-Gimondi, nouvel espoir vole à Poulidor la victoire sur le Tour cette année là en l'absence d'ANQUETIL et...
Jean Paul ? Ohhhh Jean Paul ?
-Ouiiii quoi ?
Tu pourrais nous parler du Tour des Flandres stp ?
-Non !!!
Allez quoi...un petit résumé et en échange une balade en hélicoptère au dessus des châteaux de la Loire ?
-Une balade en hélicoptère au dessus des châteaux de la Loire ?
Oui mais si...
-Ok ok !!
Une course qui fait la fierté de tous les Belges
Le Tour des Flandres est à la fois une des plus anciennes et des plus prestigieuses classiques du cyclisme international. Courue pour la première fois en 1913, cette course fait la fierté des Flandriens, au point que le conseil communal de Bruges envisage de demander son classement au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais en fait c’est toute la Belgique qui est fière du « Ronde » comme on l’appelle là-bas, les francophones reconnaissant qu’il s’agit d’une épreuve sublime, avec en plus une organisation remarquable. Et pour couronner le tout, et flatter encore plus l’orgueil national, le Tour des Flandres est le plus souvent remporté par un cycliste belge, ce qui témoigne de sa spécificité avec notamment ses fameux monts pavés, ses éventails où seuls les coureurs sachant « frotter » sont réellement à l’aise.
Le parcours du Tour des Flandres a souvent été remanié, mais le final se situe depuis toujours dans le secteur des monts flandriens. Cette année encore il s’élancera de Bruges pour arriver à Ninove, en passant notamment par des monts qui appartiennent à l’histoire du vélo, par exemple le Koppenberg, mais aussi le fameux Mur de Grammont d’une longueur de 475 mètres à près de 10% de moyenne avec des passages à presque 20%, et enfin le Bosberg juste avant l’arrivée. A noter que cette année le village « du Ronde » s’appelle Desselgem, et il a été choisi pour avoir été pendant longtemps celui d’Albéric Schotte, un des champions flandriens les plus talentueux surnommé « le dernier des Flandriens », deux fois champion du monde (1948 et 1950), et deux fois vainqueur du Tour des Flandres (1942 et 1948).
Un palmarès très belge, mais un Italien surnommé « le Lion des Flandres »
En regardant l’histoire de plus près, on s’aperçoit que si la Belgique se taille la part du lion en nombre de succès avec 66 victoires en 93 éditions, il n’en est pas de même pour la France puisque seuls trois coureurs de chez nous l’ont emporté, à savoir Louison Bobet en 1955, puis Jean Forestier en 1956 et enfin Jacky Durand en 1992, après une échappée de 200 kilomètres. En revanche des coureurs comme Bernard Hinault, Laurent Fignon ou Laurent Jalabert, qui pourtant avaient les caractéristiques pour gagner, n’y ont jamais réussi, faute d’en avoir réellement envie dans le cas de Bernard Hinault, ou tout simplement parce que les circonstances n’étaient pas favorables. En revanche les Italiens ont remporté la victoire à dix reprises, preuve que cette classique n’est pas réservée qu’aux « Flahutes ». Et c’est même un Italien, Fiorenzo Magni, qui détient le plus beau palmarès de l’épreuve avec trois victoires consécutives, deux en 1949 et 1950 où il avait eu l’idée d’utiliser des jantes en bois, et une en 1951 où il l’emporta après une échappée solitaire de 75 kilomètres. Il est en effet le seul à avoir réalisé cet exploit, ce qui lui valut le surnom de « Lion des Flandres », les autres coureurs à trois victoires, Achille Buysse (1940, 1941 et 1943), Eric Leman (1970, 1972 et 1973), et Johann Museeuw (1993, 1995 et 1998) n’ayant pas réussi la passe de trois.
Parmi les coureurs ayant réussi à l’emporter deux fois on relève quelques grands noms, comme Rik Van Steebergen (1944-1946) qui est aussi le plus jeune vainqueur (19 ans et demi), mais aussi l’autre grand Rik, Van Looy (1959-1962), qui fut sans doute le plus grand chasseur de classiques de l’histoire avec l’inévitable Eddy Merckx, lui aussi deux fois vainqueur (1969-1975), sans oublier le Néerlandais Jan Raas (1979-1983), ou encore Van Petegem (1999 et 2003) et TomBoonen (2005-2006). Quant au dernier lauréat, il s’appelle Devolder et il a gagné les deux dernières éditions, la dernière au détriment de Chavanel qui était sans doute le plus fort l’an passé, et qui a été victime de la course d’équipe chez Quick Step. Dommage, car Sylvain Chavanel aurait fait un beau gagnant, et sur l’ensemble de la saison il a été plus performant que Devolder. Cela dit, Devolder est flamand et il court pour une équipe belge.
