https://www.lemonde.fr/sport/article/20 ... _3242.html
Je vous mets l'article dans son intégralité

(ne dites pas merci)
Patron de l’équipe cycliste Bahreïn-Merida de l’Italien Vincenzo Nibali et découvreur du Slovène Primoz Roglic, les deux favoris de l’actuel Tour d’Italie, Milan Erzen aurait toutes les raisons de pavaner ces prochains jours dans les Alpes piémontaises. Mais s’il était attendu sur le Giro pour le deuxième week-end de course, il tient à en rester éloigné. Et pour cause : selon les informations du Monde et du Corriere della Sera, ce Slovène est soupçonné par la police autrichienne d’avoir fait appel aux services du docteur Mark Schmidt, au centre de l’enquête antidopage « Aderlass ».
Arrêté le 27 février dans son cabinet d’Erfurt, en Allemagne, Mark Schmidt est accusé d’avoir dirigé pendant des années un réseau de dopage sanguin, essentiellement présent dans le ski nordique et le cyclisme, avec des ramifications en Slovénie et en Croatie. A l’aide des poches de sang saisies chez lui, de son témoignage et d’écoutes, 21 sportifs ont été identifiés comme faisant partie de ses clients.
Selon les informations transmises par les enquêteurs à la Fondation antidopage du cyclisme (CADF), Milan Erzen est entré en contact avec Mark Schmidt via un intermédiaire croate afin d’acheter une centrifugeuse, équipement utilisé dans les transfusions sanguines pour séparer les globules rouges du plasma.
Était-ce pour son équipe cycliste, ou pour doper des chevaux et chameaux à Bahreïn ? L’entraînement des bêtes de courses, très populaires dans ce petit royaume du golfe Persique, est l’une des multiples activités de Milan Erzen - qui n’a pas répondu à nos sollicitations mercredi 22 mai.
L’Union cycliste internationale (UCI) prend l’affaire au sérieux. La semaine dernière, après avoir reçu des informations des autorités autrichiennes, elle a demandé à Milan Erzen de se munir d’une licence UCI, compte tenu de son rôle chez Bahreïn-Merida.
Selon nos informations, la fédération internationale cherche ainsi à pouvoir éventuellement suspendre le Slovène, comme elle l’a fait ces dernières semaines avec les coureurs et directeurs sportifs impliqués dans l’opération « Aderlass ».
Homme de l’ombre
« C’est un individu auquel nous sommes attentifs, dit-on à l’UCI. On connaît sa réputation et il est clair que c’est un personnage central dans le cyclisme slovène et chez Bahreïn-Merida. Mais quoi qu’il ait fait, cela peut avoir été fait sans que Brent Copeland, le manager de l’équipe, n’en ait connaissance. »
Milan Erzen a fait une demande de licence correspondant à un poste d’assistant. Loin de sa fonction véritable et jamais démentie chez Bahreïn-Merida : Milan Erzen fait le lien entre le propriétaire de l’équipe, le prince bahreïni Nasser ben Hamed Al-Khalifa, et la direction sportive. Dans un communiqué publié par l’équipe en novembre 2017, il était cité en tant que « managing director » (directeur exécutif).
En début d’année, c’est encore lui qui, avec le manager Brent Copeland, s’asseyait à la table des négociations avec Vincenzo Nibali et son agent pour discuter de l’avenir du vainqueur du Tour de France 2014, en fin de contrat.
Si Milan Erzen est officiellement absent de l’organigramme de la Bahreïn-Merida, son influence se lit dans l’importante composante slovène de l’équipe : six coureurs, deux directeurs sportifs, des assistants, mécaniciens, la responsable de la communication - qui est aussi sa compagne.
Deux Slovènes de la Bahreïn-Merida ont déjà été suspendus par l’UCI le 15 mai dans le cadre de l’opération « Aderlass » : le coureur Kristjan Koren, exclu du Tour d’Italie, et le directeur sportif Borut Bozic, un proche de Milan Erzen.
