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Alexandre Ferret
Ce dopage dont personne ne parle
Le Point.fr - Publié le 23/02/2012 à 12:47 - Modifié le 23/02/2012 à 14:28
Le cyclisme, le tennis et le football sont pointés du doigt, mais la situation des sports américains est plus que préoccupante.
La lutte contre le dopage avance cahin-caha. Aux États-Unis, les athlètes de NBA, de football américain, de baseball ou de hockey sur glace
bénéficient d'un régime de faveur.
Sale époque pour les sportifs. La question du dopage est dans toutes les têtes, sur toutes les lèvres et au coeur de tous les débats. À croire qu'elle serait même dans chaque goutte de sueur perlant sur le front des athlètes. Une performance d'exception est devenue prétexte à l'incompréhension. Voire à la suspicion. Et l'ensemble de la communauté sportive se trouve éclaboussée par la doxa du "tous pourris" qui discrédite à la fois les tricheurs et les sportifs propres.
Alors, quitte à viser large, autant tirer à vue. Autant s'en prendre à l'ensemble des athlètes de haut niveau. Autant attaquer ceux qui bénéficient des plus gros régimes de faveur. Car n'en déplaise à Yannick Noah, auteur d'une chronique dans Le Monde en novembre dernier sur le sujet, ce ne sont pas seulement les footballeurs, tennismen et autres cyclistes qui sont touchés par ce fléau. Et ils ne sont pas tous espagnols. Loin de là.
Le cas des sports américains
C'est malheureusement outre-Atlantique, là même où Joakim Noah s'illustre sous les couleurs de la franchise des Bulls de Chicago, que le mal semble être le plus enfoui. En NBA, au football américain, en hockey sur glace ou encore au baseball, la lutte contre le dopage n'en est qu'à ses prémices.
Pointés du doigt par l'Agence mondiale antidopage (AMA) depuis des années, secoués par des scandales à répétition (livre du double champion olympique de hockey sur glace Theoren Fleury), des études (rapport Mitchell mettant en cause 89 joueurs de baseball) et des déclarations à charge de tous bords, les sports collectifs nord-américains ont une bien triste réputation. Et à ce petit jeu-là, le championnat américain de basket est révélateur.
La NBA est en effet un championnat paradoxal : un niveau de jeu stratosphérique, mais une réglementation très conciliante avec le dopage, des athlètes hors norme choyés par des hordes de médecins, des contrôles peu nombreux et des sanctions plus anecdotiques que dissuasives.
La NBA en question...
Actuellement, un basketteur évoluant en NBA ne peut pas subir plus de quatre tests par saison. Et ce, seulement entre le début et la fin du championnat. À titre de comparaison, l'Agence mondiale antidopage a lancé en 2005 le dispositif de géolocalisation - qui ne s'applique dans aucune Ligue américaine - dans le cadre duquel les sportifs doivent annoncer trois mois à l'avance leur adresse précise et leurs éventuels déplacements pour chaque jour du trimestre à venir. Ils peuvent en effet subir un contrôle à n'importe quel moment, entre 6 heures du matin et 21 heures.
Dans un autre registre, les sanctions prononcées en NBA sont très faibles. Un premier contrôle positif entraîne 10 matchs de suspension, soit à peine quelques semaines, les équipes jouant entre trois à quatre rencontres hebdomadaires. La sanction à vie n'intervient qu'à la quatrième "main dans le sac". Le Code mondial antidopage - qui n'a aucune valeur réglementaire aux États-Unis - prévoit une suspension de deux ans pour une première infraction (affaire Alberto Contador), sanction pouvant aller jusqu'à une radiation à vie dès le second manquement aux règles du code.
... le baseball, le hockey et le football US aussi
Le hockey sur glace, le baseball et le football américain sont grosso modo sur ces bases au niveau du dépistage et des sanctions. Un autre point commun unit ces disciplines : la classification de l'hormone de croissance humaine (hGH) dans la catégorie des produits dopants. Et 2011 a été une année particulièrement fertile en belles promesses. À coups d'annonces grandiloquentes sur leur souci d'élaborer un programme antidopage efficace, les Ligues professionnelles de football (NFL), de baseball (MLB) et de basket (NBA) ont toutes profité du renouvellement de leur règlement pour s'engager à contrôler l'hormone de croissance. Le football américain, en août dernier. Le baseball, en novembre. Et le basket, en décembre. Seule la Ligue de hockey (NHL) n'a jamais émis la moindre intention en la matière.
Pourtant, à l'heure actuelle,
seule la MLB a totalement ratifié le dépistage de hGH, devenant ainsi le premier des quatre sports majeurs nord-américains à s'engager sur cette voie. Pour leur part, la NBA et la NFL tentent de gagner le plus de temps possible avant la mise en place officielle de ces contrôles : les syndicats de joueurs freinent des quatre fers, expliquant vouloir s'assurer de la viabilité scientifique des tests. Pourtant le dépistage de hGH ne date pas d'hier. Il a été homologué par l'AMA et réalisé pour la première fois lors des Jeux olympiques d'Athènes... en 2004 !
Paradis fiscaux du dopage
Ce mépris des règles internationales en termes de lutte contre le dopage s'explique facilement. Le football américain, le basket, le hockey sur glace et le baseball
évoluent en vase clos, en marge de toute fédération. Chacune de ces ligues est privée, c'est-à-dire que seuls leurs propres règlements s'appliquent de plein droit. En effet, traditionnellement, une fédération internationale met en place des règles qui s'imposent à chacune de ses fédérations nationales, elles-mêmes étant chargées de veiller au respect du cadre mis en place.
Et en matière de dopage, cette singularité est déterminante et fait des ligues professionnelles américaines de véritables
"paradis fiscaux" du dopage. Notamment en raison du rôle que joue le Code mondial antidopage, texte de référence en la matière, qui institue le cadre juridique s'imposant à l'ensemble de la communauté sportive. Il est reconnu par toutes les fédérations internationales rattachées au mouvement olympique, mais n'a aucun pouvoir d'action en NBA, NHL, MLB ou NFL.
Et c'est là que le bât blesse. Car ces ligues n'évoluent pas totalement en autarcie. Elles accueillent des joueurs étrangers de plus en plus nombreux. Des athlètes qui, ensuite, peuvent prendre part à d'autres types de compétitions, avec leur équipe nationale par exemple. Et ces manifestations sportives sont organisées sous l'autorité des fédérations internationales. Par exemple, un championnat d'Europe ou du monde de basket est encadré par les règles de la Fédération internationale de basket amateur (FIBA). Donc un même joueur ne sera pas soumis aux mêmes règles antidopage selon qu'il porte les couleurs de son club ou de son pays. D'autant que les produits dopants doivent être dépistés le plus vite possible après leur absorption sous peine de devenir indétectables dans l'organisme. Alors, peut-être que la réelle injustice en matière de dopage se situe aussi là.