[avis livre] More fire: How to Run the Kenyan Way de Toby Tanser

Que faire pour aller plus vite, plus loin, plus longtemps? Ici on débat de tout ce qui touche de près ou de loin à la préparation physique et mentale (y compris les clubs).
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Thierry *OnlineTri*
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[avis livre] More fire: How to Run the Kenyan Way de Toby Tanser

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More Fire: How to Run the Kenyan Way
octobre 2008 de Toby Tanser
Kenya has produced the greatest concentration of world-class runners, and fellow athletes have long been intrigued by their remarkable success. Toby Tanser has devoted much of his professional career living and training among Kenyan runners in order to better understand the unique status of East African athletes. In More Fire: How to Run the Kenyan Way, the author builds upon the success of his acclaimed Train Hard, Win Easy, the first book to provide insights into the Kenyan "magic" that so many runners and coaches had sought. Instead of special foods or secret techniques, Tanser found that Kenyan runners simply trained incredibly hard, much harder than anyone had realized. By adapting their training regime—which includes three workouts a day—and following their example, runners, whether novices or champions, are able to improve both their performance and enjoyment in running. For those training for a marathon or any other distance race, this book is both practical and inspirational.

Divided into four parts, the book begins with a description of running in Kenya, the landscape, the physical conditions, and the people; the second part concentrates on details of Kenyan training camps, training methods, and their typical training diet; the third profiles individual runners and coaches from the past and present, with each explaining their approach to running so that readers can gain further insight into their methods. The book ends with a discussion on how the reader can adapt Kenyan training practices for their own running requirements. More Fire: How to Run the Kenyan Way is essential reading for runners of all levels and experience.
Mon avis pour ce qu'il vaut ;)

Le titre prête à sourire, il faudra un peu plus que lire un livre pour "courir comme un kenyan!" (j'aurai essayé cependant LOL) More Fire nous offre une plongée dans le monde de la course à pied au Kenya... La première section s'intéresse à l'historique de la course à pied au Kenya qui date de la colonisation britanique. Dans la section suivante on fait une virée dans Iten, la Mecque des runners avec ses dizaines de camps d'entrainement et sa densité irréelle d'athlètes gros calibres. La troisième partie dresse les portraits (avec chronos, séances types, parcours de vie, entrainement etc) de dizaines de figures marquantes de la course à pied du pays. Le livre s'achève par une quatrième section de quelques pages et s'intéressera à ce que nous pouvons retirer (en plus de l'inspiration) du livre pour nos entrainements et aux œuvres charitables mis en place par l'auteur (voir Shoes4africa). Toby Tanser leur reverse d'ailleurs l'intégralité de ses droits d'auteur sur son livre. Au final c'est un ouvrage inspire et aide à comprendre, qu'un guide pratique qui vend du "rêve"... et c'est beaucoup mieux ainsi. J'avoue avoir pris quelques grosses claques en lisant...

Même si le livre a été écrit il y a une dizaine d'année je doute qu'il aie pris une ride. C'est en anglais et c'est imprimé tout petit et dans les deux premières parties du livre l'auteur, Toby Tanser, ne peut s'empêcher de disgresser en partagant 1001 annecdotes. Cela rend la lecture très, très lente... Cela fait 2 mois que le livre est sur ma table de chevet. Pour le coup on va bien au dela de la simple image d'Epinal du kenyan né en altitude qui coure des dizaines de kms chaque jour pour aller à l'école... (ça casse le mythe de savoir que l'école la plus réputée pour ses coureurs --St Patrick High School-- est un internat...)

C'est quand même le monde un peu à l'envers: la France a un PIB 30x supérieur à celui du Kenya et c'est nous qui nous demandons ce qu'eux ont et que l'on a pas...

En France même l'athlète qui vise 5h au marathon peux aller faire ses séances de "vitesse" sur une jolie piste en tartan alors qu'à Iten les meilleurs mondiaux tournent autour d'une piste cendrée ayant des allures de terrain vague, au moindre bobo on a une équipe médicale à notre service avec toutes les dernières technologies d'imagerie médicale alors que la-bas des pures champions se sont retrouvés écartés des compétitions car ne parvenant pas à soigner des maladies "bénignes", en matière d'équipement de technologie pas besoin de faire de dessin je pense qu'on est assez peu en occident à galérer pour avoir une paire de running, pour nos meilleurs athlètes il y a bien sur possiblité avoir un suivi et une assistance encore plus poussés (INSEP, pôles, etc...). Pourtant nos meilleurs runners qui vont maintenant au Kenya (Tahri, Mekhissi, Wanders,...) et ce ne sont pas les Kenyans qui viennent chez nous faire des stages pour profiter de nos infrastructures de pointe.

