Lequatre : « L'objectif de Bruyneel était de faire une fusion »
A quelques jours de l’arrivée du 66ème Tour d’Espagne, l’information, tombée officiellement lundi soir, a fait sensation au cœur du peloton. La formation Radioshack va fusionner avec Leopard. Du coup, bon nombre de coureurs se retrouvent sans rien. C’est le cas de Geoffroy Lequatre. Actuellement en course sur la Vuelta, le coureur français a accepté de s’exprimer et d’expliquer la situation à Cyclism’Actu. Alors que du côté des dirigeants de la formation américaine, on a préféré « ne pas faire de déclarations supplémentaires, pour l'instant, étant donné qu’il y a encore trop de choses à régler », nous a confié, ce mardi, Johan Bruyneel. Entretien, donc, avec un Geoffroy Lequatre qui est loin d’être abattu par toute cette histoire et qui compte bien rebondir au plus vite.
Geoffroy, c’est l’actu et elle est officielle, Radioshack et Leopard ne formeront plus qu’une équipe en 2012 et sans Geoffroy Lequatre, quelle est votre réaction ?
Oui, on a pu lire et entendre que Johan Bruyneel souhaitait se débarrasser de moi mais ce n’est, en fait, pas du tout le cas. Je suis, tout simplement, en fin de contrat. Nous avons eu un entretien avec Johan Bruyneel et il m’a clairement dit qu’il ne me gardait pas. C’est toujours un peu difficile à accepter parce que, pendant deux années, j’ai travaillé dur et je me suis mis au service de toute l’équipe. L’objectif de Johan était de faire une fusion avec une autre équipe et, du coup, il faut moins de coureurs. Mais, vous savez, je le savais depuis un moment que je ne serais pas conservé dans l’équipe l’année prochaine. Je ne vais pas me lamenter sur mon sort. Je vais rebondir et retrouver une équipe. J’ai déjà plusieurs touches. En tout cas, ce nouveau système du cyclisme avec les points UCI, ce n’est pas facile pour des équipiers comme moi et qui travaillent uniquement pour que les leaders puissent ramener des points. Nous, on n’a pas souvent l’occasion d’aller en chercher pour notre propre compte. Actuellement, les équipes veulent recruter en priorité des coureurs avec des points pour espérer rester, voire accéder pour certaines, en première division. Je suis donc forcément dans une position délicate. Mais avec mon manager et agent, on travaille pour que tout se passe au mieux pour mon avenir.
Vous privilégiez à nouveau une expérience à l’étranger ou un retour dans une équipe française ?
A l’heure d’aujourd’hui, tout ce que je peux vous dire, c’est que j’ai eu des contacts avec des équipes françaises. Je n’ai pas encore eu de propositions franches car nous sommes dans une période un peu délicate. Les managers d’équipes attendent de savoir comment ça va se passer avec le World Tour et les points. Les équipes préfèrent donc, et c’est logique, recruter d’abord des coureurs qui apportent ces précieux points. Les autres sont en attente. Une fois le noyau de chaque équipe constituée, il faudra bien aller chercher des équipiers qui sont nécessaires pour mettre dans de bonnes conditions les leaders. Je pense qu’il va me falloir patienter, au moins jusqu’au mois d’octobre, pour connaître ce que sera mon avenir sur le vélo.
« C’est ça le cyclisme d’aujourd’hui ! »
Concernant la fusion Radioshack-Leopard, étiez-vous au courant ou l’avez-vous appris dans les journaux comme certains coureurs, dont Brice Feillu, l’ont raconté ?
On n’a pas vraiment été mis au courant. C’est vrai que cette histoire est quelque chose d’assez surprenant. C’est quand même un sacré projet. Forcément, on en avait un peu entendu parler. Ce sont deux des plus grosses équipes du monde qui s’associent donc ça intrigue et ça parle beaucoup dans le monde du vélo. Il va y avoir une sacrée équipe l’an prochain, avec beaucoup de coureurs et de grande renommée. Moi, la seule chose que je savais, c’est que je n’étais pas conservé. C’était le cas, aussi, pour d’autres coureurs. Donc, on sentait bien qu’il se tramait quelque chose d’énorme dans l’équipe. C’est dommage mais c’est ainsi. Les managers ont un business à faire tourner et ils ont dû faire des choix qui ont amené à cette fusion. Alors, oui, je sentais quelque chose venir, ce qui n’était peut-être pas le cas de tout le monde. Mais on peut dire qu’on était plus ou moins au courant. Il y a beaucoup de coureur dans ces deux équipes et il a fallut que les managers fassent des choix. A partir de ce moment là, il faut savoir accepter la chose. C’est à moi, aujourd’hui, de chercher autre chose et de rebondir.
Que retiendrez-vous de votre expérience chez Radioshack ?
