< OnlineTri :: BackOffice >

Faut-il couper l'entrainement?
par Rodolphe Debureau

Article paru dans Triathlète magazine Numéro 186 - Octobre 2002
édité pour onlinetri.com

Pour la plupart des triathlètes, Octobre est synonyme de fin de période compétitive. Pour ceux qui ont encore des objectifs au mois d’Octobre (Hawaii, Calais, Cancun, … ) ils attendront encore un ou deux mois. Des triathlètes de haut niveau ( Miles STEWART, Brad BEVEN, … ) sont capables d’enchaîner la saison européenne et australienne sans baisse de forme apparente, mais pour un athlète de niveau moindre, placer une période de régénération ne pourra pas être néfaste. Plusieurs questions viennent alors à l’esprit.

  • Pourquoi couper ?
  • Quelles désadaptations risque-il de se produire ?
  • Combien de temps couper ?
  • Que faire exactement pendant cette période ?
  • I – POURQUOI COUPER ?

    Tout programme d’entraînement intelligemment conçu doit respecter un certain nombre de principes. L’alternance cyclique en est un. C’est à dire la distribution temporelle de la charge de travail sur une période donnée; sur la semaine (microcycle), sur le mois (mésocycle), sur l’année (macrocycle)  et sur le plan de carrière. Il faut donc s’accorder des plages de récupération partielle ou totale dans toutes les phases de la préparation.(C’est d’ailleurs pendant cette période que l’organisme s’adapte, en surcompensant, en réponse aux stimuli imposés antérieurement.) La période de préparation hivernale couplée à une saison de compétition plus ou moins longue ont marqué profondément vos organismes. Pour la plupart d’entre vous, c’est souvent au mois de Septembre où vous atteignez votre plus haut pic de forme annuel (vacances, allongement des jours,...  ), mais vouloir garder cette forme est illusoire. Il faut accepter une légère désadaptation pour vous régénérer physiquement mais surtout psychologiquement. Mieux vaut le faire maintenant que de subir une coupure non prévue au mois de mai prochain par surentraînement, saturation ou dégoût. La succession des compétitions vous a sournoisement éreintée. Les systèmes immunitaires, osseux, musculaires et tendineux ont été mis à rude épreuve; cette période calmera les éventuelles contractures, douleurs et autres inflammations.

    II – QUELLES DESADAPTATIONS RISQUENT-IL DE SE PRODUIRE ?

    Tous les paramètres physiologiques ne régressent pas tous à la vitesse (leur vitesse d’acquisition diffère également). En règle générale, plus le temps de préparation est long, et plus les adaptations obtenues sont stables, c’est à dire lentes à décliner. Les acquis techniques sont beaucoup plus stables que les acquis moteurs (endurance locale, force, vitesse gestuelle ). Mais les deux sont étroitement liés et la baisse de l’un aura des conséquences sur l’autre. C’est pour cela qu’il faut consacrer une part importante du temps d’entraînement à la technique chez les jeunes, afin que ces acquisitions demeurent stables durant tout le plan de carrière. De plus les adaptations cardiovasculaires sont beaucoup moins longue et difficile à acquérir. Le paramètre technique pourra rapidement devenir le principal facteur limitant.

    D’un point de vu physiologique, que ce passe t’il exactement au niveau cellulaire et musculaire ?

    Le tableau ci dessous donne une vision claire des désadaptations engendrées par trois semaines d’inactivité.

    PARAMETRE PHYSIOLOGIQUE CHANGEMENT
    Capacité Aérobie (VO2Max) -8%
    Volume éjection systolique (par battement) -10%
    Fréquence cardiaque à l’effort sous maximal +4%
    Volume plasmatique sanguin -12%
    Densité des capillaires -7%
    Enzymes oydatatives -29%
    Taux sanguin d’insuline au repos +17 à 120%
    Taux de lactate sanguin pendant l’exercice +88%
    Seuil Anaérobie -7%
    Utilisation des acides gras à l’effort -52%
    Endurance à l’exercice -10%

    Changes resulting from three weeks of not training

    (adapted from Wilber, R.L and R.J. Moffatt . 1994 Physiological and biochemical consequenses of detraining in aerobically trained individuals. Journal of Strength Conditioning Research 8.110.)

    Remarques

    1) La baisse de la VO2max est liée à la diminution de l’extraction de l’oxygène ainsi qu’à la diminution de la densité mitochondriale.