Lire aussi Dopage : la Slovénie dans l’œil du cyclone « Aderlass »
Inquiétude chez Bahreïn-Merida
Lors de la journée de repos du Tour d’Italie, lundi 20 mai, un entretien informel a eu lieu entre le président de l’UCI, David Lappartient et les managers de l’équipe Bahreïn-Merida, Brent Copeland et Alex Carera - l’ancien agent de Nibali -, pour évoquer l’enquête en cours.
Depuis, l’inquiétude règne dans les rangs d’une équipe déjà coupée en deux, entre le clan Nibali et le reste de l’équipe : qu’adviendra-t-il de l’investissement de Bahreïn si l’intermédiaire slovène est impliqué dans une affaire de dopage ? Quid de l’apport du groupe britannique McLaren, détenu par le fonds souverain bahreïni et partenaire de l’équipe depuis cette saison grâce à l’entregent de Milan Erzen ? Et de l’arrivée prévue, en juin, de Rod Ellingworth, ancien directeur de la performance du Team Sky ?
« La situation au sein de l’équipe est très étrange, dit Brent Copeland. Depuis la suspension de Bozic et Koren, Milan Erzen n’a plus donné signe de vie. Pas plus que le nouveau sponsor McLaren : personne ne répond. Je suis très inquiet pour l’avenir. »
Âgé de 48 ans, amateur de golf et ancien cycliste de niveau modeste, Milan Erzen a rencontré le prince Al-Khalifa en 2013, par l’intermédiaire d’un ami marocain en commun, l’ancien médaillé olympique d’athlétisme Khalid Boulami. Le prince est alors à la recherche d’un entraîneur, d’abord pour progresser en triathlon puis pour faire progresser ses chevaux, lui qui participe à des compétitions d’endurance équestre.
Devenu l’homme de confiance de Nasser ben Hamed Al-Khalifa pour ses nombreux projets sportifs, Erzen quitte la Slovénie fin 2013 pour s’installer à Bahreïn. Bientôt, il invite le prince au Tour de France. Ce dernier, conquis, investit dans une équipe cycliste qui voit le jour en 2017, avec Vincenzo Nibali en tête de pont. Sa venue a été facilitée par les liens anciens entre Milan Erzen et Paolo Slongo, l’entraîneur de la vedette italienne.
Milan Erzen installe Brent Copeland, auparavant manager de l’équipe italienne Lampre, à la direction de la formation bahreïnie. Les deux hommes se connaissent bien : depuis 2013, M. Erzen travaille aussi pour Lampre, en tant que recruteur. Ces années-là, il intègre dans cette formation un certain nombre de ses protégés, parmi lesquels le Croate Kristijan Durasek, lui aussi suspendu la semaine dernière dans le cadre de l’enquête « Aderlass ».
Rôle central dans le cyclisme slovène
Les contacts présumés entre Milan Erzen et Mark Schmidt pourraient rejaillir sur un cyclisme slovène en pleine explosion. Voilà plusieurs années que la CADF s’intéresse à la Slovénie, et plus particulièrement à cet homme qui y joue un rôle central. Après sa courte carrière de coureur chez la petite équipe KRKA Telekom (1997-2002), Erzen est devenu entraîneur d’Adria Mobil, une équipe de troisième division mondiale qui fonctionne comme un centre de formation pour les coureurs de l’Adriatique.
La quasi-totalité des cyclistes slovènes et croates sont passés sous ses ordres. Comme Primoz Roglic (Jumbo-Visma), qu’Erzen a engagé en 2013 après lui avoir fait passer un test d’effort. Parti en fin d’année pour Bahreïn, Erzen ne sera pas l’entraîneur de Roglic. En revanche, interrogé par le journal slovène Dnevnik en 2014, l’homme affirme s’occuper depuis leurs jeunes années de Simon Spilak (Katusha) et Matej Mohoric (Bahreïn-Merida), deux des meilleurs cyclistes du pays. Tomasz Nose, Kristian Fajt et Janez Brajkovic, tous suspendus pour dopage, faisaient aussi partie des protégés de Milan Erzen.
C’est grâce à lui que la Slovénie compte 11 coureurs dans le World Tour, la première division du cyclisme mondial. Mais le parrain du cyclisme slovène pourrait bientôt devenir toxique.
I don't ride a bike to add days to my life. I ride a bike to add life to my days !!!