compromis par la maladie ou la blessure. S'éduquer un minimum pour en diminuer les risques doit faire parti du bagage de tout triathlète. Les sources de blessures peuvent bien sur être innombrables, mais la plupart viennent surtout d'erreurs commises à l'entraînement.

1) Erreurs au niveau de l’approche de l’entraînement
S’entraîner en triathlon est plus un art qu’une science exacte. Certains entraînements pourront grandement améliorer vos qualités cyclistes, mais cela se fera peut être parfois au détriment de votre niveau de performance en course à pied, donc cela ne fera pas forcément de vous, au final, un triathlète plus rapide. Tout sera donc encore une fois, affaire de compromis.
Pour devenir un coureur plus rapide (d’un point de vu intrinsèque), il faut souvent augmenter la charge de travail (volume, intensité, fréquence) en course à pied (notion de spécificité), sauf chez les débutants, pour qui les adaptations centrales crées par la pratique d’autres sports, seront très bénéfiques. Il sera peut être plus judicieux de chercher à augmenter dans un premier temps votre niveau d’expertise en natation et en cyclisme, car bien souvent, c’est bien la course à pied qui génère le plus de blessures, si l’on exclut bien sur les traumatismes importants occasionnés par les chutes de vélo. Progresser dans les 3 disciplines de front sans connaître de réelles difficultés à un moment donné, de stagnation voire de régression, est un vrai chemin de croix.
Toute la planification de l’entraînement devra reposer sur le principe de spécificité (augmentation du volume d’entraînement, de l’intensité, de la taille de paddles, des braquets en vélo, …) pour laisser une chance à l’organisme de s’adapter, surtout d’un point de vu ostéo-tendinomusculeux, et ainsi éviter au maximum le risque d’inflammation ou de fracture (périostite, tendinite, fracture de fatigue, …), donc de blessures, qui limiteront la quantité d’entraînement réalisable.

2) Erreurs au niveau de la technique
Une technique inefficiente augmentera également le risque de blessures. Un retour bras tendu en natation, par exemple, placera un plus grand stress sur l’épaule, en augmentant le bras de levier, et pourra donc favoriser l’apparition de tendinites. Une foulée trop longue, avec une attaque du pied en avant du centre de gravité, favorisera une attaque talon beaucoup plus marquée et générera plus d’onde de choc qu’une foulée plus courte et plus fréquente. En revanche, passer du jour au lendemain d’une attaque talon à une attaque pointe de pied augmentera également la charge sur les métatarses de façon sérieuse.

3) Mauvais équipement
Un vélo où l’on est assis trop bas, ou trop en avant augmentera la pression sur les genoux, et pourra induire des tendinites du tendon rotulien.
L’utilisation de paddles ‘’King size’’ ne devra être réservée qu’aux nageurs confirmés et sur des kilométrages raisonnables. En cas de doute, optez plutôt pour des paddles plus petites ou pour les godets pour augmenter les résistances et accroître ainsi le travail musculaire à fournir dans l’eau. Au niveau des chaussures de course à pied, les changer très régulièrement, même si l’aspect extérieur vous semble encore correct (tous les 4 à 6 mois pour ceux qui courent 3-4 fois la semaine), et n’hésitez pas à y adjoindre des semelles orthopédiques qui viendront compenser tout affaissement de la voûte plantaire. Au niveau vélo, une position aéro extrême placera un stress considérable sur les cervicales et les trapèzes. Mieux vaudra concéder quelques watts dans le vent avec une position plus confortable (Lance Armstrong n’est sûrement pas le plus profilé, mais l’un des plus efficaces).

4) Manque de souplesse
Un manque de souplesse générale pourra mettre certaines chaînes musculaires en tension.
Le psoas iliaque est par exemple lordosant s’il n’est pas assez étiré ou s’il est travaillé dans des courses trop réduites (course interne= contraction complète, étirement incomplet).
Le problème sera identique avec les ischios jambiers qui sont polyarticulaires (mobilisent deux articulations, genoux et hanche). Il faudra donc un minimum de connaissances anatomiques pour s’étirer efficacement. Les muscles prioritaires à assouplir sont chez la plupart des triathlètes : jumeaux et soléaires (mollets), ischios jambiers, pyramidal (fessier), pectoraux, rotateurs internes (épaules), fléchisseurs de hanche.

