Le surentraînement
par Rodolphe
Debureau
Article paru dans
Triathlète magazine Numéro 196 - Août
2003
édité
pour
onlinetri.com |
Surentraînement. Le mot est lâché.
Chaque athlète a connu ou connaîtra
cette situation de fatigue chronique dans sa
carrière sportive.
Etre fatigué après une séance
dure ou une sortie longue pendant 24 à
48 heures est tout à fait normal. L'organisme
ne d'adaptera que si le stimulus est suffisamment
profond, donc induisant une certaine fatigue.
Avec un repos adéquat (total ou relatif),
l'organisme surcompensera et la progression
pourra être plus ou moins linéaire.
Par contre si la fatigue s'installe, l'état
de surentraînement vous guette. C'est
donc ce mauvais rapport stress-récupération
(propre à chaque individu) qui engendrera
le surentraînement. A noter que le stress
pourra être complètement extérieur
à l'entraînement (effet cumulatif)
: travail, famille, examens, …
LES CAUSES
- Manque de récupération entre
les séances (CF triathlète Magazine
193). Mauvaise alternance cyclique des charges
de travail entre le travail technique et physiologique
et/ou mauvaise répartition du travail
entre les différentes filières
énergétiques.
- Travail intensif trop peu espacé ou
trop important par rapport au volume total d'entraînement.
Lors de séances intensives, les principaux
substrats énergétiques utilisés
sont le glucose et le glycogène. Il faut
laisser suffisamment de temps à l'organisme
pour reconstituer ces stocks (musculaire et
hépatique) pour ne pas trop solliciter
la néoglucogenèse par les protéines
musculaires.
- Augmentation trop brutale de la charge d'entraînement
(intensité, volume, fréquence)
LES SYMPTOMES
Il n'existe pas de diagnostic type pour
repérer un état de surentraînement.
En revanche, le tableau suivant donne une vision
globale des symptômes pouvant indiquer
son installation. Bien sur, plusieurs éléments
isolés pourront survenir de façon
ponctuelle sans que cela traduisent forcément
un état de surentraînement, si
cela reste passager (deux à jours). Plus
tôt les premiers signes seront repérés,
moins long sera le traitement.
Si vos performances à l'entraînement
diminuent pendant au moins une semaine, couplé
à une fatigue générale
et aux points du tableau alors il est temps
d'agir.
Symptômes
physiologique et psychologique
indiquant un état de surentraînement. |
Physiologique |
Au
repos |
Durant
un entraînement sous maximal |
Après
un entraînement intense |
Après
tout entraînement |
-
augmentation de la FC (5à10 battements)
- réduction poids corporel
- réduction taux de graisse
- augmentation pression sanguine
- diminution nombre de lymphocytes |
-
augmentation consommation O2
- augmentation ventilation- augmentation
FC
- augmentation production de lactates
- réduction force musculaire
- sensation de lourdeur
- réduction de l'appétit
- réduction des stocks de fer |
-
diminution niveau performance
- réduction FC max
- perte de coordination musculaire
- stress gastro intestinal |
-
fatigue générale
- tension musculaire
- douleur musculaire chronique
- retour à FC repos retardé
- augmentation fréquence des infections
- légère nausée |
Psychologique |
Sommeil
perturbé et insomnie / anorexie
/ dépression / irritabilité
/ perte de la motivation pour s'entraîner
/ indifférence générale
/ sensibilité au stress émotionnel
/ changement dans la personnalité
/ perte de concentration / baisse de l'estime
de soi |
Destruction cellulaire
Tous nos organes et nos tissus sont constitués
par des cellules.
Chacune de ces cellules est entourée
par une membrane. Le surentraînement peut
affecter cette membrane cellulaire, et donc
endommager celle ci. Cela peut prendre jusqu'à
8 semaines pour qu'elle retrouve son état
initial, signe de bon fonctionnement. Les études
ont montré que courir un marathon était,
d'un point de vue lésion cellulaire,
équivalent à une infection virale.
Ne parlons, alors pas, d'un triathlon
Ironman.
La plupart des adaptations engendrées
par l'entraînement se situent au
niveau cellulaire.
Donc tant que la situation de surentraînement
n'aura pas été traitée,
tout entraînement supplémentaire
sera inefficace.
Déficience du système
immunitaire
Les gens sont toujours surpris de voir des athlètes
de haut niveau, pourtant censé être
en très grande forme, attrapé
le moindre virus qui passe par-là, pendant
leur période d'affûtage précédant
leurs grands rendez-vous, ou carrément
pendant ceux ci.
[Exemple des cyclistes du tour de France succombant
à une gastro-entérite]. C'est
là qu'il ne faut pas confondre
être en grande santé et être
en grande forme. Ces deux notions ne sont aucunement
liées. Des situations de haut stress
influencent négativement le système
immunitaire, moins enclins à se défendre
contre les différents virus. Les lymphocytes
des globules blancs (cellules) sont présents
en moins grands nombres dans l'organisme,
et la barrière immunitaire est donc plus
fragile.
Radicaux libres
Un nouveau champ qui intéresse beaucoup
les scientifiques dernièrement est la
présence de radicaux libres dans l'organisme
responsable, en autre, du vieillissement.
Lors des réactions d'oxydation
dans l'organisme, des radicaux sont également
crées. Ces radicaux altèrent également
les membranes cellulaires. Une complémentation
en antioxydant (vitamine E par exemple) ne peut
donc, même si elle n'est pas toujours
cliniquement prouvée, pas nuire.
Taux hormonal
Un test sanguin pourra compléter efficacement
le bilan en cas de doute.
Le taux de cortisone aura tendance à
s'élever, alors que celui de testostérone
aura tendance à diminuer par rapport
à la normale.
PREVENTION
- Augmentez la charge d'entraînement
très progressivement.
- Prévoyez dans votre planification à
chaque niveau de cycle (micro-méso-macro)
des périodes avec allègement des
charges.
- Individualisez votre entraînement au
maximum sans vouloir chercher à copier
ou imiter tel ou tel programme, efficace peut
être pour d'autre, mais ayant un
niveau d'expertise différent.
- Levez le pied dès les premiers symptômes.
Si vous vous êtes entraînés
sérieusement jusqu'alors, les qualités
physiques ne disparaîtront pas totalement
en quelques jours.
- Communiquez avec votre famille, vos partenaires
d'entrainements, votre entraîneur.
Par l'observation et l'écoute,
ils seront les plus à même à
repérer vos changements soudains de comportement.
- Incluez des techniques régénératrices
et récupératrices dans votre programme
d'entraînement.
- Adoptez une bonne hygiène alimentaire
(pendant et après les séances).
- Variez au maximum les situations d'entraînement.
Le surentraînement est neuf fois sur dix
d'ordre mental. Pour ceux qui ont commencé
sérieusement l'entraînement
début janvier, cela fait déjà
plus de 200 jours que vous vous imposez un programme
rigoureux. Les mêmes situations d'entraînement,
ou des résultats sur les premières
compétitions en décalage avec
vos attentes initiales, ont pu inconsciemment,
vous éreinter nerveusement. Profitez
donc de l'été pour varier
vos circuits, vos séries, trouver de
nouveaux partenaires d'entraînement,
découvrir un autre sport, tout ceci ne
fera que recharger vos batteries mentales, pour
aborder sereinement la seconde partie de saison.
- Tenez un carnet d'entraînement
détaillé en y reportant les différentes
charges, externes (volume, type de séance,
intensité) mais surtout internes (RPE,
sensations, …) sera également un
précieux outil d'analyse.
Bon entraînement à tous.
RD
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