Z_orglub a écrit : 12 oct. 2020, 00:10
Par exemple, à peu près tout le monde dit que le masque en extérieur ne sert à rien. Et pas juste des mecs qui veulent faire le buzz. Par exemple, Eric Caumes, prof d'infectiologie reconnu qui n'a jamais été dans la polémique :
https://www.youtube.com/watch?v=9AnvKxLyyMA
Si on veut que les gens respectent les consignes et arrêtent de douter, le meilleur moyen c'est de ne pas prendre les gens pour des cons en exagérant la situation et en changeant de discours tous les deux jours.
Caumes, c'est pas celui qui prônait de "laisser le virus circuler chez les jeunes"? Dire après qu'il ne veut pas faire le buzz ni être dans la polémique...
Sur le fond:
1) On n'exagère pas la situation. Elle est réellement préoccupante. Les cas montent en flèche, et à chaque fois on a la cinématique hausse des cas -> hausse des hospitalisations -> hausse des réanimations -> hausse des décès. L'inquiétude est en train de franchement augmenter dans les hôpitaux.
2) On peut comprendre que sur un forum de triathlon on ne se sente pas très concerné, puisqu'après tout la maladie touche avant tout des vieux et des obèses, populations peu riches en triathlètes, mais il n'empêche que ça peut être une vraie saloperie, pour nos proches qui en meurent, mais aussi pour ceux qui s'en sortent. Encore un pote de 35 ans, qui 3 mois après fait de la tachycardie et des démangeaisons cutanées... et on parle de séquelles pulmonaires ou neurologiques durables. Et de réinfections.
3) Il y a un problème de lisibilité des mesures.
Une mesure brutale et globale est simple à expliquer et à faire appliquer.
Une mesure granulaire, différenciée géographiquement et avec plein d'exceptions est en théorie plus sensée , mais dans la pratique beaucoup plus dure à faire appliquer.
Il faut donc trouver le bon compromis entre granularité et lisibilité.
Pour le port du masque en extérieur, on pense généralement qu'il est sanitairement utile dans les zones denses, où les distances de sécurité ne peuvent pas être respectées.
Mais le problème est que le périmètre d'une "zone dense" est éminemment variable: il peut varier d'une rue à l'autre, d'un endroit à l'autre d'une rue même, et d'une heure à l'autre à cet endroit.
Par opposition à la granularité, la lisibilité de la règle impose de faire simple: on rend obligatoire le port du masque dans toute une zone englobant la zone à risque, à tout moment.
Il y a eu plein de débats sur le sujet, et le Conseil d’État a tranché: en gros, le département est une maille trop grosse, mais la rue peut être une maille trop petite, donc on peut prendre la ville, et on est légitime à prendre une interdiction H24 - même si du coup on rend le masque obligatoire dans des zones ou à des heures auxquelles il n'apporte pas grand chose.
Donc oui, porter le masque à 2h du matin dans une rue déserte de Nanterre ne sert à rien sanitairement, mais si on commence à faire des exceptions à la règle, elle devient peu lisible, et en bon gaulois réfractaires (on le voit bien ici) plein de gens vont se servir des exceptions prévues pour ne pas porter le masque, contester les amendes etc ("oui mais à cette heure-ci il n'y a personnes", "et pourquoi dans ma rue c'est interdit et pas dans celle d'à côté", "et pourquoi c'est permis dans cette rue alors qu'il y a un attroupement"...) et à la fin le résultat sera une augmentation de l'épidémie. Ce n'est bien sûr pas le fait de ne pas porter le masque dans une rue déserte qui fait monter l'épidémie, mais le fait qu'il faut trouver une frontière entre ce qui est autorisé et permis, et que plus cette frontière est floue, à contour variable et adaptée au contexte, au moment et à l'endroit, plus elle va être contestée, contournée et testée aux limites.
Gouverner, c'est faire un compromis, jamais parfait, entre granularité et lisibilité.
Sur le port du masque, le compromis a été de l'imposer dans les grandes villes densément peuplées, tout en évitant de l'imposer là où ça n'aurait vraiment aucun sens.
C'est certainement une mesure qui peut sembler exagérée ou dénuée de sens à certains, mais le meilleur moyen d'échapper à un reconfinement généralisé, c'est que tout le monde applique les règles (ce qui exige un niveau minimum de lisibilité) et qu'on se débarrasse du truc. Si on passe son temps à tout contester, et à juste appliquer ses propres règles personnelles en pensant qu'on en sait plus ou qu'on vaut forcément mieux que tel ou tel comité ou autorité, c'est sûr qu'on va jamais s'en sortir. Le plus triste, c'est que finalement ce sont les états totalitaires (ex: la Chine...) qui donnent des leçons de maîtrise épidémique aux démocraties dans cette affaire, car eux n'ont évidemment pas de pb pour faire respecter les mesures. Ce serait quand même sympa si les démocraties arrivaient à réaliser par le civisme ce que les dictatures réussissent par la contrainte - sinon on est mal barré.
Sur les aspects juridiques du compromis granularité/lisibilité, voir
https://www.courrierdesmaires.fr/90091/ ... -reserves/
« Le juge des référés souligne également que la simplicité et la lisibilité d’une obligation, comme celle de porter le masque, sont nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les habitants, justifie aujourd’hui le Conseil d’Etat. Il est donc justifié que le port du masque soit imposé dans des périmètres suffisamment larges pour englober de façon cohérente les zones à risque, afin que les personnes qui s’y rendent connaissent facilement la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d’une même sortie ».