Pour les franciliens, un article écrit par un ami journaliste et cycliste...
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Au domaine de la petite reine
A quelques coups de pédales de Versailles, le parc régional de la Haute-Vallée de Chevreuse, où hier Louis XIV courait le cerf, devient, le dimanche matin, un haut lieu du cyclisme francilien.
Cela commence par un hommage. Tout juste après l'aérodrome de Toussus-le-Noble, au moment où l'on quitte le plateau de Saclay (au sud-est des Yvelines), mélange peu engageant de zones industrielles et de champs zébrés de lignes à haute tension, un carrefour, puis une plaque avant d'entamer une première descente vertigineuse sur Châteaufort : «A Jacques Anquetil, le monde cycliste reconnaissant, cinq Tours de France, cinq Paris-Nice, deux Tours d'Italie.»
En ce dimanche d'automne, tandis que le jour se lève à peine, le peloton entre alors dans le vif du sujet : la vallée de Chevreuse. C'est là, dans le parc naturel régional de la Haute-Vallée de Chevreuse - son appellation officielle - à moins d'une heure de Paris, dans ce qui fut l'un des terrains favoris de chasse à courre de Louis XIV, que règne sur le bitume une machine pourtant bien frêle, la bicyclette. Un règne certes temporaire, qui ne dépassera pas la matinée du dimanche. Mais un règne sans partage.
Avant 9 heures, alors que de rares passants traversent les rues de Chevreuse des croissants à la main, les pelotons de cyclistes occupent tout le terrain. Gare au fêtard mal réveillé, qui se fierait à sa seule oreille pour s'aventurer sur la chaussée : les vélos ne préviennent guère de leur arrivée. Quant aux automobiles, encore plus rares sur les routes de la vallée, elles ne doublent les pelotons qu'avec la plus extrême prudence. La probabilité est forte qu'un autre groupe de cyclistes arrive en face.
Vers 11 heures, la circulation se fait plus dense. Des motos surgissent, qui apprécient les routes sinueuses, les côtes et les raidillons de la vallée, ou plutôt des vallées : l'Yvette, le ru des Vaux-de-Cernay, l'Aulne, la Mérantaise, autant de cours d'eau qui ont creusé le territoire du parc. Les amateurs de VTT apparaissent aussi, toujours moins matinaux... Les cyclistes n'en restent pas moins maîtres de la route, contraignant les automobilistes à baisser leur moyenne ou à passer leur chemin.
De tout l'Ouest parisien, regroupés par clubs ou par simple affinité, ils affluent, ces fans de vélo en tenue évidemment ridicule - cuissard et maillot bariolés, chaussures «techniques» adaptées aux pédales automatiques avec lesquelles il est quasiment impossible de marcher - pour avaler les côtes entre Chevreuse, Bullion, Clairefontaine, Dampierre, Cernay-la-Ville... Si près de Paris mais en pleine campagne. A quelques coups de pédales de Versailles, juste après Châteaufort, la départementale 95 menant à Gif-sur-Yvette est surlignée de vert sur les cartes Michelin. Elle le mérite. Dans des champs en pente douce, encore humides de la rosée matinale, on ne verra pas de vaches regardant passer les trains, mais des chevaux s'approchant au plus près des cyclistes pour mieux les contempler. Quelques centaines de mètres à travers Gif-sur-Yvette, et les vélos s'attaquent à la première «bosse» - une côte, en langage de «cyclard». Sur près de 2 kilomètres, la route grimpe en lacets. Ce n'est pas pour rien que, menant au lieu-dit du même nom, elle s'appelle «la Vacheresse» : elle a le don de casser les pattes aux amateurs les moins bien réveillés.
Le test est sans appel. Pour ceux qui ont vraiment peiné, qui ont déjà eu le malheur de se faire distancer aux trois quarts de la Vacheresse, le diagnostic est cruel : aujourd'hui, c'est petite forme et la matinée sera difficile. Quelle idée, aussi, d'avoir abusé la veille de substances alcoolisées, avant de se lever, encore pas très net, sur le coup de 6 heures ! Il va falloir s'accrocher pour rester dans le peloton.
