Hésitant longtemps avant de poster......
Mais si ça peut aider sans pretention, ceux qui l'ont eu dur, qui cherchent à gommer aujourd'hui leurs désillusion de course, se servir de lur frustration pour mieux rebondir....
Bref celà prouve que l'on est vivant dans le CORPS et l'ESPRIT c'est bien là l'essentiel....
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Le plus beau kilomètre de ma vie….
L’IronMan NICE 2005 était un coup d’essai, une découverte de la distance, de la course en elle-même, de tout ce qu’elle requiert d’organisation, de préparation d’entraînement et d’investissement personnel. Sorte de classe préparatoire à l’entrée en grande école de l’humilité du TRI.
Objectivement abordée sans perspectives de temps ou de classement, cette course me remplirait de satisfaction simplement en la finissant. L’objectif atteint, dans la difficulté, je ne pourrais me résoudre à en rester là. Ceux qui me connaissent ne s’y seraient pas trompés, ça ne me ressemblait pas !!
Nous sommes arrivés le Jeudi, mon petit mec, sa maman et moi, en Autriche.
C’est sur l’Ironman de KLAGENFURT, que j’ai décidé en fin d’année 2005 d’aller laisser mon humble empreinte sur un grand Triathlon, mon deuxième sur la distance Ironman.
La région, ses atouts propices au dépaysement et à la pratique du sport, récompensent ma petite famille de leur patience, leur investissement moral et le temps passé sans moi, pendant ces longues périodes d’entraînement. De l’investissement financier consenti et partagé, pour une passion, un art de vivre, une aventure de plus.
Le temps superbe qui s’est installé depuis quasiment sept week-end sur le sud de l’Autriche ne peut néanmoins me faire oublier les conditions difficiles de cet hiver dans le Nord de la France comme dans beaucoup d’autres régions, les séances de vélo imprégnées, tantôt de froid, tantôt de neige, se terminant souvent à la frontale et lampe de cadre…Les périodes de doutes, la planification délicate pour garder un équilibre familial cohérent et primordial, synonyme de plaisir complet lorsque l’objectif sera atteint. Et qu’il puisse être partagé.
Neuf mois dédiés, vécus ensemble, avec le lot d’incompréhensions, mais aussi d’encouragements discrets ( quand vous découvrez au réveil, vos bidons prêts le matin sur la table), et au final encore et toujours cette petite pointe de crainte qui perce l’esprit.
Finalement quoi de moins humaines, que les réactions d’une conjointe de sportif, triathlète convaincu, déterminé, passionné ? Et qui peut se targuer de n’avoir jamais vu le chat se réfugier dans l’horloge au sujet du sport, «..de TON sport !!!… »
Nous prenons possession de nos quartiers, un petit studio a 8 km du site, sur le bord du Lac, à mon grand bonheur, la « patronne » parle un anglais très scolaire qui me rassure.
Les activités bien traditionnelles et connues des habitués de la distance, nous mènent le jeudi, du retrait des dossards, au petit tour de reco du site d’arrivée, du montage en cours des structures métalliques, à la localisation des meilleures places de parking ( à l’ombre ) pour le Race-day.
Des Volontaires souriant(e)s, un stand d’accueil où plusieurs langues sont parlées, pas de bousculade au retrait des dossards, tout est huilé, on en aurait même l’impression que l’entreprise est là depuis toujours. Fluidité et sensation de maîtrise du sujet sont au rendez-vous…Voilà qui plante le décors et vous rassure sur la suite. Je rentre doucettement dans ma course, dans l’ambiance.
Un petit footing souple en soirée afin de se détendre un peu les jambes et goûter des yeux, le délicieux paysage, les bords de ce lac superbe.
Le vendredi, consacré au repos complet et à la famille, vous accorde un moment privilégié avant le jour de la course. Shopping « léger » dans le centre ville, ou au village IM, pour se terminer sous le dôme avec une très bonne pasta-party a 18h. Notre voisin de table, Autrichien bossant pour « Mavic-France », nous rencarde sur les bons plans du coin, et sur les particularités du circuit, tout ça en Anglais….s’il vous plait.
