
Voilà quelques jours, le Kényan David Rudisha a battu le record du monde du 800 mètres, vieux de treize ans. Et ce record était loin d’être le plus ancien de l’athlétisme puisque – pour les courses masculines - celui du 400 m haies de l’Américain Kevin Young tient depuis 18 ans. Ne parlons pas des records féminins du 100 au 800 mètres qui, établis en des temps reculés par des phénomènes de foire des deux blocs – Flo-Jo pour l’école américaine, Marita Koch et Jarmila Kravtochvilova de l’autre côté du mur, ne seront peut-être jamais battus. Encore que pour celui du 800 m, la très controversée Sud-Africaine Caster Semenya a peut-être les moyens d’y parvenir. A se demander si il ne faut pas, justement, être une exception de la nature pour reculer encore les limite humaines.
Dans les lancers, c’est presque pire, les records du monde du disque et du marteau ayant 24 ans, celui du poids 20 ans.
A la longueur, traumatisée par le saut magique de Bob Beamon à Mexico, qui tint 23 ans, Mike Powell est en passe de faire aussi bien. Voilà 19 ans qu’il détient la meilleure marque de la discipline. En résumé, le saut en longueur n’a connu que deux recordmen du monde en 42 ans. C’est peu dans un sport qui, finalement, n’est codifié et mesuré que depuis un gros siècle.
Il fallait se douter que, plus on avancerait dans le temps et plus les performances, en athlétisme ou en natation, plafonneraient. Ce qui pose la question de savoir si le corps humain a des limites, si nous sommes en passe de les atteindre et, du coup, si les records ont vraiment une signification et une importance.
Usain Bolt est venu depuis trois saisons donner un grand coup de pied dans la fourmilière en établissant des temps sur 100 et 200 mètres que l’on pensait impossibles. Des études très sérieuses du CNRS établissaient voilà une dizaine d’années le seuil des possibilités humaines à 9’60. Bolt est descendu en dessous.
Bien sûr, l’éclosion de phénomènes comme le Jamaïquain permet à l’athlétisme de rester populaire. De même, les combinaisons si décriées en natation ont replacé ce sport sur le devant de la scène alors qu’il était en passe de devenir confidentiel.
Les deux sports rois de l’olympisme ont misé une bonne part de leur attractivité – sinon de leur crédibilité – sur le mythe du record. Peut-être vont-ils s’en mordre les doigts.
Car si, sans combis, les records stagnent dans les bassins et si, après la retraite de Bolt, personne n’est capable d’approcher ses temps – ce qui est probable -, il faudra d’autres arguments pour attirer les foules dans les stades ou dans les piscines.
C’est aussi un peu la rançon du sport « propre » qu’il sera plus moral, mais peut-être moins spectaculaire.