Mais, déjà, le plateau de Limours offre un premier répit. On se regroupe. Les plus aguerris se placent devant. Là où l'effort est intense. Il faut avoir roulé au moins une fois dans sa vie en peloton. A ceux qui mènent le groupe, le vent - au moins 30 kilomètres à l'heure, puisque c'est la vitesse de croisière sur le plat -, et donc la dépense d'énergie maximale. Derrière, les cyclistes les moins agressifs se retrouvent comme dans une bulle, protégés par le groupe. Pour eux, pas un souffle d'air à condition de «rester dans la roue», autrement dit, de coller au vélo précédent, pneu à pneu. Sur terrain plat, une fois lancé, quelques coups de pédales débonnaires suffisent pour maintenir la cadence.
Là, les conversations s'engagent. L'amateur de vélo parle d'abord de... vélo. De la machine, objet de toutes ses attentions. Pour alléger la monture de 200 grammes, passer sous la barre mythique des 8 kilos, il est prêt à dépenser des fortunes. Le vendeur, pardon, le vélociste, lui assurera, en outre, qu'une bicyclette de route à 5 000 euros, c'est, certes, un peu cher mais quel «rendement» ! Autrement, dit, la promesse d'un vélo plus rapide à effort équivalent. La dépense n'est pas forcément liée au niveau de vie. Dans les groupes qui se croisent en vallée de Chevreuse, on rencontre des jeunes et des tempes grisonnantes - c'est même l'un des rares sports praticables intensément jusqu'à 70 ans et plus si l'affinité perdure -, des ouvriers et des bourgeois. Ces derniers n'ont d'ailleurs pas forcément les plus beaux vélos et, de toute façon, l'accoutrement masque les différences sociales, comme le faisaient les blouses pour les écoliers d'antan.
Le cycliste raconte également ses exploits. «Ah ! la dernière randonnée dans les Cévennes, c'était quelque chose... Et les bosses dans le Jura... Au fait, la prochaine randonnée, les 210 kilomètres de Levallois-Honfleur, tu es prêt ?»
Le terrain jusqu'à Clairefontaine n'est pas bien méchant. Le cycliste ignore superbement l'existence du fameux centre d'entraînement de l'équipe de France de football, tout comme, la matinée durant, il apprécie, sans plus, les vieilles pierres émaillant les villages du parc. On y recense pourtant quelque 1 000 édifices inscrits à l'inventaire des Monuments historiques...
Les vélos filent sans attendre vers La-Celles-les-Bordes, puis Cernay-la-Ville. Avant le bourg, ils bifurqueront vers les Vaux-de-Cernay et son abbaye cistercienne. Avec ses étangs, ses rochers, sa cascade, l'endroit a tout pour plaire. A tel point qu'à la fi n du XIXe siècle, Cernay était devenu pour les Parisiens une des excursions les plus à la mode. Les Rothschild avaient alors fait l'acquisition de l'abbaye, où ils construisirent un manoir néogothique, transformé depuis en hôtel, tandis que le bourg attirait des peintres aujourd'hui oubliés. Qui se souvient de l'école de Cernay ? Elle a pourtant bien existé. Mais le cycliste n'en a cure, tout comme il ignore les brunchs appétissants servis par le restaurant de l'abbaye : il y a tant de kilomètres à avaler...
Jusqu'à Auffargis, la route grimpe à travers la forêt. Les moins entraînés s'accrochent, le souffle court. Surtout ne pas lâcher le groupe... Sinon, attention au coup de pompe quand on se retrouve seul face au vent. «La route, c'est parfois une déroute», écrit Eric Fottorino dans son Petit Eloge de la bicyclette (Gallimard, Folio). Alors«il faut relancer, se lever le cul de la selle, empoigner la bécane pour l'arracher...», dixit le directeur duMonde. La plupart des cyclistes ne sont pas des sauvages. En club, on a l'esprit d'équipe. Une fois en haut de la côte, le peloton attendra les retardataires.