Entrée salade, pasta cuisinées de différentes manières et un dessert spécialité du coin (désolé pour le nom mais c’est dans le genre : « avec plein de lettres qui servent à rien » , un nom germanique quoi

). Groupe folklo, et petite allocution sympathique de Madame Lori BOWDEN…..bref on est pas bien là ???...
La délégation mexicaine est en force, elle se fera entendre….bienvenus A Klagenfurt.
Je croise Nico, un collègue, qui tentera la qualif’ dans son age-group , conscient que la tache reste difficile et toujours aléatoire.
Nous rentrerons tranquillement vers l’hôtel, une bonne douche, un suppo’ plus tard, et c’est Morphée qui vient m’accompagner sur de longues ligne droites.
Un samedi matinal (7h), pour une petite sortie vélo, juste histoire de « tâter » le bitume autrichien avant l’heure. Le revêtement est très bon en majorité. Le reste de la matinée à faire les sacs, ceux de la course, un dernier check-list du vélo, et c’est l’heure d’aller poser tout ce barda au parc.
Là aussi l’organisation est rodée, fluide quand je suis passé. Le rouge ici, le vert a côté, le vélo (super à l’ombre dans le parc)… et toujours ces sourires, cette gentillesse.
Quel plaisir pour les yeux de voir ces centaines de vélos alignés, si proches les uns des autres. Quelle image , quel décors particulier. Avec le jour qui commence à tomber, on en aurait même l’impression qu’ils aspirent ce moment, celui où ils seront seuls, enfin laissés par leur compagnon de route. Je laisse mon « vélo » parmi les siens, comme un animal qui retrouve ses congénères … Mais qu’est-ce que je raconte ???!!!...
bref.
C’est très certainement à partir de ce moment que mon petit gars à senti ce qui se tramait, s’est rendu compte, et a pris la mesure ou la démesure de l’évènement. Depuis lors il passera son temps a imiter : le papa concurrent, le speaker animateur, le champion vu à la conf’ de presse. Au plus grand désespoir de sa maman qui pensait en être quitte du TRI, avec le père.
4h30, Je suis le premier debout, petit bout est encore plongé dans ses rêves.
Nous lui laissons le bénéfice du petit déjeuner, gâteau fait maison et café, un peu de miel.
Un tour sur la terrasse pour prendre la température. La prière pour que le transit intestinal se manifeste avant de partir (j’ai fais soft là hein ??) et me dispense de la queue devant les petites cabines assaillies sur le site,..je suis serein….
Trente minutes plus tard nous sommes sur place, le secteur est déjà en effervescence. Passage dans le parc, c’est calme, chacun est silencieux, des vélos se découvrent, des regards et sourires timides se croisent. Les purges des pompes résonnent, les gels au cadre et nous voila sur un des pontons qui percent le lac………Magnifique.
La sono chante déjà fort, au plus grand bonheur de mon t’cho père qui démarre au quart de tour. Ils ont pu passer la grille et les portiers, qui limitent le nombre de spectateur sur le pont, par sécurité.
Il est
6h00 il fait super bon, j’enfile tranquillement la combi + réveil musculaire des épaules, a sec. Fernanda KELLER et Lori BOWDEN, à quelques pas, révisent ensemble le parcours et cherchent du doigt et du regard les bouées, c’est la dernière fois que je les reverrais je ne les croiserais qu’en course à pied.
6h30, comme de coutume avant chaque TRI, je m’isole quelques minutes avec mon petit, quelques mots, ils résonneront toute la journée.
20minutes du Départ, j’observe de loin le prêtre placé devant nous, sur la plage. Dans un ballet de signes et de phrases, il s’éclipse, puis les arbitres lèvent le ruban pour nous permettre de rejoindre la ligne, le départ s’effectuant dans l’eau cette année. Sans bousculade, chacun se place, paradoxalement nous ne sommes aucunement serrés les uns contre les autres, l’ambiance est détendue l’eau est très bonne et très claire….Un régal !!!
Un dernier coup d’œil vers le ponton, ils sont là tous les deux. Des images défilent, mes yeux brillent, cool les lunettes teintées. Allez paillasse remue toi y a du taf !!!
Un coup de canon fend l’air, libère la meute des nageurs, et une clameur a faire frissonner le néoprène.
Chris, au boulot…….. !!!