J’ai passé deux très belles années dans une équipe avec une diversité énorme. Il y avait des personnes, que ce soit les coureurs ou l’encadrement, de différents pays, langues et cultures. C’était un échange sympathique et enrichissant. Sur le plan personnel, ça m’a permis de m’ouvrir sur beaucoup de choses. Je parle à présent couramment espagnol et anglais. Jamais, je n’aurais eu cette opportunité en restant en France. J’ai également apprécié qu’on nous responsabilise énormément. Quand on arrive sur une course, on sait exactement ce qu’on doit faire et ce qu’on attend de toi. Je pense que ça m’a permis d’évoluer et de passer de nouvelles étapes. Les équipes françaises m’ont formé. Je suis passé par les espoirs du Crédit Agricole, puis les pros du Crédit Agricole, Cofidis, Agritubel et Radioshack. Toutes ces équipes m’ont permis de devenir le coureur que je suis aujourd’hui. Chaque étape a été bénéfique dans ma progression et ma construction en tant que coureur cycliste professionnel.
Vous êtes déçu de devoir partir et de quitter cette équipe ?
Forcément un peu. Avoir une place dans une grosse équipe comme celle qui arrive l’an prochain, je pense que cela aurait pu être encore une nouvelle étape. Mais c’est le jeu, on connaît les règles. Je pense que j’ai encore de belles choses à faire sur le vélo. Revenir en France, cela peut aussi être une belle opportunité. En tout cas, je la prendrais avec grand plaisir car je sais qu’il y a de très bonnes équipes en France. C’est un peu dommage que ça se finisse comme ça avec Radioshack. Mais il ne faut pas oublier tout le staff qu’il y a derrière et les autres coureurs qui sont tous dans la même situation que la mienne. C’est dommage qu’une aussi belle équipe que la Radioshack ait besoin de s’associer avec une autre grosse pour en créer une nouvelle et encore plus grosse. Il y a vraiment un potentiel énorme dans l’actuelle équipe Radioshack. Après, cela dépend des contrats et du business. C’est ça le cyclisme d’aujourd’hui. Plus on va avancer et plus on assistera à la création de grosses équipes comme celle Radioshack-Nissan-Trek. Il y a une restructuration du monde du vélo. Ce sera un peu difficile à gérer face à ce qu’est le cyclisme à la base, celle du vélo-passion. Chacun doit s’adapter, aussi bien l’équipe que le coureur, au nouveau règlement imposé par l’UCI. Dans la vie, tout va vite et il faut qu’il y ait, à un moment donné, du changement. Cela tend vers l’évolution. Et qui dit évolution, dit forcément adaptation. Il faut faire avec.
« Aller gagner une étape »
Du coup, cette dernière semaine de la Vuelta, c’est peut-être l’occasion de vous faire remarquer davantage ?
Les deux premières semaines de ce Tour d’Espagne ont été vraiment difficiles avec beaucoup de montagne. On a eu des ascensions assez incroyables. On avait rarement vu ça sur un grand Tour. C’était deux semaines compliquées à cause de la dureté du parcours mais aussi à cause de la chaleur. Nous avons eu beaucoup de transferts. Ce n’est pas toujours idéal pour la récupération. Pour moi, ça avait plutôt bien commencé avec un bon chrono et nos leaders dans les 10 premiers. Mon rôle était de les protéger, les replacer pour qu’ils gardent le plus de force possible. Malheureusement, en deuxième semaine, ils ont craqué. On a manqué de chance avec des crevaisons au mauvais moment. Physiquement, ils étaient un petit peu juste et ils ont fini par perdre pas mal de temps. Alors, oui, il reste cette dernière semaine pour aller gagner une étape vu qu’au général, il n’y a plus rien à faire.
A cinq jours de l’arrivée à Madrid, quel est votre bilan de ce Tour d’Espagne ?
C’est un petit peu décevant de voir qu’on avait nos deux leaders dans le top 10 et qu’ils ont craqué. Mais la défaillance, cela fait partie du jeu. Sur cette troisième semaine, je me sens de mieux en mieux. J’espère que je pourrais en profiter et faire une belle fin de Vuelta. Dans les deux prochains jours, s’il y a une échappée, elle ira à coup sûr au bout. Alors faut souhaiter que je puisse en faire partie sachant qu’il ne reste plus beaucoup d’occasions. Il va me falloir être clairvoyant et bien sentir les bons coups, surtout ceux qui vont au bout. On sait que la Geox va accorder des bons de sortie et laisser la victoire aux échappées. Chaque matin, au briefing, l’objectif est clair, c’est d’aller dans les échappées et de gagner une étape. Il n’y a plus que ça à jouer.
I don't ride a bike to add days to my life. I ride a bike to add life to my days !!!