Alors c'est quoi leur ***secret***???

La réponse que l'on devinait dès le début de l'ouvrage tombe page 128 : la pluspart des kenyans savent que le secret du succès est de s'entrainer dur... et là c'est clair que souvent ça ne plaisante pas! Les plus hard core se font 3 voir 4 séances par jour (dont 2 de pistes!), dans les nombreux camps d'entrainement on y mène une vie ascétique 100% tournée vers le running (courir-manger-dormir-), le leader du groupe (athlète ou coach) décide du contenu des séances parfois au fil de l'eau, pas de plainte et dès qu'il faut mettre de l'intensité la sortie devient une mini-compétition... La recup n'est pas pour autant ignorée, les allures (très) lentes sont respectées... Partant du principe que ce qui ne tue pas rend plus fort, il est compréhensible que ceux qui survivent à ce type de régime s'en sortent pas mal ensuite. Vu la densité d'athlètes dans le pays on ne fait pas grand cas de ceux qui ne réussissent pas... les sélectifs pour faire partie de la sélection nationale sont souvent plus dur que d'aller chercher la médaille ensuite (je schématise un peu)

100% des gagnants ont tentés leurs chances...

Comme pour le loto, ne s'intéresser à ceux qui ont réussi n'offre pas une vue juste des choses, le niveau des records et la densité des athlètes sur route comme sur piste sont telles aujourd'hui, qu'il y a une évidence au fait qu'il faille s'entrainer dur pour arriver au sommet et que talent est finalement juste un pré-requis. Pour bien des kenyans la vie n'est pas facile, ils ont bien intégrés qu'il fallait une grosse discipline et détermination pour réussir.

Le succès des kenyans est peut-être simple & rationnel finalement :

- Une faible dispersion des talents : la course à pied est l'un des sports qui demande le moins de moyens. Dans un pays à faible niveau d'infra-structure, les athlètes sont donc nombreux à se concentrer sur ce sport encore plus lorqu'ils constatent qu'il est vecteur d'ascension sociale! A supposer qu'un athlète sur 1000 présente des prédispositions pour la course à pied, en France il pourra facilement être attirer un autre sport (ski, cyclisme, etc...) ou simplement privilégier les études car faire carrière dans le sport HN demande bcp de sacrifices n'est pas la chose la plus sûre chez nous pour s'assurer un avenir.

- Une croyance en eux : C'est peut-être un trait de ceux qui ont réussit mais il semble que les kenyans sont assez prompts à tenter leur chance crânement en partant du principe que si un de leur compatriote l'a fait eux aussi peuvent le faire! Les candidats à se faire remarquer sont donc nombreux à chaque course locale qu'importe qui est sur la ligne de départ! Croire en soi ne va pas forcement apporter le talent, mais si on a le talent ça aidera à l'exploiter et endurer l'entrainement! Si l'on pense que l'autre a un avantage (génétique ou autre) sur nous, inconsciemment on part déjà un peu vaincu... C'est peut-être d'ailleurs un peu le soucis de toute notre "science" qui veut nous faire croire à un certain déterminisme.

- Le pouvoir du groupe : Quand un groupe de runners vivent et s'entrainent ensemble ça créé une grosse émulation! A Iten ou Eldoret visiblement la concentration d'athlètes atteinte est juste incroyable... Ca bouscule tous les standards et aide à créer une culture de l'excellence en course à pied.

Je pense que ces 3 aspects peuvent constituer un cercle verteux où la réussite de l'un va favoriser celles des autres au fil des années. Aussi étrange que cela puisse paraitre on peut faire quelques parallèles (à moindre échelle) avec la famille norvégienne Ingebrigtsen (lire un bon article ici). Un premier frère qui ouvre la voie, les autres qui suivent en essayant de surpasser leur ainé et comprennent très tôt l'implication qu'il faut pour être au top et apprennent des "erreurs" du grand frère. La saine solidarité & compétition entre eux leur permet au prix de gros efforts et d'une vie pas toujours très amusante d'atteindre des sommets... Bilan Jakob qui à 17 ans fait sans complexe le doublé 1500m et 5000m aux récents championnats d'Europe de Berlin et affole les chronos (sur 5 frères en age de courir 2 ont arrêté, il n'y a rien d'automatique ni de facile dans tout ça!). On retrouvera même dans le père, le coach autodidacte comme on a souvent au Kenya ;)

On peut bien sûr détailler d'autres aspects :

- Style de vie simple : Les valeurs tournent autour de la famille et du travail pas des likes sur Insta ou Facebook ;) Ce n'est peut-être pas un hasard si Iten est une zone très rurale, depuis tout petit on utilise plus ses jambes que la voiture.