Ensemble, les vélos descendront sur Dampierre. Là, entre le château dessiné par Mansart et le marché qui occupe l'autre côté de la rue principale, il faut ralentir. Les pavés contraignent de toute façon à freiner, sous peine d'abîmer les machines. Le moment où jamais de reprendre son souffle. Car à la sortie du village se profile l'un des plats de résistance de la vallée, la mythique «côte des dix-sept tournants». C'est sans doute un cycliste qui, le premier, les a comptés. Depuis, l'appellation figure sur les cartes. La longueur de la montée en lacets impressionne. Il faut savoir garder des forces, ne pas se surestimer au départ. Sinon, gare à l'effondrement à mi-parcours...
Pour autant, les dix-sept tournants restent un sympathique amuse-gueule, en regard d'une des côtes les plus redoutables de la vallée, comme celle de la Madeleine, menant au château du même nom au départ du bourg de Chevreuse : 12% ? 14% ? L'ampleur de la pente n'est nulle part indiquée. On parvient au château de la Madeleine«en suivant un chemin fléché en forte pente», écrit sobrement Le Guide vert. Ce qui est sûr, c'est que s'arrêter au milieu, à bout de souffle, signifie l'abandon : il est quasi impossible de repartir. La fin de la côte, ce sera à pied. La honte !
Ce jour-là, on a évité la Madeleine, et donc le pire. Après les dix-sept tournants, le temps de reprendre ses esprits, il a fallu tout de même monter jusqu'à l'abbaye de Port-Royal, fief des jansénistes, où Pascal écrivit sesPensées. Une jolie porte de sortie du parc de Chevreuse... La suite est moins riante, puisqu'on entre rapidement dans Guyancourt, sa zone industrielle et son trop fameux Technocentre de Renault. Fini, la promenade bucolique. A moins d'avoir décidé avant de s'orienter vers la ville de Chevreuse, pour remonter ensuite sur le plateau de Saclay via Villiers-le-Bâcle. Ou, plutôt, «Villiers la débâcle» pour ceux que la côte, plutôt sévère, laisse derrière, cassés par quelque 80 kilomètres parcourus dans la matinée.
Pour les cyclistes rejoignant Meudon ou Vélizy, l'ultime côte, au départ de Jouy-en-Josas, est la mieux nommée : c'est celle «de l'Homme mort». Reste à savoir qui jouera le rôle ce dimanche-là. Peu importe, après tout, puisque tous se retrouveront en Chevreuse le dimanche suivant.
HOMMAGE AU MAITRE
Jacques Anquetil (1934-1987), surnommé «Maître Jacques» par la profession, était normand et non parisien. Cela ne l'a pas empêché d'honorer la vallée de Chevreuse, à l'occasion. Mais les cyclistes, qui lui ont érigé, à l'entrée du parc régional, un «mémorial» sur lequel figurent les contours de l'Hexagone, ont surtout pensé à sa défense et illustration du vélo sa vie durant : 184 victoires entre 1953 et 1969 ?- seul Bernard Hinault, s'agissant des cyclistes français, a fait mieux. Hinault est, du reste, le parrain du fils d'Anquetil, Christopher. Ce qu'ont voulu signifier les amateurs de Chevreuse en installant cette stèle, c'est que les routes du parc régional leur appartiennent, sous le patronage bienveillant, là-haut, du grand Jacques...
Chevreuse
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Re: Chevreuse
un super coin pour le vélo en effet
Re: Chevreuse
La descente "vertigineuse" sur Châteaufort ???!!!!!!!
Pour un petite côte de 500m à 6% et 2 virages : l'auteur doit avoir quelques origines marseillaises.


Pour un petite côte de 500m à 6% et 2 virages : l'auteur doit avoir quelques origines marseillaises.
