
Deux semaines après avoir été choisie comme ville d'accueil des Jeux olympiques de 2016, Rio de Janeiro a été le théâtre, samedi 17 octobre, de véritables scènes de guérilla urbaine opposant des trafiquants de drogue aux forces de l'ordre. Cette bataille a fait douze morts dont deux policiers militaires, tués dans la chute de leur hélicoptère.

Trois des victimes seraient de simples résidents, victimes de balles perdues. Six autres personnes ont été blessées, dont un policier grièvement brûlé. Au moins huit autobus ont été incendiés. C'est la première fois qu'un hélicoptère de la police est abattu à Rio par les tirs de fusil-mitrailleur d'une bande criminelle.
Tout commence en pleine nuit selon le scénario classique d'un affrontement territorial entre deux gangs dans le quartier populaire de Vila Isabel, dans le nord de Rio, non loin du célèbre stade de Maracana, où se tiendra en 2016 la cérémonie d'ouverture des JO.
Des trafiquants du "Commando rouge" installés dans la favela Sao Joao envahissent la favela voisine Morro dos Macacos ("la colline des singes") où règne une faction rivale, "Amigos Dos Amigos". Objectif des assaillants : prendre le contrôle des points de vente de la drogue.
Alertée quelques heures plus tôt par l'écoute téléphonique du chef des agresseurs, qui annonçait clairement ses intentions à des complices qu'il rameutait, la police n'y a pas cru. Elle assure avoir pourtant renforcé sa présence autour de la favela. Celle-ci n'a pas suffi à empêcher une "invasion" menée par quelque 150 bandits venus d'au moins huit favelas, à moto ou à bord de minibus et de voitures volées.
Les échanges de tirs entre les deux camps dans les ruelles du Morro dos Macacos ont duré toute la nuit, les agressés ayant reçu le renfort d'une "bande amie", accourue de Rocinha, la plus grande favela de Rio et d'Amérique latine. Les habitants du quartier, apeurés, raconteront plus tard avoir vécu "une nuit de chaos".
La police militaire, conduite par une unité du Bataillon des opérations spéciales (Bope), n'intervient dans les deux favelas qu'en début de matinée. Un peu plus tard, lorsque l'hélicoptère est atteint, son copilote, blessé au genou, réussit à poser l'appareil qui s'enflamme aussitôt.
Le pilote, le copilote et deux policiers parviennent à s'en extraire, deux autres policiers, peut-être déjà blessés, meurent carbonisés. L'un des survivants, un commandant, tireur d'élite, a connu, il y a un mois, son heure de gloire en abattant d'une balle un malfaiteur qui détenait sur un trottoir de Vila Isabel une femme en otage et menaçait, une grenade à la main, de se faire sauter avec elle.
La police craignait depuis plusieurs années déjà de voir l'un de ses hélicoptères touché par des tirs. Les blindages des appareils utilisés ne sont pas à toute épreuve et les fusils automatiques des trafiquants ont une portée bien plus grande que l'altitude maximale imposée aux pilotes pour ne pas perturber l'aviation civile.
Dimanche, un calme apparent était revenu dans les deux favelas concernées. Quatre mille cinq cents policiers supplémentaires ont été mobilisés à Rio pour éviter de nouvelles tentatives "d'invasions" de favelas. Policiers civils et militaires sont en état d'alerte dans leurs casernes, après le rappel de ceux qui étaient en congés. Le ministre de la justice, Tarso Genro, a proposé d'envoyer un corps d'élite de l'armée, une offre jugée inutile par le gouverneur de l'Etat de Rio, Sergio Cabral.
De tels incidents sanglants ne peuvent que ternir l'image de Rio, en particulier aux yeux du Comité international olympique, et, de manière plus générale, attirer l'attention du monde sur l'incapacité des autorités fédérales et locales à extirper des grandes métropoles du Brésil le cancer de la violence qui les ronge.
Pour M. Genro, "en choisissant Rio, le CIO était conscient de tout le travail que nous avons entrepris pour réduire et prévenir la violence." La criminalité à Rio ne pourra disparaître "par magie" du jour au lendemain, a convenu M. Cabral, avant de s'engager à garantir la sécurité des JO : "Nous avons dit au CIO que ce ne sera pas facile, et ils le savent. Mais nous pourrons mettre dans les rues 40 000 policiers et assurer le succès des Jeux."
Elu gouverneur en 2007, M. Cabral a lancé une offensive sans précédent contre le crime organisé qui s'est soldé pour l'instant par l'indéniable "pacification " de quatre favelas occupées en permanence par des policiers de proximité. Quatre favelas sur les 1 020 que compte actuellement la ville.

