Triathlex a écrit :
Parmi les cyclistes de tout premier plan, il est le seul à avoir été sanctionné de la sorte. Pour toute son œuvre si tu veux. Pourtant, je pense qu'un Indurain (mais pas seulement), d'un point de vue dopage ne doit pas avoir grand chose à envier à LA.
Je trouve donc assez inéquitable de faire deux poids, deux mesures entre les tricheurs, à tout le moins au niveau du palmarès... Et pour tout dire, je trouve que ça enlève de la crédibilité aux intégristes du sport propre qui naviguent sur ce forum.
Ce n'est pas inéquitable pour différentes raisons :
(i) la première, on en a longuement discuté, les faits concernant Indurain sont prescrits — ce sont les fameuses "limitations".
(ii) si j'ai bien compris, tu as répondu sur ce point qu'il fallait distinguer la morale et le droit, et que tu te plaçais du point de vue de la morale. Là j'avoue que je suis sidéré. Du point de vue moral, tu penses qu'on devrait condamner Indurain, et lui enlever ses titres. Mais sur quelle base ? A partir de quelles preuves ? Tu penses donc qu'il serait "moral" de violer la règle fondamentale de la prescription, et, sans aucun élément de preuve, sans le soutien d'aucun texte juridique, qu'il faudrait le condamner. Singulière conception de la morale et du droit !
Maintenant si ce que tu veux dire c'est que que NTQ ou moi-même devons condamner simplement verbalement Indurain sur le plan moral — bien entendu que nous le faisons, Indurain était certainement un tricheur, il a collaboré avec Conconi et c'est un motif de suspicion sinon une preuve. Et ses valeurs de puissance sont également hautement suspectes. Il a par ailleurs quasiment admis s'être dopé au moins dans une interview.
Cela dit à ma connaissance il n'a pas trafiqué de produits dopants, n'a pas harcelé ses équipiers pour qu'ils se dopent, n'a pas organisé une fraude de grande ampleur contre son gouvernement, n'a pas commis de parjure, n'a pas trainé en justice des innocents (ce qui est une subversion de la fonction même du droit), n'a pas suborné de témoins, n'a pas corrompu les instances du cyclisme, etc. Donc même s'il convient de condamner la triche d'Indurain, comme toute forme de triche, force est de constater que le niveau des fautes commises n'est pas le même, et qu'il est donc naturel que le niveau de condamnation morale soit aussi bien différent.
(iii) enfin il y a un point qui échappe semble-t-il à pas mal de gens. Lorsqu'on prend une licence sportive, on accepte les règles de la fédération correspondante, ainsi que les règles acceptées par la dite fédération. Pour cette raison, LA a accepté explicitement, en toute connaissance de cause — et ne t'inquiète pas un instant, il était parfaitement au courant des moindres détails juridiques — les règles de la fédération américaine, de l'UCI, et, dès sa création, de l'AMA. En l'occurrence ce sont les règles de l'AMA qui ont été appliquées par l'USADA, de façon parfaitement logique et transparente. Mais ces règles n'existaient tout simplement pas à l'époque d'Indurain. Comparer le cas d'Indurain à celui d'Armstrong n'a donc, sur le plan juridique, absolument aucun sens, les règlements sportifs de référence n'étant même pas les mêmes.
Triathlex a écrit :
Après, pour ce qui concerne sa nationalité, il faut reconnaître que, d'un strict point de vue juridique, il subit un traitement différencié désavantageux.
Alors là puisque tu es juriste j'aimerais que tu m'expliques pourquoi ! C'est drôle il y avait une conférence à la Yale Law School jeudi soir, qui réunissait Tygart, Landis, Vaughters, et un quatrième gars pour discuter des problèmes (entre autre juridiques) du dopage, et pas un des nombreux juristes présents n'a mentionné ce point. Sans doute qu'on est mal formé à Yale

! Cf.
http://new.livestream.com/yalelaw/SpinningOurWheels pour revoir cette passionnante conférence.
Comme je l'ai rappelé dans le point ci-dessus, ce que nous dit le droit c'est qu'un sportif est lié juridiquement par les règles qu'il a acceptées en prenant sa licence. Les règles acceptées par deux sportifs de deux nationalités différentes ne sont pas nécessairement exactement les mêmes, puisqu'ils n'ont pas pris leurs licences aux mêmes endroits. On ne peut certainement pas parler d'un traitement inéquitable, c'est un simple reflet du fait qu'ils n'ont pas accepté, au départ, les mêmes règlements.
Cela dit en l'occurrence, ce sont les règles de l'AMA qui ont prévalu il n'y a donc pas de spécificité nationale. L'UCI n'avait pas la même lecture que l'USADA à propos de la non-applicabilité de la prescription, LA a contesté ce point en justice comme il en avait le droit en mettant en cause la juridiction de l'USADA, il a déposé une plainte aux USA en raison du fait qu'il a une licence US, la question a été examinée par un tribunal texan (donc vraiment pas désavantageux pour lui a priori) et a donné raison sur ce point à l'USADA, et tort à l'UCI. Où est le traitement inéquitable, ou le non respect des règles ?
Triathlex a écrit :
La référence à la nationalité des Ferrari and Co dans le cadre de l'USADA, c'était juste pour dire qu'ils peuvent s'en foutre puisque cette institution n'a pas de juridiction sur eux.
J'espère avoir été clair cette fois.
Non c'est inexact, la sanction de l'UCI s'applique également à Ferrari and Co, via la juridiction de l'UCI qui n'a pas fait appel de la sanction de l'USADA et doit donc l'exécuter. Bruyneel a demandé un arbitrage, je ne sais pas trop on cela en est, mais tout ces gugusses sont exclus à vie du cyclisme professionnel. D'ailleurs une parenthèse sur Bruyneel. Ce monsieur va s'apercevoir à ses dépends que le fait qu'on ne soit pas citoyen américain ne permet aucunement de participer à une fraude contre le gouvernement US. Je n'aimerais pas être à sa place, il est mis en cause dans le procès Qui Tam, et lorsqu'on a les fédéraux aux basques ce n'est pas vraiment une situation de tout repos.
Pour terminer un mot à propos de "l'intégrisme", un terme assez étrange dans ce contexte. Pour ma part je suis favorable, je l'ai dit à de nombreuses reprises, à une commission "vérité et réconciliation" susceptible de pratiquer une large amnistie si cela peut contribuer à limiter les pratiques dopantes. Concernant Armstrong, j'aurais été sincèrement heureux qu'il contribue à l'établissement de la vérité, et qu'il puisse ainsi bénéficier d'importantes réductions de peine, au moins au niveau sportif. Je suis le premier à avoir reconnu dans la discussion que les pratiques dopantes étaient généralisées dans les années 90, et encore dans une large mesure dans les années 2000 (jusqu'en 2008).
Hélas, il a non seulement refusé de collaborer avec l'USADA, mais lui a fait un procès (qu'il a perdu). Ensuite, il a continué à mentir de façon éhontée devant des millions de téléspectateurs. Et pour finir, sans doute contraint par ses avocats en raison de ses nombreuses responsabilités dans des affaires tant au civil que sur le plan criminel, il a rejeté une dernière proposition de collaboration de la part de Tygart. Ce qui est admirable dans tout ça c'est la patience, la droiture et l'efficacité de Tygart.
Quand à LA, il connaissait les règles, il les a foulées aux pieds, mais il croyait que dans son cas particulier, elles ne s'appliqueraient pas.
Il s'est trompé.