Un son de cloche bien dissonant dans le concert de klaxon actuel !!!
Calimero, le foot aura ta peau, par Erwan Le Duc
LEMONDE.FR | 20.11.09 | 10h29 • Mis à jour le 20.11.09 | 15h10
"Tout le monde a vu ce qui s'est passé, partout en Europe. La France a bien joué à Dublin. Mais on méritait d'aller en Afrique du Sud. Je souhaite tout de même à la France de la réussite à la Coupe du monde." Même dans la défaite, l'Irlande et son sélectionneur, Giovanni Trapattoni, seraient-ils plus dignes et lucides que les Français dans la victoire ?
Les Bleus ont arraché leur qualification comme des pirates, par la disgrâce d'une main qui a échappé au corps arbitral. Soit, il n'y a pas de quoi être fier. Il n'y a pas non plus de quoi avoir honte.
Que les Irlandais demandent, après réflexion, que le match soit rejoué, c'est de bonne guerre, même si le chant du cygne ne devrait pas troubler celui du coq. Sauf que le coq en question ne chante pas, il râle. Et pis, il s'est mué en père la vertu, réclamant à cor et à cri la tête de son capitaine à cause d'une main baladeuse (et salvatrice)… On croit rêver. Le ridicule atteint par les Bleus sur le terrain devient contagieux.
Sonner l'hallali contre Henry et lui reprocher son manque de fair-play pour un fait de jeu relèvent soit de la naïveté, soit de l'hypocrisie. Et asséner que l'attaquant devait signaler sa faute à l'arbitre, dans un geste pur et saint, c'est répondre à l'imposture par la posture. On peut avoir l'élégance de reconnaître que c'est un hold-up. Transformer une erreur d'arbitrage en débat national sur la morale du capitaine confine au contraire au grotesque.
Tricherie ? A une telle vitesse, au terme des prolongations, on est plus dans le mauvais réflexe que dans la manigance. Faute ? Sans aucune doute, mais le seul qui peut s'en vouloir, c'est l'arbitre, masqué sur l'action. Or aux dernières nouvelles, l'arbitre fait partie du jeu. Au vu des réactions indignées qui fleurissent depuis mercredi soir, il se confirme donc qu'une partie des Français, comme leur équipe, peinent à jouer. Et surtout à accepter, dans la défaite comme dans la victoire, la formidable injustice du ballon.
Cette injustice, vécue par les malheureux Irlandais à Saint-Denis, est le sel du sport le plus populaire du monde. C'est son drame, c'est son intérêt. Sa légende en accouche. Le but accordé à l'Anglais Hurst en finale du Mondial 1966, la main de Maradona en quarts de finale en 1986, la faute de Schumacher sur Battiston en demi-finales de Coupe du monde 1982… c'est trop injuste, c'est sûr, mais c'est le football. "Never explain never complain" devrait être la devise de la FIFA.
"Ce qui m'a terrifié, ce n'est pas la main ; ce qui est horrible, c'est la manière dont a joué l'équipe de France", a sagement rappelé Daniel Cohn-Bendit. Et ce qui est important désormais pour les Bleus, c'est de faire en sorte que la french touch du football ne se résume plus à un mauvais procès à propos d'un mauvais jeu de main qui a débloqué un très très mauvais match.
Cela étant dit, soyez sûr que si la main avait été verte, ce point de vue serait tout autre. Si l'injustice est cousine du football, la mauvaise foi en est sa petite sœur. Saint Thierry, priez pour nous pauvres pécheurs, et pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés (je vous ai parlé de Schumacher en 82 ?…).