< OnlineTri :: BackOffice >

Le triathlon et les jeunes
par Rodolphe Debureau

Article paru dans Triathlète magazine Numéro 194 - Juin 2003
édité pour onlinetri.com

La création des écoles de triathlons dans les clubs, ainsi que la multiplication des épreuves Avenir, a vu apparaître des générations de triathlètes de plus en plus jeunes, de mieux en mieux préparées, parfois suréquipées.

La première question qui vient alors à l’esprit est :
QUEL EST L'AGE OPTIMAL POUR COMMENCER LE TRIATHLON ?
Les avis semblent divergés et nous sommes alors confrontés à un dilemme.
Le triathlète devant posséder un registre d’habilités motrices extrêmement variées, en commençant trop tôt les trois activités, nous risquons de bâcler le travail, car s ‘entraîner de front en natation, vélo et course à pied est très coûteux, d’un point de vu temps et d’un point de vu énergétique également. Le risque à terme est d’en faire des triathlètes moyens dans les trois disciplines.
Le triathlon est un sport d’age mur, où les meilleurs résultats sont atteints vers 25-30 ans, le jeune triathlète risque alors de s’user mentalement et perdre du plaisir à s’entraîner en voulant commencer trop tôt.
Beaucoup de triathlètes obtenurent de très bons résultats en catégorie cadet et junior, mais qu’on ne retrouve souvent plus dans les premiers rangs des classements en catégorie senior ; surentrainement, baisse de motivation, blessure, stagnation,…, les raisons peuvent être nombreuses.

Attendre le plus tard possible et ne faire que nager par exemple, car le triathlon courte distance moderne impose de nager vite, et ils seront limités techniquement par la suite en course à pied, par manque de ‘’pied’’ par exemple, et se blesseront plus facilement quand il faudra augmenter la charge de travail (volume, fréquence et intensité) en course à pied pour rattraper le retard pris étant plus jeune. Plus tôt l’organisme sera exposé à ce stress bien spécifique, plus vite il s’y adaptera. La pratique du vélo semble, elle, poser moins de problème d’un point de vu acquisition, et pourra donc être décalée un peu plus dans le temps.

Au plus jeune age, il faut proposer une pratique multi-activitées. La phase de spécialisation ‘’triathlon’’ proprement dite ne devrait pas intervenir avant la catégorie cadet, soit 15-16 ans. Auparavant, nager 3-4 fois dans un club de natation, une séance de course à pied à dominante technique et 1 à 2 séance(s) de sport collectif, par semaine, semble être un bon compromis.

QUEL VOLUME DE TRAVAIL ?
Développer de façon optimale la capacité aérobie et intégrer des schémas moteurs efficaces passent par de longues heures de travail, il ne faut pas se leurrer, c’est ce qui peut rendre les sports d’endurance ingrat aux yeux de certains.
On entend souvent des volumes horaires à ne pas dépasser pour nos jeunes triathlètes.
Annoncer ouvertement un volume horaire ‘’brut’’ ne veut pas dire grand chose, tout dépendra de la répartition et de l’agencement des séances entre elles, mais également de l’intensité de l’effort où seront exécutées ces séances.
Des cadets de bon niveau pourront très bien faire des semaines à 20 heures d’entraînement, à certaine période de l’année, sans que cela soit préjudiciable pour la suite de leur carrière, au contraire. Beaucoup de jeunes nageurs semblent s’entraîner de la sorte sans que cela ne choque personne. De telle semaine avec 15 heures dans l’eau (soit 75% de la durée totale) ne seront en aucune mesure comparable à des semaines avec 15 heures de course à pied, et pourtant, au premier abord, le volume semblait similaire. L’entraîneur australien Bill Sweetenham en charge de l’équipe nationale anglaise de natation, prévoyait pour ses nageurs de 13 ans un kilométrage annuel avoisinant les 2000 km, soit une moyenne de 40 km par semaine. De même, si les Kenyans excellent sur toutes les compétitions internationales de fond en athlétisme, c’est qu’ils sont soumis, entre autre, très jeune, à un fort entraînement aérobie en allant à l’école en courrant par exemple.

QUELLE INTENSITE ?
C’est souvent là que les plus grosses erreurs sont commises.
Les jeunes réagissent souvent très bien à des hauts volumes en aérobie. Ce n’est pas cela qui les tue. Cela serait plutôt les séances dans des registres un peu plus anaérobies et lactiques.
En revanche développer les qualités de vitesse gestuelle et de coordination est impératif à cet age. Le but n’est pas d’en faire des sprinteurs, mais de mettre en place un système nerveux efficace, qui mettra au système cardiovasculaire de pouvoir pleinement s’exprimer par la suite. De plus, il faut garder à l’esprit que les qualités de vitesse se développent 3 à 4 fois moins vite que la force et 23 fois moins vite que l'endurance.

QUEL ENCADREMENT ?
Les entraîneurs de triathlon les plus expérimentés devraient travailler avec les plus jeunes et non pas uniquement avec le haut niveau comme c’est malheureusement trop régulièrement le cas.
Souvent dans les clubs, les jeunes sont sous la coupe d’initiateurs ou de BF5. Ces personnes ont souvent une expérience de terrain assez limitée ce qui restreint leur champ d’action et l’intégration d’une technique efficiente par leurs jeunes.
Les parents devraient se tenir à l’écart de la pratique de leur progéniture, car bien souvent l’un des deux parents est lui-même triathlète (ou l’a été). Quelques parents, frustrés par leur propre pratique, jettent alors tous leurs espoirs sur leurs enfants, et revivent ainsi leur carrière infructueuse par procuration. Heureusement, contrairement à d’autres sports tel que le golf ou le tennis, les sommes mises en jeu en triathlon sont dérisoires, ce qui évite certaines perversités, où certains jeunes sont programmées dès leur enfance, pour un type de sport (les sœurs Williams, Monica Selles, Tiger Woods, ...) qu’ils n’ont pas forcément choisi.
Les parents doivent surtout veiller à l’épanouissement de leurs jeunes, les aider à trouver leur voie et respecter les consignes et les choix de l’entraîneur, et ne pas dire vert quand l’entraîneur dit rouge, car le jeune perd alors ses repères.

QUELLE PLANIFICATION ?
Il faut construire un plan d’action sur plusieurs années, et non pas uniquement penser au triathlon Découverte qui aura lieu dans 6 semaines. La patience est une qualité essentielle pour réussir. Nos meilleurs triathlètes nationaux (Chabaud, Neveu, Poulat, Bignet, … ) étaient déjà dans le monde du triathlon aux débuts des années 1990. Ils ont su s’améliorer d’années en années pour atteindre les plus hautes places à l’echelon internationale.
Il faudra se fixer des objectifs chronométriques précis dans chaque discipline (400m en natation, 3000m en cap,… par exemple) sans en devenir esclave car l’acquisition de qualités techniques devra toujours être la priorité à rechercher par l’entraineur et l’athlète, et ne pas penser trop tôt à une participation à un Ironman (!).

LE PLASIR AVANT TOUT !
Il faut rechecher les motivations intrinsèques inhérentes au triathlon. La plaisir doit rester le maitre mot de toute pratique sportive pour pouvoir y perturer.

Bon entrainement à tous.
RD

 




0.007979154586792 sec(s)