    2) Les capillaires sont les dernières ramifications des artères et permettent d’apporter l’oxygène aux cellules d’où une moins bonne oxygénation, donc une baisse également de la VO2Max.

    3) L’endurance à l’effort chute fortement car les substrats utilisés sont majoritairement le glycogène (forme de réserve du glucose dans le foie et dans les muscles) au profit des acides gras, dont les réserves sont moins limitées.

    III – COMBIEN DE TEMPS COUPER ?

    La durée de coupure varie suivant le niveau d’expertise de l’athlète. Le but est de se régénérer mais de ne pas perdre tous les acquis si durement récoltés. Peu de triathlètes progressent réellement d’année en année car ils repartent à chaque début de saison plus ou moins de zéro. L’augmentation des performances doit se faire continuellement (de novembre à janvier) et également de saison en saison pour stimuler au maximum les processus d’adaptation.


    (schématique)

    Prenons l’exemple de Jan Ullrich. C’est sûrement un cycliste très talentueux mais ses excès hivernaux réputés font qu’il lui faut fournir beaucoup trop d’efforts par la suite pour revenir à un niveau acceptable. Entre deux et six semaines semblent être la bonne mesure.Cela variera suivant la longueur de la saison écoulée et de la date des premiers objectifs de la saison 2003.

    IV – QUE FAIRE EXACTEMENT PENDANT CETTE PERIODE ?

    C’est une bonne période pour découvrir et pratiquer d’autres sports, dans des filières énergétiques similaires (VTT, aviron, …) ou complètement autres (squash, football, tennis, step, …) qui permettront d’acquérir de nouvelles qualités physiques (coordination, détente, ... ) et tactiques. Des variantes du type water-polo seront à envisager pour travailler ses appuis en natation par un coté ludique. Dans tous les cas, il faut diminuer grandement la charge de travail en jouant sur les trois paramètres qui la constitue, à savoir la durée, l’intensité et la fréquence des séances.

    Le volume peut être réduit de 50-70% par rapport à une semaine d’entraînement ‘’normale’’. Des séances de 30 à 45’ suffisent amplement pour entretenir la capacité aérobie. Donc stop ici aux sorties longues et autres raids en tout genre.

    Pour l’intensité, l’endurance fondamentale sera recommandée, avec un travail gestuel de sprint pour ne pas s’endormir et ne pas trop perdre en neuromusculaire (lignes droites en cap/séries de 15 à 25m en natation, hypervélocité en vélo, … ). Terminées les séances au seuil, de VMA, le travail lactique; le VTT peut être une solution intéressante et enrichira vos capacités techniques (maîtrise de l’engin, trajectoires). Mais le travail sur route ou sur home trainer sera conservé pour ne pas ‘’casser’’ le rythme de pédalage. Un travail de braquet en vélo sera maintenu pour ne pas perdre trop en force au niveau des membres inférieurs (la force décroît aussi vite que les qualités cardiovasculaires précitées, c’est pour cela qu’il est complètement déraisonnable de rouler sur un 42x17 jusqu’au mois de mars prochain.)

    Pour la fréquence, hiérarchiser les 3 sports (nat/vélo/cap) en fonction de votre niveau dans chaque. Vous reviendrez plus facilement à niveau dans votre sport de prédilection, mais vous perdrez aussi plus vite vos acquis dans la discipline où vous avez eu tant de mal à progresser. 2-3 séances dans le sport ‘’faible’’ et une séance dans les deux autres sports seraient l’idéal, plus une séance ou deux de découverte d’un autre sport (soit entre 5 et 8 séances par semaine.

    C’est aussi le moment de faire un bilan de la saison écoulée.

    Ais-je atteint les objectifs que je m’étais fixés ?

    Pourquoi les ai-je raté ?

    Quelles modifications puis-je apporter à mon programme ?

    Quelles sont mes ambitions pour la saison 2003?

    Une visite chez l’ostéopathe, ainsi qu’une prise de sang peuvent être utiles pour vérifier que l’organisme n’a pas trop souffert.

    Conclusion

    La période de régénération vous permettra de vous ressourcer mentalement sans s’astreindre à un entraînement trop rigoureux. Rester suffisamment actif pour minimiser la perte. Vous serez d’autant plus motivés pour attaquer une solide préparation hivernale, gage de réussite pour la prochaine saison.

    Rodolphe DEBUREAU

     

     



    0.016515970230103 sec(s)