superyoyo a écrit : 06 oct. 2020, 12:42J'ai lu Piketty (le capital au XXIème siècle)Trapanelle en nat a écrit : 05 oct. 2020, 12:06En tout cas, il a lu Piketty, est-ce ton cas ?Marc 4 tri a écrit : 05 oct. 2020, 12:01
Tes analyses doivent être à n'en pas douter plus fines et nuancées que celles de Piketty.![]()
Il commence par préciser qu'il n'est pas anti-capitaliste.
Son credo c'est l'article 1 de la déclaration des droits de l'homme: "Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune".
Son équipe a étudié une vingtaine de pays sur 200 ans d'histoire économique et il arrive aux conclusions suivantes:
- Il n'existe aucune force naturelle qui réduit les inégalités (la "main invisible du marché" n'existe pas !)
- Une seule chose a permis de réduire les inégalités: 2 guerres mondiales.
- Une seule chose a permis de maintenir les inégalités à un niveau bas: des impôts très élevés (par exemple aux USA pendant à peu près 40 ans la tranche supérieure des impôts sur le revenu était au dessus de 80%, avec une pointe à 94%, et même 98% en Angleterre, alors qu'on a tapé sur Hollande quand il a annoncé 75%). Depuis les années 70-80, sous l'impulsion de Thatcher et Reagan, les impôts ont baissé et les inégalités repartent à la hausse. On est loin d'être revenu aux inégalités de 1900 mais la colère monte petit à petit (pour l'instant cette colère se manifeste de manière très conne puisque les gens ne votent pas pour ceux qui veulent réduire les inégalités, mais c'est un autre sujet).
Donc, ma conclusion: si l'histoire se répète, les impôts ou la guerre, ou la révolution comme en Russie en 1917...
Pour compléter, l'idée centrale du bouquin (que j'ai tout lu - un exploit!

La conséquence de cette idée, c'est qu'il faut une forte croissance pour réduire les inégalités (g>r), et que d'autre part on devrait tout de suite arrêter la retraite par répartition (dont le financement dépend de la croissance) en faveur de la retraite par capitalisation (dont le financement dépend du retour sur le capital). Mais Piketty ne tire pas les conséquences logiques de son affirmation, et surtout ses études sont à peu près décrédibilisées par de nombreuses études: lorsque d'autres économistes ont tenté de démontrer la corrélation entre r-g et les inégalités, ils n'ont rien trouvé de convainquant... Même le fait que r>g est contesté: essayez de placer votre argent, et regardez si vous arrivez à en sortir de façon sûre et consistante 5% comme Piketty l'affirme... La vérité historique est que l'inflation a souvent mangé l'épargne, et que l'épargne ne rapporte aujourd'hui plus rien. Et puis surtout, Piketty est obsédé par les inégalités (la différence entre les parts de gâteaux) mais il ne s'intéresse pas à la pauvreté et à la richesse dans l'absolu (la taille de la part de gâteau que l'on a à manger). Pourtant, faire croître le gâteau est important: grâce au progrès économique, technique, sanitaire et social, la qualité de vie d'un ouvrier aujourd'hui est incommensurablement supérieure à celle d'un Louis XIV... Piketty n'a qu'une réponse obsessive (l'impôt) à la seule question qu'il se pose (les inégalités), mais il ne réfléchit jamais sur les moyens d'augmenter la richesse produite. Et il ne voit pas que son remède peut être pire que le mal en nous enfonçant dans une spirale dépressive, comme celle qu'a connu la France pendant les dernières décennies (découragement de l'initiative privée, perte de compétitivité de notre industrie, faillite ou délocalisation des entreprises industrielles et commerciales, chômage de masse, perte de pouvoir d'achat, baisse des cotisations sociales, diminution des prestations sociales et des dépenses de santé, services publics en déshérence, plans d'austérité pour combler la chute des recettes, hausse des impôts, et on reboucle au début).
Piketty est aujourd'hui censuré en Chine parce qu'il accuse la Chine d'avoir fait explosé les inégalités - ce qui est parfaitement vrai. Mais il oublie de dire que la raison de cette explosion des inégalités, c'est que la Chine est sortie de la misère absolue dans laquelle elle se trouvait sous Mao. C'est clair que quand tout le monde crevait de faim, il n'y avait pas d'inégalités... Le jour où la Chine a décidé d'introduire un système économique capitaliste dans un système politique communiste, elle a commencé à produire énormément de richesses, qui ont créé des milliardaires en grand nombre, qui a fait émergé toute une classe moyenne, mais qui a laissé derrière les populations agricoles. Même si ces dernières sont sorties de la misère absolue qui était la leur sous Mao et ont enfin pu manger à leur faim au lieu de crever égalitairement et en masse, elles n'ont pas connu l'explosion de pouvoir d'achat des autres populations chinoises. Globalement, on a une population chinoise beaucoup plus riche, mais aussi beaucoup plus inégalitaire. Autrement dit: l'accroissement de l'inégalité était la condition même de sortie de la famine et de la misère, car dans tous les pays, le développement économique ne se fait jamais par augmentation uniforme du niveau de vie, mais par émergence d'une classe moyenne et d'une classe aisée de plus en plus nombreuses. Ce que Piketty ne comprend pas, c'est que la quasi-totalité des pays, notamment ceux en développement, et notamment les géants Chinois et Indiens, cherchent à faire reculer la pauvreté, et se foutent des inégalités. Leur raisonnement: s'il y a des riches, tant mieux pour eux, du moment qu'on éradique la pauvreté et que tout le monde mange à sa faim. L'égalité, souvent vécue dans la douleur, c'est pour eux les régimes marxistes de feu l'URSS, d'une bonne partie de l'Afrique, du Vénézuela ou de la Chine maoïste, ou tout le monde est égal dans la misère à crever de faim, à part quelques cadres du Parti. Mais ce genre de considération est évidemment complètement en dehors du schéma mental hamono-mélenchoniste d'un Piketty qui ne s'en tient qu'à rabâcher ses indicateurs fétiches et ses tableaux...