- Un sport qui peut apporter des revenus attractifs : Une chambre se loue pour moins de 10$ par... mois à Iten (enfin sans doute pas dans les centres à touristes sportifs...)! On comprends que les primes de courses peuvent représenter de jolis petits pactoles une fois de retour au pays et la course à pied est vu comme un moyen de sortir de la pauvreté.

- Alimentation saine : Ils sont quasi végétariens, le climat fait que les cultures poussent bien. Ils n'ont pas les moyens d'acheter des produits phitosanitaires et c'est peut-être pas plus mal pour eux. C'est du fait maison plutôt que de l'industriel.

- Terrain de jeu idéal? : Les routes de terre, le climat favorise sans doute la pratique du running et la tolérance aux gros volumes. L'altitude joue aussi sûrement un rôle (ça freine quand même un peu les allures)

...

Après bien souvent les journalistes/auteurs évitent de prendre de front les choses et occultent l'éléphant dans la pièce : le "confort" de notre vie "moderne" ne nous a-t-il pas ramoli? Je doute que beaucoup d'entre nous supprime la carte de bus du gamin ou renonce à l'amener en voiture à l'école pour l'obliger a y aller en courant et en faire potentiellement un bon athlète plus tard (je n'ai pas encore annoncé mes belles intentions à mes enfants ni à leur mère :lol: :lol: ). Soyons honnête, les pays occidentaux sont en bien meilleure position pour faire émerger des prodiges du gaming que du running aujourd'hui (et le eSport ne rapporte pas forcement moins!). La sédentarité et malbouffe font que nos populations sont globalement de moins en moins en forme et enclins à l'effort au point que la marche est considérée comme une forme d'exercice... Heureusement il y a des exceptions!

Dans la troisième section du livre présente donc des dizaines d'athlètes. Si les chronos font tourner la tête et envoit du rêve, au niveau des parcours de vie des uns ou des autres on prend quelques grosses claques forcement :oops: :oops: :oops: . Dire que certains étaient pauvres n'est pas un vain mot :(

J'ai parcouru les séances en diagonale n'étant pas assez expert pour y déceler les différences qu'il pourrait y avoir avec des athlètes HN occidentaux. De loin, ça ressemble à la même chose : des footings, des fartleks, du fractionné, du travail en côtes, de la technique,... les doses variants en fonction des forces/faiblesses de chacun et des distances travaillées (les exemples vont du 800m au marathon). On voit que chaque athlète finit par trouver ce qui lui convient en terme d'entrainement : certains s'entrainent comme des fous (certains exemples laissent pantois...) d'autres vont favoriser la qualité, certains s'entrainent seuls, etc... et que les parcours sont très, très différent certains courraient effectivement pour aller à l'école (20k/jour pour une pré-ado ça forge...) le seul point commun est que tous sont assez low-tech (en tous cas en 2009) pour le reste il faut se méfier de généraliser sur ce qui pourrait être le régime "Kenyan" ;)

Ce livre fut long mais passionnant à lire! Je n'ai pas encore lu "les secrets de l'entrainement kenyan" de Bob Tahri et Jérôme Sordello qui aura l'avantage d'être en français ;) Je ne sais pas s'il est aussi bien (s'il qq l'as lu un retour sera le bienvenu)


Quelques vidéos pour mettre dans l'ambiance:

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francky48
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Re: [avis livre] More fire: How to Run the Kenyan Way de Toby Tanser

Message non lu par francky48 »

Le reportage sur Bob Tahri est énorme
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Thierry *OnlineTri*
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Re: [avis livre] More fire: How to Run the Kenyan Way de Toby Tanser

Message non lu par Thierry *OnlineTri* »

francky48 a écrit : 06 sept. 2018 11:13 Le reportage sur Bob Tahri est énorme
Intérieur sport a quand même une tradition d'excellents docus ;) ;) Tu as la suite .

Je n'ai mis des liens que vers des reportages en français, mais tu en d'autres excellents en anglais : un de la BBC sur la star du 800 David Rudisha notamment.

Je me plante un peu en disant que le livre n'a pas pris une ride, en regardant un peu plus de reportage on voit qu'il y eu à Iten un fort développement du tourisme sportif avec de belles résidences plus proches de nos standards et une jolie piste en tartan maintenant :)

T.
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lopapy
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Re: [avis livre] More fire: How to Run the Kenyan Way de Toby Tanser

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Merci Thierry pour ce fil(et le rappel en MP :wink: )

Ces lignes et ces vidéos sont a voir et à revoir, elles montrent aussi qu'en dehors de toutes les caractéristiques sociales, climatiques, environnementales que tu as illustrées, il n'y a pas qu'un seul et unique chemin qui mène aux résultats... Chacun sa voie en fonction de ses paramètres.

L'Papy_ :sm6:

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