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L'affûtage
par Rodolphe Debureau

Article paru dans Triathlète magazine Numéro 195 - Juillet 2003
édité pour onlinetri.com

Afin de pouvoir s’exprimer sur sa vraie valeur lors d’un triathlon, il convient de diminuer la charge d’entraînement dans les jours précédents l’épreuve. Cette période cruciale et complexe, appelée affûtage, est souvent source de nombreuses interrogations. C’est souvent au cours de cette approche que le plus d’erreurs sont commises. Rien n'est plus frustrant pour un athlète s’étant entraîné avec assiduité, que de compromettre des semaines de dur labeur dans l’ultime phase de sa préparation.

Bons nombres de (tri)athlètes ne maîtrisent pas parfaitement ce terme qu’est l’affûtage. Dans leurs esprits, cette notion véhicule plutôt l’idée d’être sec, et d’avoir les veines très apparentes. L’affûtage est en fait l’art d’arriver au maximum de ses possibilités sur la ligne de départ en jouant sur les processus de surcompensation, sans perdre aucun bénéfice des adaptations engendrées par l’entraînement.
Cette période est souvent assez mal vécu psychologiquement, car la diminution de l’entraînement engendre un malaise chez l’athlète, qui pense, souvent à tord, qu’il va perdre très rapidement ses acquis et prendre du poids. Il faut alors faire preuve d’une grande confiance en soi.


Comment va t’on diminuer la charge d’entraînement et quels sont les paramètres qui font influencer cette période d’affûtage ?

Diminuer la charge d’entraînement peut être envisagé de diverses manières. Diminuer le volume, l’intensité ou la fréquence des séances.
De nombreuses études ont maintes et maintes fois démontrées que le volume d’entraînement pouvait être réduit de façon drastique sans qu’il y ait baisse significative de la forme de l’athlète.
S’entraîner à 70% de VO2max pendant la période d’affûtage, maintient, voir diminue légèrement le niveau de performance ; en revanche, en y incluant des séances à 90% de VO2max (proche du seuil anaérobie), il s’améliore. Le maintien de l’intensité viendrait compenser efficacement la diminution du volume d’entraînement.
Exemple d’une progression en course à pied :
Lors d’un gros cycle de travail : 4x3000m en 10’30’’ récup 3’
Lors du cycle d’affutage : 4x1500m en 5’15’’ récup 2’30’’
A 72 heures de l’objectif : 4x1000m en 3’30’’ récup 2’.

Diminuer la fréquence des séances d’entraînement (d’environ 20%) peut être intéressant pour les athlètes s’entraînant beaucoup dans chaque sport par semaine (5-6 séances par sport), mais pour ceux s’entraînant moins (2-3 séances par sport), cela pourra être quelque peu néfaste pour la mémoire musculaire, surtout dans le sport le plus technique, la natation.

Les paramètres qui vont influencer la durée de l’affûtage sont :

1) L’age
Plus l’athlète est jeune, plus la période d’affûtage doit être réduite,car ils ont un niveau n’énergie supérieur et les processus de régénération sont plus rapides chez eux.

2) La base foncière
Les triathlètes ayant eu une préparation foncière assez courte (blessure, manque de temps, …) ne tireront pas grands bénéfices à alléger trop l’entraînement lors de l’ultime phase préparatoire.

3) La nervosité
Les triathlètes plus anxieux seront plus performant après un affûtage réduit.

4) Le gabarit de l’athlète
Les athlètes plus musculeux devront veiller à ne pas s’épuiser par des séances trop intensives à l’approche des ojectifs principaux, car leur degré de récupération est souvent moindre par rapport à des athlètes plus fins. Donc pour eux, plus de volume en phase finale et moins d’intensité, de travail de force et de vitesse.

5) La durée de la compétition préparée
Plus la compétition sera longue, plus la période d’affûtage sera courte.
Plus le triathlon est long, plus les processus aérobies deviennent prépondérants dans la fourniture énergétique. Il a été montré qu’après 72 heures, la fonction aérobie (enzymes aérobies, stock de glycogène, lipolyse, …) avait tendance à s’éroder sans stimuli efficaces. Donc il faut maintenir des sollicitations jusqu’à 3 jours avant la compétition.