2200 guss’ tirant «en avant toute-droit devant », et pas une bousculade, pas un qui me prendra pour un pieu à moules en s’accrochant, à peine quelques touchettes classiques, rien de méchant, enfin du TRI !! je trouve rapidement un petit groupe de mon niveau, je reste calé et me fie à eux pour l’orientation, mal joué on a dévié un peu sur le retour.
Je regrette un peu la suppression de la sortie a « l’Australienne » cette année, mais l’entrée dans le canal, pour les 800 mètres du final, est sincèrement un grand moment et compense largement.
La foule est à quelques mètres sur chaque berges, vous assénant de « Hopa, hopa », « Zuperrrr Zuperrrr » (prononcez « SSSooupâââââ). Quelques algues pour vous chatouiller, pas très profond ce canal, je me suis appliqué techniquement, je saisis un poignet qui me sort de l’eau,
1h06 (2’ de mieux qu’à Nice avec moins de séances), tout va bien.
Je passe chercher mon sac sur le rack, sans perdre trop de temps, j’opte pour un changement complet, allez le cul (blanc) à l’air, un shorty, un maillot…un signe a la gentille « volontaire » pour le badigeon de crème solaire, qui sourit, (toi t’as vu mon pet’ c’est clair).
Me voilà parti pour un p’tit bout de brousse avec mon bike. Il y a déjà un monde fou a la sortie du parc…Boudiouuuuu que c’est bon…. !!!
Deux boucles de 90 km, et deux bosses, dont le « Rupertiberg ». Les sensations sont bonnes, j’attends une quinzaine de minutes avant de m’alimenter. Au troisième km, je suis piqué par une bestiole derrière la nuque. La zone devient douloureuse et chaude, je n’ose pas frotter, et j’arrose régulièrement au bidon. Une bestiole a z’ailes et c’est pour ma pomme (comme quoi y’a d’autres piqûres dans le cyclisme). Je ne passe pas trop « mal » les deux difficultés dans la première boucle malgré mes craintes. Il fait moins chaud qu’a NICE en 2005 et les progrès en vélo sont là. Les locaux sont au rendez-vous sur le bord des routes. J’ai rarement vu ça en France, la ferveur populaire est extraordinaire. Musique, encouragements, applaudissements…..chapeau bas.
Je termine la première boucle, je me sens bien, j’ai pris soin de bien m’alimenter (barres et gels) et ne pas reproduire les erreurs de 2005. Et je pense a lui, encore et toujours.
Au « turning point », je me redresse et le cherche du regard. La foule est massée de part et d’autre de la chaussée, une tribune à été installée à cet endroit déporté du site, E.N.O.R.M.E. Je ne le trouve pas, mais avant la relance j’entends sa petite voix claquer, « allez papa, t’es bien… !! ». Réaction immédiate, je descends deux dents, j’attendais ça, il est avec moi, l’ambiance est phénoménale !!!
Je serais régulier sur la deuxième boucle, en ne concédant que 10 minutes de plus. Je regarde le chrono en sortie du tunnel, je vais poser en moins de 6h00, je le crois pas.
5h50 et je laisse mon compagnon au volontaire. Je ne change que le haut du corps, casquette. La nuque me chauffe toujours un peu.. rien de grave…la chaleur est cette fois bien présente, bienvenu à « Klag’ en four ».
Un petit clin d’œil en croisant mon fils en sortie de parc, sa vision me remplit de joie, mais la discipline que je crains le moins va s’avérer un calvaire.
Je le comprends très vite, au 3° km, une sensation de lassitude s’installe, j’ai chaud, mais signe qui ne trompe pas, j’ai des frissons…Le doute que j’avais en fin de vélo va se révéler exact : je n’ai pas bu assez !! La déception s’abat lourdement, je réalise que mes estimations de temps s’envolent. Il faut rapidement que je me recentre sur un autre objectif, l’essentiel FINIR. Frustration de m’être loupé sur la 4° discipline d’autant que le « physique » était là et la prépa. efficace..je suis en colère contre moi-même.
Au premier demi-tour je galère déjà, je les vois à quelques dizaines de mètres, je ralentis, je me baisse vers lui, l’embrasse et il me motive, ironie du sort. Il a eu 7ans, il ne peut pas marcher, et c’est lui qui me motive. Comme a NICE, lorsqu’il m’a tendu SON éponge, SA contribution. Comment ne pas se faire mal… !!!
