GÉRARD BROCKS : « JE L’AI PIQUÉ AU VIF »
L’entraîneur de Julien Absalon a assisté, dimanche à Berne, au retour au premier plan de son élève. Le Raonnais a appliqué avec rigueur le plan qu’il avait élaboré avec le technicien pour faire tomber Nino Schurter de son piédestal. Analyse.
Avec vous vécu ce succès de Julien Absalon à Berne comme une libération après plusieurs échecs consécutifs ?
« Oui. Il y a eu les Jeux olympiques de Londres qui avaient laissé une trace énorme. Puis ses problèmes mécaniques d’Albstadt (1) qui n’avaient pas arrangé les choses. Derrière ces deux événements, il y a eu des semaines dures à gérer avec Julien à l’entraînement. On a aussi dû faire face à un Nino Schurter qui est au summum de sa carrière. Il est plus explosif et plus rapide au sprint que Julien. Il fallait cesser au plus vite ce cercle des deuxièmes places. Si Julien veut gagner les Mondiaux en Afrique du Sud fin août, sur ce circuit de Berne qui est fétiche pour lui parce qu’il y avait déjà gagné quatre fois, c’était important de l’emporter. Vendredi, j’avais dit à Julien qu’il fallait appliquer la même tactique que sur la course de Coupe du monde de Houffalize (Belgique) il y a deux ans : saper le moral à Nino Schurter à la mi-course. Et en général, il lâche. »
Pensez-vous que les cartes sont redistribuées pour la fin de saison ?
« Julien était rejeté assez loin au classement international et c’est ce qui lui faisait le plus de mal. Il est en train de remonter progressivement au classement. Comme il a finalement décidé de participer à la manche de Coupe du monde du Mont-Saint-Anne (Canada) , il va prendre des points que les autres ne pourront pas récupérer et il va vite se retrouver dans les trois premiers. Un titre de champion d’Europe, c’est un titre qui vaut un titre de champion du monde. A Berne, Julien a battu les meilleurs pilotes mondiaux. Il ne manquait que Jaroslav Kulhavy. En Suisse, on a eu la photographie du début de saison : Julien et Nino Schurter sont au même niveau et ce dimanche, ça s’est joué au mental. »
On a le sentiment d’avoir retrouvé le Julien Absalon d’il y a quatre ans…
« Tout à fait. Julien est hyper-professionnel aux entraînements. Son retour au premier plan, c’est un tout. Il y a eu cette histoire de nouveau matériel (en passant d’Orbea à BMC, il a troqué son 26 pouces contre un 29 pouces). C’est indéniable que, dans les parties techniques, où il faut un niveau d’habileté au-dessus de la moyenne, Nino Schurter n’arrive plus à décrocher Julien. Il a pris une confiance énorme. Là où il avait un débours de 10 à 15 secondes après un spot technique, il est désormais dans la roue. Après, pour ce qui est du sprint, je ne peux pas changer Julien ! Il a 33 ans et une majorité de fibres lentes qui fond de lui un coureur endurant. A l’inverse, Nino Schurter a une majorité de fibres rapides alors il faut l’avoir autrement. »
N’êtes-vous pas étonné tout de même du succès de Julien sur ce circuit qui semblait plutôt convenir à Nino Schurter ?
« C’est d’autant plus beau. Quand Julien est arrivé sur le circuit, il m’a appelé pour me dire qu’il était dégoûté ! Il m’a dit : « Ils ont tout fait pour que je ne gagne pas ! » Il m’a détaillé le circuit et je lui ai répondu : « Écoute Juju, prends ton temps et maîtrise les éléments du circuit. Après, on verra mais ne t’avoue pas vaincu comme ça. » Je lui ai demandé de relativiser car ce n’était qu’un Championnat d’Europe. S’il devait faire deuxième, hé bien il ferait deuxième. Je lui ai aussi fait remarquer que battre Nino Schurter, chez lui en Suisse, aurait un impact psychologique. Je lui ai envoyé un courrier, il a eu une belle lettre sur ce qu’il devait faire. (rires.) »
A force, Julien n’avait-il pas développé un complexe vis-à-vis de Nino Schurter ?
« Non, il n’a pas de complexe ! En revanche, quand Julien arrive dans le dernier tour et qu’il est encore avec Nino Schurter, il sait que c’est inéluctable et qu’il va faire deuxième. Alors il faut l’avoir avant. C’est la tactique qu’on avait mise en place pour ces Championnats d’Europe. Il devait placer son attaque au pied de la bosse et moi, je l’attendais en haut. »
A un moment, aviez-vous senti Julien résigné à force de cumuler les deuxièmes places ?
« Dans certains discours, oui. Julien me disait que ça allait être difficile, que Nino Schurter était fort et qu’il ne le laissait pas passer. J’ai dit à Julien qu’il était trop naïf. Il courait comme un cadet face à un coureur élite. Il ne fallait pas que Julien se laisse faire. Je l’ai piqué au vif pour qu’il ne se laisse pas faire justement. Vous pouvez lui demander de vous parler du papier que je lui ai envoyé ! »

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