Et que Devolder nous pardonne, mais son doublé ne restera pas dans les mémoires comme, par exemple, la victoire de Louison Bobet en 1955. Depuis l’année précédente Bobet était l’incontestable numéro un du cyclisme professionnel, avec ses victoires dans le Tour de France et au championnat du monde sur route, prenant la relève d’un Fausto Coppi vieillissant, et d’un Hugo Koblet qui n’était plus ce qu’il était en 1950 et 1951. Et justement, pour bien montrer qu’il était le nouveau patron du peloton, le coureur breton avait fait de l’épreuve flandrienne et de Paris-Roubaix ses grands objectifs. Il voulait d’autant plus remporter le Tour des Flandres qu’il fut privé de la victoire en 1952 par la malchance, son dérailleur s’étant bloqué à 8 kilomètres de l’arrivée alors qu’il était seul en tête, après avoir attaqué et laissé sur place dans le Mur ses adversaires, Schotte, Petrucci et Decock, lequel finira par l’emporter avec la complicité de Schotte.
Une victoire française qui restera à jamais dans l’histoire du « Ronde »
Mais le 27 mars 1955 Louison Bobet va se venger du mauvais sort, et de quelle manière ! Disons tout d’abord que peu de Français croyaient en ses chances dans une course qui n’avait jamais souri à un des leurs. Pourtant quelqu’un y croyait fermement, à savoir Antonin Magne qui était le directeur sportif de l’équipe Mercier, et ce d’autant plus qu’il pouvait compter pour aider Bobet dans son entreprise sur un excellent équipier, Bernard Gauthier, qui sera plus tard appelé « Monsieur Bordeaux-Paris » en raison de ses quatre victoires dans la plus longue des classiques. Tout était paré pour la grande bataille qui attendait nos tricolores, même s’ils devaient affronter ce jour-là un Koblet ayant retrouvé une grande partie de son efficacité passée, et Rik Van Steenbergen lui-même qui voulait remporter une troisième victoire. Et de fait ces quatre hommes se retrouvèrent en tête à l’entrée de Grammont à un peu plus de 50 km de l’arrivée.
Dans la côte pavée de la rue du Cloître, Bernard Gauthier attaqua très fort, tellement fort que seul Louison Bobet put le suivre. Hélas pour eux, alors qu’ils avaient fait le trou, les deux Français furent mal orientés par un policier, ce qui provoqua le retour de Koblet et de Van Steenbergen. Voyant cela, et se sachant le moins rapide en cas d’arrivée au sprint, Bernard Gauthier se sacrifia pour son leader, lequel était très difficile à battre à l’issue d’une course difficile. L’avance des quatre hommes était encore de 1mn 20s à 15 kilomètres de l’arrivée, avance qui devait tout aux deux coureurs français, car Koblet était handicapé dans cette terrible bagarre par une selle débloquée, et surtout parce que Van Steenbergen ne relayait plus afin, pensait-on, de se ménager pour le sprint. En fait « il ne courait pas en rat », comme on dit dans le jargon du vélo, mais tout simplement il avait beaucoup de mal à suivre la cadence. La suite va nous en apporter confirmation.
En effet à Wetteren, dans l’ultime montée, Bernard Gauthier accéléra de nouveau, puis plaça une nouvelle attaque à 400 mètres de la ligne avec Bobet dans sa roue, celui-ci prenant la tête aux 200 mètres pour ne plus la quitter jusqu’à la ligne d’arrivée. De la belle ouvrage, facilitée par le fait que Van Steenbergen était beaucoup trop « entamé » pour revenir sur Bobet, ayant perdu deux longueurs sur le coureur breton au moment où celui-ci lançait le sprint. Le crack belge ne finira même pas second, lui le sprinter patenté, car il fut aussi battu par Hugo Koblet malgré le problème de selle de ce dernier. Quant à Bernard Gauthier, qu’il faut associer au triomphe de Bobet, il finira en roue libre à la quatrième place avec un peu moins de 20 secondes d’avance sur les premiers poursuivants, mais pour lui l’essentiel avait été fait avec le triomphe du champion du monde, lequel quatre mois plus tard remportera son troisième Tour de France consécutif.
