Ironman WTC & drafting
Publié : 09 oct. 2014, 12:11

Participer à un Ironman labellisé aujourd’hui, c’est accepter le drafting.
L’amorce est volontairement provocatrice mais c’est voulu. Au risque de me faire pourrir sur ce forum, c’est ce que je pense et je m’explique en reproduisant une partie du billet que je viens de publier sur mon blog. Mon raisonnement n’est sans doute pas exempt de raccourcis trop rapides mais j’espère qu’il alimentera la réflexion des triathlètes.
Je lance le sujet sur un topic différent de celui de l’IM BARCELONA 2014 car je pense que çà ne concerne pas que cette épreuve.
Quasiment à chaque lendemain d'ironman WTC, sur les forums de triathlon, c’est le même cortège de messages rageurs de triathlètes se sentant floués parce ce qu’ils ont vu ou parce qu’ils ont traîné des groupes voire des pelotons entiers de drafteurs, eux-mêmes étant cleans (bien entendu).
Pourtant, sans remettre en cause leur bonne foi et sans insinuer que ce sont tous des drafteurs (il est quand même plus confortable pour ces derniers de rester au chaud au sein de la majorité silencieuse), je pense que ces triathlètes, quel que soit leur comportement en course, participent tous au développement du drafting. Contre leur gré… ou pas.
Comment ? Tout simplement en s’inscrivant à des épreuves labellisées Ironman organisées par la World Triathlon Corporation (WTC), entreprise privée dont l’objectif, respectable au demeurant, est de dégager un maximum de bénéfices en répondant à la demande du plus grand nombre.
Çà tombe bien : le marché est en pleine extension avec l’arrivée en masse de nouveaux clients potentiels qui deviennent la cible privilégiée de la WTC. Et ce qui intéresse ces nouveaux clients, dont certains n’ont jamais fait de triathlon jusque là, c’est le titre « Ironman » (la marque commerciale déposée, pas une copie attention !) qu’ils peuvent acheter en parcourant 226km à la nage, à vélo puis à pied. Le drafting, ils n’en ont rien à battre (après tout, on peut bien se suivre dans l’eau et à pied alors pourquoi pas à vélo, hein ?).
Les triathlètes râleurs qui se plaignent sur les forums de triathlon, la WTC s’en moque désormais de plus en plus ouvertement car leur nombre va en diminuant et ils sont avantageusement remplacés par de nouveaux prétendants au titre toujours plus nombreux (« Machin Trucmuche, you…are … an … IRONMAN !!! »).
L’intérêt de la WTC est clairement d’accueillir, sur chacune de ses épreuves, un nombre toujours plus important de ces nouveaux consommateurs prêts à payer toujours plus cher pour leur inscription tout en limitant le coût de production par client afin de faire un max de bénéfice (diminution de la part des frais fixes dans le coût de production de chaque épreuve).
Davantage de participants sur chaque événement, c’est davantage de recettes d’inscription mais aussi davantage de poids pour négocier des contrats avantageux avec les autorités locales/ sponsors/ partenaires locaux (impact économique de l’événement plus important).
Stratégie: produire des épreuves de plus en plus grosses, accessibles au plus grand nombre avec des parcours plats pour ne pas rebuter les nouveaux venus qui ne peuvent pas tous s’entraîner beaucoup à vélo.
Problème: au delà d’une certaine densité de participants, le drafting sur le vélo est inévitable sur parcours roulant, quel que soit le nombre d’arbitres à motos. Quand il n’y a pas la place, il n’y a pas la place. Et puis face au nombre, que voulez-vous faire ? Quand des centaines de cyclistes déboulent presque en même temps de T1, que faire quand on est arbitre ? Ils sont tous englués dans des pelotons alors lesquels sanctionner ?
De plus, multiplier le nombre d’arbitres à moto et multiplier le nombre de penalty box, çà coûte quand même un peu d’argent. Certes, pas beaucoup par rapport aux marges dégagées, mais c’est quand même un peu de fric en moins pour les financiers de Providence Equity Partners, la société d’investissement US propriétaire de la WTC depuis 6 ou 7 ans. Bref, prendre à bras le corps le problème du drafting, c’est « a pain in the ass » pour la WTC.
Solution: regarder ailleurs, ne plus s’emmerder avec le drafting. D’abord, officieusement comme aujourd’hui pour faire entrer insidieusement la pratique dans les mœurs sans faire fuir les « vieux » triathlètes ; puis, quand tout le monde sera résigné (on s’en approche), officiellement.
Pour le moment, la WTC se contente donc de ne pas se donner les moyens de lutter efficacement contre le drafting (pas assez d’arbitres, consignes trop laxistes, sanctions trop légères, penalty-box trop petites, etc.). Bientôt, les distances à respecter entre chaque cycliste vont diminuer et, à la fin, le drafting sera autorisé.
Sur ses vidéos officielles, la WTC « oublie » désormais parfois de ne pas montrer les images les plus affligeantes de pelotons… …à moins que ces images soient petit à petit introduites dans les films de promotion de la marque Ironman tout à fait sciemment pour que, triathlon après triathlon, le drafting entre dans les mœurs sur Ironman labellisé.
L’esprit originel du triathlon ? Franchement, à part les « vieux » triathlètes, qui est-ce que çà intéresse encore ? Certainement pas les nouveaux bénéficiaires de ce lucratif business, Providence Equity Partners, tant que les épreuves de la WTC continuent à afficher complet et que les marges dégagées progressent.
Le jour où ce ne sera plus le cas, le jour où les triathlètes iront voir ailleurs au lieu de payer puis jouer aux vierges effarouchées sur des forums, les choses changeront peut être. Mais pas avant.
Aujourd’hui, en payant une fortune pour s’inscrire comme un mouton de panurge à ce genre d’épreuves bling bling, le triathlète-client, quel que soit son comportement sur le vélo, accepte, cautionne et encourage dans les faits la dérive vers le drafting. En face, la WTC encaisse le pognon et, tant qu’à faire, augmente encore un peu les tarifs pour l’année suivante. Y’a toujours des gogos pour payer alors pourquoi s’emmerder, pas vrai ?