5) Déséquilibre inter-musculaire
Les muscles agissent rarement de façon isolée. Ils interviennent soit en synergie avec d’autres muscles (muscles agonistes) soit en opposition avec d’autres muscles (muscles antagonistes). La solidité d’une chaîne se caractérise par la résistance du maillon le plus faible. Des déséquilibres entre les masses musculaires peuvent pour diverses raisons se créer ; blessures antérieures, potentiel génétique, pratique et passé sportif, adaptation à la vie extérieure (posture assise fréquente, etc). Le crawl, par exemple, sollicite fortement les rotateurs internes au profit des rotateurs externes, donc une musculation compensatoire permettra de limiter les tendinites de la coiffe des rotateurs. La course à pied renforce beaucoup les loges postérieures des cuisses (ischios jambiers) mais a peu d’effet sur le vastes du quadriceps, stabilisateur du genou, ce qui peut engendrer indirectement des lésions au niveau des cartilages. Pour ceux qui font un peu de préparation physique généralisée ( PPG), il vaudra donc mieux renforcer les muscles plus faibles, plutôt que de solliciter à nouveau ceux déjà bien impliqués dans la discipline triathlétique ou suffisamment puissant.

6) Surface trop dure
Un excès d’entraînement sur bitume ou sur piste (très traumatisant malgré l’aspect souple des revêtements tartan) augmente encore plus le stress supporté par le martèlement des jambes au contact du sol. Priviligiez l’entraînement sur sol souple, mais peu accidenté (risque d’entorses) ou sur tapis roulant (certains top triathlètes font quasiment toutes leurs séances dessus !).

7) Erreurs alimentaires
Une hydratation insuffisante sera préjudiciable, entre autre pour vos tendons. Donc il faudra apporter une attention toute particulière à votre consommation de liquide (attention, l’alcool déshydrate !). Les tendons sont peu vascularisés, surtout dans leur partie centrale, donc bien souvent, les tendinites apparaissent en plein milieu de ceux ci. Une alimentation mal équilibrée, trop acide, diminuera le pH de l’organisme et créera un climat favorable à tous les maux en ‘’ite’’, synonyme d’inflammations. Apprenez à respecter l’équilibre acido-basique à travers une alimentation plus réfléchie.

8) Anomalies physiques
Une carie mal soignée peut engendrer indirectement une tendinite, un bassin déplacé une tension unilatérale sur un membre ou un muscle, …Une visite régulière chez l’ostéopathe et le dentiste à titre préventif ne peut donc pas nuire.

TABLEAU RECAPITULATIF DES SOURCES DE BLESSURES

Erreurs au niveau de l’entraînement Manque de progressivité dans l’augmentation de la charge
Erreurs au niveau de la technique Retour bras tendus en natation, mauvaise attaque de pied en course à pieds
Mauvais équipement Vélo mal réglé, chaussures trop peu amortissantes
Manque de souplesse Souplesse ceinture scapulaire, pelvienne
Déséquilibres inter-musculaire Ischios/quadriceps, rotateurs internes et externes
Surface trop dure Trop de piste en cap ou de bitume
Erreurs alimentaires Manque d’hydratation, alimentation trop acide
Anomalies physiques Bassin déplacé, caries dentaires,…

Malgré toutes les précautions prises et la rigueur respectée, en cas de blessures, ne pas s‘alarmer.
L’avantage du triathlon, c’est que même en cas de blessures, on arrive encore à s’entraîner dans l’une des trois disciplines (essayez l’aquajogging ou le vélo elliptique). Redistribuez la charge de travail et laisser le temps à l’organisme pour se reconstruire. Utiliser tous l’arsenal mis à votre disposition pour traiter la douleur : cryothérapie, anti-inflammatoire, acupuncture, mésothérapie, étirement, massage, pansement occlusif, …
La meilleure arme restera sans doute l’anticipation. En cas de premier signe de douleur, mieux vaut calmer l’entraînement quelques temps, plutôt que de s’entêter à vouloir poursuivre. Savoir s’écouter et repérer les signaux d’alerte est une grande qualité à acquérir afin de réadapter sans cesse l’entraînement, ce que ne prévoient pas toujours les programmations trop rigides.

Bon entraînement à tous.
RD

 




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