La Lorraine au régime sans sel ?
Les collectivités s’alarment des difficultés d’approvisionnement en sel de déneigement malgré la proximité de Varangéville.

La capacité de production de la mine de Varangéville n’est que de 450.000 tonnes pour le sel gemme destiné au déneigement. Photo d’archives
Deux camions de vingt-cinq tonnes partent chaque semaine des Salines du Midi, à Aigues-Mortes, pour alimenter les services techniques de la ville de Toul en sel de déneigement. Inacapable d’honorer toutes les livraisons dans l’immédiat, la société Rock a proposé cette solution à la municipalité pour répondre à l’urgence. La dernière mine de sel exploitée en France se trouve pourtant à Varangéville, aux portes de Nancy. Surtout, la collectivité n’a d’autre choix que de prendre en charge le surcoût de l’opération si elle veut être approvisionnée.
La semaine dernière, le maire d’Écrouves, commune de 4.300 habitants de l’agglomération de Toul, a interpellé l’association des maires de Meurthe-et-Moselle en dénonçant la « situation de monopole » du groupe Salins. Le seul producteur français de sel de déneigement détient également le capital de la société Rock, leader sur le marché de la distribution. « Les collectivités sont prises en otage », estime le maire du Toulois confronté à des hausses de prix allant de 45 à 125 % selon les fournisseurs.
Chez Rock, à Mulhouse, comme à la saline de Varangéville, on indique que seul le PDG de Salins, Pierre Lévi est habilité à communiquer. Au siège du groupe, à Levallois-Perret, ses services préfèrent toutefois laisser au président de l’Association pour le sel au service de la viabilité hivernale (Asselvia) le soin de répondre aux critiques des élus locaux. « L’hiver a été précoce cette année », constate Gaëtan Chapleau. « En un mois, les membres de notre association regroupant la majorité des professionnels français du sel de déneigement, ont enregistré l’équivalent de commandes d’une année moyenne telle que l’hiver 2008-2009. Les stocks ont fondu. À l’impossible, nul n’est tenu. »
À Varangéville, le délégué syndical de la CGT fait observer que la capacité de production du site lorrain n’est que de 450.000 tonnes de sel gemme par an pour 580.000 tonnes de sel raffiné destiné à l’industrie. « Deux cent quarante personnes travaillent ici toute l’année, dont quarante mineurs au fond, et on ne peut pas produire davantage avec nos moyens », explique Denis Lhommé. « On a commencé l’hiver avec 85.000 tonnes de sel humide en surface mais le stock sera épuisé à la fin de la semaine ! » D’où le recours au sel du Midi, quand il n’est pas importé du Maghreb ou d’Australie.
« Nous ne sommes pas un service public »
« Notre ancien PDG expliquait que le déneigement n’était qu’une cerise sur le gâteau mais, depuis quelque temps, la cerise est plus grosse que le gâteau », ajoute le représentant du personnel. « Salins a vendu 1,2 million de tonnes de sel sur les 1,5 million de tonnes mises sur le marché français l’an dernier ! » Au cours du dernier comité central d’entreprise, l’expert-comptable a d’ailleurs présenté « l’excellente santé financière (de Salins) après une année exceptionnelle en déneigement et un plan de sauvegarde de l’emploi qui a supprimé environ 55 postes ».
Alerté par les représentants du personnel sur les plaintes des mairies qui peinent à être approvisionnées, le nouveau PDG, Pierre Lévi, semble en faire peu de cas. « Il a répondu qu’il ne souciait que des clients qui avaient un partenariat avec Salins et que nous n’étions pas un service public », écrit le délégué CGT sur son blog.
Le maire d’Écrouves souhaiterait justement que les services de l’État contrôlent « la gestion des stocks et des livraisons ». Pour l’heure, ils n’interviennent auprès des fournisseurs, par l’intermédiaire de l’état-major interministériel de zone, que pour « donner des éléments de priorité à l’entreprise privée Rock », précise la préfecture de région. En fonction des conditions météorologiques des prochains jours, elle pourrait surtout être amenée à gérer la pénurie.