Mon épouse me regarde, elle a compris où j’en étais et à compris ce que j’allais faire.
Il est fatigué, il a joué toute la journée au speaker, a joué au nageur en rampant dans la pelouse, annoncé à tous ses voisins spectateurs, le numéro de son papa, il s’est rendu compte que quelque chose n’allait pas, mais il ne le dira pas. Comment ne pas se faire mal.. !! comment ne pas finir ??? Il lutte depuis 4h30 ce matin pour me voir passer et repasser. On en a tellement parlé…Tellement de complicité entre nous. A en couvrir mes chaussures vélo avec des petits auto-collants « maison » en élasto arborant un « allez papa » timide mais sincère, au feutre rouge.
Je continue mon chemin, en alternant course et marche. Je sais qu’il est trop tard pour retrouver un l’équilibre hydrique pour faire une bonne CAP. Je cogite dur, lui aussi.
Il posera pudiquement la question « papa ne va pas abandonner maman ?? », elle sourit, en voyant qu’il regarde les premiers « finishers » revenir dans sa direction une médaille autour du cou.
Au passage suivant ils sont différents, plus motivants que jamais, ça a du causer pendant mon absence… !! ça me relance, mon objectif est clair je veux lui faire vivre le finish, lui offrir mes jambes, et ce qu’il en reste, la perf sera pour une autre fois, c’est le métier qui rentre.
Je puise de plus en plus, le demi tour en centre ville donne tout son cachet au parcours CAP. « Soupâââââ chris !!! soupââââââ !!! », un prénom sur le dossard et c’est des encouragements personnalisés qui fusent… Merci à tous ces gens, je dois pas être beau à voir.
De retour sur le site, je n’ai plus qu’une idée en tête, une seule image. Je suis « séché complet » mais qu’importe, Il aimerait connaître ces même douleurs, ces mêmes sensations de fatigue musculaire, de dépassement de soi…
Il me cherche du regard, sans soupçonner ce que je m’apprête a faire, sa petite voix rayée par les encouragements.
Je le hisse sur mes épaules, et poursuis mon périple. J’ai vu large, sans le savoir il reste bien 800 a 1000m avant la ligne, qu’importe, je lui explique, on se parle, je le prépare pour qu’il ne manque rien du finish, qu’il vive tout, tout ce a quoi il a joué, il a pensé…
L’ayant pris très tôt, la foule qui grossit de droite et de gauche l’applaudit, il est pris en photo, je suis fatigué mais je ne sens plus rien. J’entends la clameur vibrer de plus en plus a l’approche des tribunes que je ne vois pas encore. Ca gronde encore chaque pas que j’effectue, et ça fait froid dans le dos, comme si on nous attendait. Le speaker nous a repéré du haut de sa tour. J’en arrive à trottiner, marcher rapidement, lever les yeux vers lui. Il se prend au jeu, fait signe aux spectateurs, lève les bras au ciel…Je suis heureux, pas pour moi, mais d’être ensemble, d’être avec lui…..ma gorge se serre.
Des images défilent dans la tête a une vitesse folle, les difficultés et contraintes de cette nouvelle vie, les doutes, les espoirs….et lui qui ne se plaint jamais, comment ne pas s’arracher ?? lui montrer que tout est toujours possible…, ses mots clés ont été décisifs en cette longue journée. Les rôles inversés, quand je l’encourage au quotidien, pour qu’il se batte et progresse encore et toujours.
La rage, la déception et le bonheur mélangés et j’ y suis enfin, ce virage a gauche, cette ligne droite imposante, ce tapis qui se dessine devant nous. Notre image est déjà sur l’écran géant.. je me sens tout petit, ça hurle de partout, ça siffle et ça tape, j’en suis fier et gêné à la fois…
J’ai sauvé l’essentiel j’en ai les yeux lourds….
Je le regarde sur l’écran en avançant vers la ligne, je retarde ce dernier moment, il en prend plein les yeux, émerveillé, impressionné, il regarde de partout. Les projos s’allument et se tournent vers nous, Le speaker fait le show, les pom’pom’ girls s’agitent, je serre le poing je le regarde une dernière fois avant la ligne, ….
tiens… c’est pour toi Rob’….
Khris