6) Le taux de graisse
Un taux élevé de graisse traduira souvent que le triathlète n’a pas une fonction lipolyse très développée, donc une diminution trop importante de la charge, pourra peut-être élever encore plus ce taux avant l’épreuve.

7) Le sexe
Les femmes récupèrent beaucoup mieux que les hommes.
Elles ont déjà une masse musculaire souvent inférieure à celle des hommes. De plus, même ‘’sèches’’, leur taux de graisse est supérieur à leurs collègues masculins. D’un point de vu hormonal, leur taux de testostérone est 20 à 100 fois inférieure à celui des hommes. C’est pour ces raisons que la période d’affûtage doit être plus courte chez les triathlètes féminines.

8) Le nombre et l’importance des compétitions
Il va de soi qu’on ne peut aborder tous les triathlons avec la même stratégie et les mêmes ambitions. Cela renvoie à la notion d’objectif. L’affûtage sera d’autant plus long, que les espérances de bien figurer seront élevées. En revanche, plus le nombre de compétitions sera élevé, plus celui ci sera court.


Une semaine d’affûtage ?
7 jours d’affûtage semble est une mauvaise idée pour l’athlète qui s’est entraîné très régulièrement.
Si vous vous êtes entraînés tous les jours et même deux fois par jour, sur une longue période, et que vous allégez la charge de travail, les 72 premières heures seront perçues par l’organisme, comme une phase de repos, et sera prêt pour une grande performance si un triathlon a lieu à ce moment là.
Quoi qu’il en soit, après cette période de 3 jours, l’organisme doit s’adapter à ce nouveau stress et doit répondre à ce nouveau phénomène. Après 10 à 14 jours, il s’y sera adapté, et placer une compétition à ce moment, permettra d’être au pic de sa forme.
Donc entre les jours 5 et 7, l’organisme est juste dans la phase d’adaptation de la charge plus légère, donc 1 semaine d’affutage est une mauvaise idée pour espérer briller.

Une journée de repos complet dans la dernière semaine ?
Pourquoi pas ? Mais sûrement pas la veille comme le font bons nombres d’athlètes, surtout les débutants.
Mieux faut placer la journée de repos complet l’avant veille, et s’entraîner légèrement dans les trois disciplines la veille, avec éventuellement quelques courtes accélérations, pour stimuler le système neuromusculaire et ne pas se sentir totalement léthargique le jour de la course.

Au niveau diététique
Une grande attention dans ce domaine devra être accordée.
Le régime dissocié scandinave (RDS) pourra être introduit au cours de la dernière semaine, sous réserve, que le triathlète ‘’digère’’ bien ce genre de stratégie. S’il n’est pas pratiqué, le triathlète devra quand même veiller à arriver sur la compétition avec des réserves de glycogène hépatique et musculaire très élevées.
A noter que dans ces conditions, fastes à une bonne prestation dans les sports d’endurance, l’athlète a tendance à prendre un peu de poids. En effet, pour stocker un gramme de glycogène, il faut trois grammes d’eau. Les réserves de glycogène représentant environ 500 grammes chez des sujets très entraînés, prendre deux à trois kilos lors de la phase finale sera donc tout à fait normal.
Si la compétition a lieu le dimanche, il vaut mieux faire le plein en hydrate de carbone le vendredi soir, plutôt que le samedi soir, pour ne pas trop stresser le système digestif, déjà fortement perturbé chez certains. Ce n’est pas le léger entraînement du samedi qui épuisera les réserves de glucides.


Pour conclure, la période d’affûtage est une phase cruciale de la préparation. Sa longueur et son contenu doivent subir un haut degré d’individualisation ; pas ou peu d’expérimentation sur cette période. Réaliser des séries auxquelles vous êtes habituées et qui vous mettent en confiance. Pas d’essai de nouveau matériel le jour de la course, de nouveaux produits énergétiques ou de nouvelle position en vélo par exemple. Il faut avoir confiance dans le travail réalisé et oublier cette séance qualitative de dernière minute qui n’apportera pas grand chose, à part une fatigue inutile.

Bon entrainement à tous.
RD

 




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